En cet après-midi de Noël, le prévenu s’adonnait à un footing dans le parc public situé face au golf de Atimaono, à Papara. Vers 18 heures, craignant que le parking ferme, il a décidé de déplacer sa voiture pour ne pas se retrouver bloqué dans l’enceinte du site. En s’engageant sur la longue ligne droite qui longe le golf, il a coupé la route à un motard de 38 ans qui revenait de la Presqu’île où il venait de rendre visite à son frère et ses parents.
« Il faisait beau. Il n’y avait strictement personne. J’ai tourné le visage à gauche, et je me suis fait éblouir par le soleil. J’ai laissé passer un véhicule. Puis je suis passé. Je n’ai jamais vu la moto (…) Pour moi, c’était safe. Je n’ai toujours pas compris comment je n’ai pas pu la voir », a expliqué à la barre le conducteur, un quinquagénaire à la carrure sportive. Puis celui-ci de poursuivre, d’une voix plus feutrée : « J’ai vu que c’était grave. J’ai pris son pouls. Je lui ai dit que je ne l’avais pas vu, que j’étais désolé. J’ai continué à lui parler : ‘ne t’inquiète pas, les pompiers arrivent’ (….) mais ils n’ont pas réussi à le réanimer ».
Dans la salle, des proches du défunt, père de deux enfants et motard aguerri, n’ont pu retenir leurs larmes en entendant ces mots. Appelée à la barre, sa mère a témoigné de son immense détresse : « On a vraiment du mal de ne plus le voir à la maison, à ne plus l’entendre. C’est dur d’enterrer un enfant. Normalement, ce sont les parents qui partent avant. En plus, c’était le jour de Noël. Aujourd’hui, nos Noëls sont foutus. On les passe au cimetière avec lui ». « Pourquoi tu ne t’es pas arrêté ? On ne serait pas là aujourd’hui », a-t ’elle fini par lancer au prévenu, en lui faisant face.
L’ex-compagne de la victime a ensuite pris la parole pour parler de « l’homme de -sa-vie » malgré leur séparation. « Notre monde s’est effondré ce jour-là. Moi aussi j’ai voulu mourir », a-t-elle témoigné avant de s’adresser elle-aussi au conducteur : « Je te voyais comme un monstre. Mais je sais que tu ne l’as pas fait exprès ».
« Malgré tout, on te pardonne »
La fille du motard, jeune adolescente, a aussi souhaité saluer la mémoire de son père, « le meilleur » : « Il me déposait à l’école et venait me chercher tous les jours (…) Le jour où je l’ai vu par terre. Je ne pouvais pas y croire. Aujourd’hui, c’est fait, mais j’aimerai que justice soit faite pour moi, mon frère, maman, et toute notre famille. Il était fort et, aujourd’hui, on ressent tous un vide. Mais je sais que c’est un accident. Malgré tout, on te pardonne ».
Autant de témoignages qui ont bouleversé l’assistance, y compris l’une des juges assesseurs qui a peiné à contenir une larme. Le prévenu, lui aussi ému, a fait part de ses profonds regrets. « Je ne suis pas un chauffard. Je suis vraiment désolé. Je ne l’ai pas vu ».
Pour cette « faute légère aux conséquences dramatiques », la procureure a requis une peine de 18 mois de prison avec sursis, la suspension du permis du conducteur pour une durée d’un an, et l’obligation pour celui-ci de suivre un stage de sécurité routière. Le tribunal rendra sa décision mardi prochain.
A l’issue de l’audience, le prévenu et ses proches ont longuement échangé avec la famille de la victime. Une communion douloureuse, dans la salle des pas perdus, qui s’est achevée par des accolades et quelques sourires.