« J’ai été le larbin de service de Tamatoa Alfonsi. » C’est de cette manière que Baptiste Pousset se présente au tribunal. Ce trentenaire a par trois fois servi de mule pour transporter de l’argent ou de l’ice entre la Polynésie et la ville de Tijuana au Mexique.
Mal dans sa peau, et accro à la « meth », il s’était mis sous la coupe de Tamatoa Alfonsi, un grand frère de substitution qu’il connaissait depuis une quinzaine d’années.
De ses séjours à Tijuana, il a témoigné d’un véritable « enfer ». Les passages à tabac réguliers d’Alfonsi mais aussi les rencontres avec les membres du cartel de Sinaloa. Dont un dénommé Luis. « Celui qui venait faire le travail. Exécuter les gens », dit-il.
Il raconte aussi avoir été arrêté à plusieurs reprises par la police mexicaine. Une fois, il a même fini enfermé dans une cage « avec 20 personnes ». Puis a failli mourir asphyxié dans un fourgon où s’entassaient des prisonniers.
« C’est un monsieur qui a été considérablement ébranlé par tout ce qu’il a vécu, explique Me Laurent Curt, son avocat. Il essayait de s’intégrer dans ce milieu, auquel il n’a jamais réussi à appartenir vraiment. Et pour ce faire, il était prêt à tout, à faire n’importe quoi, et donc on lui a fait faire n’importe quoi. Aujourd’hui il le regrette bien entendu. »
« On va me faire la peau pour tout ce que je vous ai dit »
Une autre mule, Tamanui Fatuma, témoigne aussi d’un climat de peur à Tijuana. Notamment cet épisode où un garde du corps d’Alfonsi lui bloque la porte de sa chambre, un cutter à la main. Alors qu’un autre fait tourner une scie circulaire sur le perron.
Baptiste Pousset, lui, a fini par s’enfuir. Et s’il déclare aux magistrats tout révéler aujourd’hui, c’est pour entamer une nouvelle vie, loin de « l’enfer de l’ice ».
« Mais j’ai l’impression que dans quelques mois ou dans quelques années, on va me faire la peau pour tout ce que je vous ai dit », ajoute-t-il, fataliste. Son avocat n’exclut pas non plus des représailles.
« Il sait que ses déclarations ne vont pas plaire à tout le monde, poursuit Me Laurent Curt. Mais il n’accuse personne. Ça ne viendra pas nécessairement de ses anciens partenaires, parce qu’il sait que tous les gens qui, à Tahiti, s’adonnent à la drogue, sont capables de lui en vouloir. Même s’ils n’ont reçu aucune instruction, ils sont capables d’organiser les représailles qu’il peux craindre. »
Le procès se poursuit mardi avec les auditions attendues des deux personnages centraux du dossier : Tamatoa Alfonsi et Maitai Danielson.