Ils étaient trois à comparaitre à la barre du tribunal correctionnel. Deux mutoi de Papeete, actuellement suspendus de leurs fonctions, et l’un de leurs proches, ex-militaire aujourd’hui chauffeur d’engins. Le 26 juin 2021, tous trois s’étaient rendus à Moorea pour une « journée de cohésion » à laquelle participaient de nombreux policiers municipaux, mais aussi nationaux, qui se trouvaient donc hors service. Mais ce qui devait s’apparenter à une banale journée de détente a viré à la beuverie, puis à la rixe, pour plusieurs d’entre-eux, dont les trois principaux mis en cause.
Attendant le ferry sur le quai de Vaiare, et totalement ivre, l’un des mutoi aurait été « l’élément déclencheur » de la violente bagarre. Sans réelle raison, il aurait apostrophé deux individus, dont un détenu en permission avec sa fille mineure, avant « d’armer » le premier coup de poing. Les deux autres, qui ne le connaissaient pas, ont évité le direct mais l’ont mis KO en retour. Les coups se sont alors mis à pleuvoir après l’intervention du second mutoi et du troisième prévenu.
Voyant la tournure des évènements, et pour « protéger -sa- fille », le détenu en permission s’est réfugié avec celle-ci dans une maison voisine, où une famille organisait un paisible barbecue. Les deux autres, à ses trousses, n’ont pas hésité à pénétrer dans la cour de l’habitation après avoir endommagé le portail.
Une nouvelle pluie de coups s’en est suivie. Mais cette fois, des femmes et des enfants ont été blessés. En tout, une dizaine de personnes. Et selon tous les témoins, dont des mutoi de Moorea, ce sont « ceux de Papeete » qui sont les principaux fautifs.
« On a dû protéger nos enfants »
« L’un m’a poussée et insultée. Je lui disais de sortir et il me disait : ‘tu es qui toi ? (…) On a essayé de les arrêter, mais ils n’ont pas voulu. On a dû protéger nos enfants. Ils sont traumatisés. Des choses ont été cassées, des coups donnés, cela ne donne plus confiance », a témoigné une femme qui se trouvait dans la maison et qui elle aussi a été blessée.
Le détenu en permission a, lui, expliqué qu’il ignorait que ses poursuivants étaient des policiers. « Ma petite était paniquée et j’ai eu peur (…) Je me suis agenouillé et je les ai suppliés de me laisser tranquille. Mais l’un a jeté un gros caillou et l’autre un vélo (…) C’est inadmissible. Quand j’ai su qu’ils étaient des agents, ça m’a encore plus choqué », a-t-il déclaré à la barre.
Les trois prévenus ont tenté de se justifier en soutenant que le premier coup ne venait pas de leur camp. Quant à la suite : « On était censés participer à une journée festive avec des collègues. On n’allait pas là pour tabasser des gens (…) Dans ma tête, je devais aller le chercher -le détenu en permission, NDLR- pour prouver pourquoi on en était arrivé là (…) On aurait dû faire différemment », a fini par consentir l’un des deux agents.
L’audience brutalement interrompue
A l’entame de ses réquisitions, la procureure a dit « regretter » qu’aucun gradé de la police municipale et de la police nationale présents à cette journée de cohésion n’ait rappelé aux participants « que l’ivresse publique est interdite ».
Elle a ensuite considéré que les prévenus portaient bel et bien la pleine responsabilité des événements. Le premier pour avoir été « l’incitateur » de la rixe et les deux autres pour l’expédition punitive dans la maison de particuliers. Elle a requis une peine de 6 mois de prison avec sursis contre le premier policier, et de 24 mois, dont 17 avec sursis, contre le second. Elle a en outre demandé à ce qu’ils ne puissent plus exercer dans la fonction publique pour une durée de 5 années. Quant au troisième prévenu, déjà condamné pour des faits de violences, elle a réclamé 3 ans de prison dont deux avec sursis.
Le procès n’a toutefois pas été jusqu’à son terme. Alors que l’audience venait d’être levée pour une heure, l’un des trois magistrats du siège a été victime d’un malaise nécessitant l’intervention des secours. Le dossier a par conséquent été placé « en continuation » au 27 juin. Il devrait donc reprendre à cette date là où il s’était arrêté, à savoir aux plaidoiries des avocats des trois prévenus.
La composition du tribunal devant être la même au cours d’une audience, le dossier pourrait également être repris depuis le début si le magistrat victime du malaise ne pouvait être présent le 27 juin.