C’est une affaire poignante qui a pesé sur la grande salle d’audience du tribunal. Un dossier “aux limites du supportable” pour reprendre les mots du procureur de la République.
Sur le banc des prévenus : un père de famille et, quelques rangs derrière lui, son épouse, couvée par leurs deux filles, jeunes adolescentes. Une femme qui souffre depuis 2019 d’un cancer agressif qui s’est, depuis, généralisé.
L’homme boit de l’alcool depuis ses 17 ans. Il dit avoir perdu pied après le diagnostic de la maladie de son épouse au point d’enchaîner jusqu’à “12 obus” de bière dans la journée.
Et il est devenu très violent. Régulièrement, il portait des coups aux trois victimes, tirait les cheveux de ses filles, insultait et humiliait son épouse. Et ce, durant plusieurs années. En raison de l’état de faiblesse de sa compagne, chaque coup reçus était pour elle une terrible souffrance.
Mais au-delà des séquelles physiques, ce sont celles psychologiques qui ont davantage encore inquiété les médecins. Les deux jeunes filles présentent des troubles de stress post-traumatique, mais aussi, pour l’ainée, des “stigmates d’automutilation”.
“Pourquoi avez-vous fait ça au moment où votre femme a le plus besoins de vous ?”, l’a interrogé la présidente, visiblement touchée par la situation et par la complicité des jeunes filles et de leur mère. “Je crois, peut être, que j’en veux à ma femme, car si elle s’en va, elle me laisse avec les 2 petites”, a-t-il répondu sans détour. “Mais vous vous rendez compte de la situation que vivent vos filles ?”, s’est encore émue la magistrate. “Maintenant, oui”, a acquiescé leur père.
Boire “pour éviter de réfléchir, pour éviter d’avoir peur”.
Son contrôle judiciaire lui imposait de suivre des soins, obligation que l’homme a respectée. Il a assuré ne plus consommer d’alcool en semaine, mais boire encore “6 à 7” obus le week-end chez son oncle où il réside depuis sa mise en examen.
“Il a fait beaucoup d’efforts. Ça va vraiment mieux, même si on ne peut pas dire que c’est parfait”, a plaidé son avocat pour qui l’homme s’est “enfermé dans l’alcool” à l’annonce de la maladie de sa femme “pour éviter de réfléchir, pour éviter d’avoir peur” : “Il a été révolté de cette nouvelle, de cette fatalité, de ses filles sans doute sans maman”.
“On peut dire que ça va un peux mieux. On aimerait passer du temps ensemble sans alcool. On est déjà content quand on fait une sortie en famille”, a témoigné son épouse, toujours entourée de ses deux enfants.
Dans ses réquisitions, le procureur de la République a fait part de son “dilemme” en raison de la gravité des faits et de la situation complexe de cette famille. “On a du mal à pouvoir se mettre à la place du prévenu (…) mais compte tenu de l’état de santé de son épouse, il ne peut que rajouter du mal au mal (…) S’il est encore en liberté, il le doit au positionnement des victimes qui réclament sa présence”, a lancé e magistrat qui n’a décelé aucune “once d’empathie” chez le père de famille.
Le tribunal a finalement condamné celui-ci à 4 ans de prison dont un ferme. Une peine aménageable qui devrait lui éviter les barreaux d’une cellule.