Un père qui soignait son fils lourdement handicapé avec du cannabis relaxé par la justice

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Poursuivi pour usage illicite de cannabis, Ariimatatini Vairaaroa, a été relaxé, ce vendredi, par le tribunal correctionnel qui a considéré qu’il faisait face à « une situation irrépressible ». Ce père de famille soignait son fils lourdement handicapé avec de l’huile de cannabis. Chose rare, le procureur de la République a, lui aussi, estimé que cet homme de 47 ans devait être « dispensé de peine ».

Publié le 14/06/2024 à 11:32 - Mise à jour le 14/06/2024 à 15:49

Poursuivi pour usage illicite de cannabis, Ariimatatini Vairaaroa, a été relaxé, ce vendredi, par le tribunal correctionnel qui a considéré qu’il faisait face à « une situation irrépressible ». Ce père de famille soignait son fils lourdement handicapé avec de l’huile de cannabis. Chose rare, le procureur de la République a, lui aussi, estimé que cet homme de 47 ans devait être « dispensé de peine ».

La famille Vairaaroa a accueilli la décision avec un grand ouf de soulagement. Le tribunal correctionnel, qui siégeait à juge unique, a prononcé la relaxe pure et simple du père. En mai 2022, 110 plants de cannabis avaient été saisis à son domicile par les gendarmes. Du paka destiné à produire de l’huile pour soulager son enfant.

Atteint d’autisme et d’épilepsie depuis ses 9 mois à la suite des effets indésirables d’un vaccin infantile, le petit garçon de 10 ans aujourd’hui devait faire face à « 20 crises par jour ». Et ses parents étaient totalement démunis faute de traitement. Le père a même démissionné de son travail pour se consacrer pleinement à son fils.

« On a cherché, regardé sur Internet. J’ai vu des parents dans mon cas qui plantaient du cannabis. C’est ce que j’ai fait. Mais il y a la loi. On est dans l’illégalité. Pendant un mois, il n’a plus fait de crise. On dormait. Il a aussi fait des progrès jusqu’à ce que les gendarmes viennent. Là, mon fils a commencé à se dégrader (…) En tant que parents, on fait tout pour ses enfants. Voilà pourquoi j’ai planté », a-t-il témoigné à la barre.

« Cela faisait 10 ans qu’il ne dormait pas et qu’il était dans sa bulle avec son père (…) Il est arrivé à supprimer les crises pendant plusieurs semaines », a souligné son avocat Me Thibaud Millet, « trois attestations de médecins » à l’appui « qui confirment que l’huile de cannabis attenue les crises d’épilepsie ». « Il y a des médicaments, mais ils sont interdits en France et en Polynésie. Il n’avait pas d’autres choix », a-t-il ajouté. Le conseil s’est en outre indigné que son client ait été poursuivi de façon « inhumaine » par le parquet, ce qui a conduit, selon lui, à une « privation de soins » de l’enfant.

Chose rare : le procureur s’est désolidarisé de ses pairs du ministère public. « Si j’avais eu à connaître la situation de ce monsieur, je n’aurais pas engagé de poursuites. Je ne peux que m’incliner devant sa souffrance et celle de sa famille », a déclaré Michel Mazars. Le magistrat a toutefois estimé que les faits étaient caractérisés en raison de la découverte des plants, mais il a requis une « dispense de peine ».

« Les mauvaises lois n’empêchent pas les bons juges d’être justes »

Me Thibaud Millet, reprenant une citation du philosophe Platon.

Une position vivement saluée par l’avocat du papa. « Monsieur Masars vient de mettre un frein à la folie de ce dossier avec beaucoup d’élégance et de classe », a-t-il dit avant de citer le philosophe Platon : « Les mauvaises lois n’empêchent pas les bons juges d’être justes ».

Des mots et des témoignages entendus par le président du tribunal qui a prononcé la relaxe pure et simple du père de famille, la motivant par la « situation irrépressible » à laquelle il est confronté.

« Je suis soulagé. C’était un moment de stress. Je suis prêt à tout pour mon fils (…) Merci à la justice (…) Je suis content d’être tombé sur ce procureur car il n’y pas eu la même version avec d’autres », a réagi Ariimatatini Vairaaroa. Celui-ci compte rencontrer prochainement « le président -du Pays, Ndlr- pour voir s’il ne peut pas donner des autorisations ».  « Ce n’est pas évident de pas dormir pendant des mois (…) Mon fils, c’est mon diamant. J’espère une nouvelle loi (…) et qu’on me laisse tranquille dans mon petit coin », a-t-il conclu.

« Il faut absolument que la loi change », a renchéri Me Thibaud Millet, « on a une législation complètement inadaptée. C’est scandaleux de ne pas pouvoir soigner des malades pour lesquels il existe de produits sur le marché mondial qui sont interdits en Polynésie française (…) On oblige ces parents à soigner dans la clandestinité ».

« On pourra dire, comme certains qui auparavant avaient assisté à des procès pour avortement, que nous, on aura participé à des procès pour consommation de cannabis. Ça paraitra farfelu et ridicule dans quelques années. Mais on y est encore malheureusement. Il est temps que ça change », a encore estimé le pénaliste qui s’est toutefois félicité d’une « décision rarissime », d’un « grand moment de justice ».

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