Avec la crise, et vous en avez parlé lors de la séance budgétaire, l’autosuffisance est nécessaire…
« Oui, effectivement, parce qu’avec l’expérience que nous avons aujourd’hui suite à cette pandémie, c’est la partie où nous avons le plus souffert. Autant le ravitaillement du Pays s’est bien passé, il n’y a pas eu de rupture d’approvisionnement, mais par contre avec l’arrêt des liaisons aériennes, toute la partie frais de notre consommation a beaucoup souffert. Donc il faut en tirer les conséquences. Nous présenterons, je pense que ce sera d’ici la fin de l’année, ou en début d’année prochaine, notre plan en matière d’agriculture, qui a été élaboré par le vice-président ministre de l’Agriculture, et les grands axes sont effectivement, d’investir un maximum d’argent, enfin de ce qui nous est disponible aujourd’hui, pour que nous puissions développer les terres à cultiver, pour que nous puissions accompagner nos agriculteurs. Il faut les soutenir, ils ont besoin de moyen, ce sont des gens qui ne peuvent pas toujours emprunter de l’argent.
Et puis derrière, développer l’agroalimentaire, parce que effectivement il y a des saisons où nous produisons, des saisons où nous ne produisons pas. Il faut pouvoir développer l’agroalimentaire pour pouvoir lisser le phénomène saisonnier en matière de consommation. »
Certains agriculteurs affirment qu’ils peuvent subvenir aux besoins de la Polynésie. Ils demandent à être consultés. Seriez-vous prêts à les rencontrer ?
« Bien sûr et je crois que Tearii Alpha l’a fait et nous continuerons à le faire parce que vous savez en agriculture, la politique qui a été menée jusqu’à présent c’est de se tourner toujours vers ceux qui ont beaucoup de difficultés à produire. Mais il ne faut pas oublier que la machine, elle est entretenue par les gros producteurs. Et ces gros producteurs effectivement, ce sont ceux là que l’on entend aujourd’hui et qui disent ‘nous avons les moyens, nous avons les capacités, nous avons les compétences pour produire un peu plus’. Il ne faut pas les oublier ceux-là parce qu’effectivement, ils viennent soutenir cette production et soutenir surtout la consommation. Mais il faut accompagner les jeunes agriculteurs qui sont nombreux aujourd’hui, en leur fournissant les moyens. »
Le budget 2021 s’élève à plus de 168 milliards de Fcfp. Un budget qui s’ajustera au fur et à mesure. Vos priorités sont la sauvegarde des emplois, des entreprises et des compétences. Comment y arriver ?
« D’abord je voudrais remercier mes amis de l’assemblée de la Polynésie tous partis confondus, tous groupes confondus, car effectivement, vous l’avez rappelé, il n’y a eu aucune voix contre ce budget. En d’autres termes, on y adhère tous. Nous convergeons à l’assemblée de Polynésie française comme au gouvernement, vers ce que vous répétez depuis tantôt, la sauvegarde d’abord de notre compétence, la sauvegarde de l’emploi, la sauvegarde de nos entreprises. Il faut tout faire parce que le plus dur est à venir. Effectivement nous avons eu quelques problèmes cette année. Vous avez vu qu’en Calédonie par exemple ils n’ont pas pu se relever de 8 milliards de pertes de recettes. Nous avons pu le faire parce que nous avions quelques économie mais le plus dur viendra puisque la fiscalité va être basée sur l’activité de l’année 2020. Et vous imaginez bien qu’en 2021, on n’aura pas autant de moyens. Donc, effectivement c’est la raison pour laquelle nous avons parlé de cette cohérence, nous avons parlé de ce volontarisme en matière budgétaire parce qu’il faut mettre l’argent là où on en a besoin. Et effectivement nous avons fixé des priorités : sauvegarder d’abord nos entreprises, sauvegarder les emplois. Donc il faut les accompagner. Il n’y a pas d’autre moyen puisqu’il n’y a pas d’activité. On n’a pas retrouvé le rythme d’activité. Mais à côté de cela il faut aussi garder nos compétences parce que si nous n’arrivions pas à garder ces gens compétents que l’on trouve dans les entreprises, ils vont partir. Donc nous avons besoin aussi pour la Polynésie de demain, de sauvegarder cet ensemble. Mais en même temps il faut construire la relance parce que, effectivement, les entreprises vont commencer à souffler mais il faut leur donner du travail, il faut qu’il y ait de l’activité. C’est la raison pour laquelle jeudi, nous allons présenter ce plan de relance à l’assemblée. Nous ne sommes pas obligés de le faire mais je veux le faire pour que cette adhésion de toute la communauté politique de ce pays soit réelle et que nous portions tous ensemble, et cette sauvegarde, et la construction de la relance pour 2021. »
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Et pour plus de transparence également…
« Et pour plus de transparence, naturellement ! »
Vous avez mis en place des mesures de solidarité et de continuité pour aider les îles. L’opposition parle de taxes. Que sont réellement ces mesures budgétaires ?
« Vous savez, j’apprécie qu’ils ne parlent que de cela parce que, effectivement, il n’y a rien à dire sur le reste du budget. Mais ce n’est pas une taxe. Le problème de la péréquation est lié au prix du kWatt/h ici en Polynésie française. Aujourd’hui, il y a une péréquation interne avec l’EDT, la société qui fournit et produit l’électricité, et quelques unes des îles, une vingtaine à peu près, qui bénéficient de cette péréquation. C’est quoi ? C’est payer le même prix le KWatt/h ici à Tahiti et dans ces îles. Mais il en reste 35 qui souffrent aujourd’hui, qui produisent une électricité qui va de 80 à 180 Fcfp le KWatt. Ces populations aujourd’hui souffrent et surtout les communes qui sont obligées de venir compenser ces pertes parce qu’ils ne peuvent pas faire payer plus de 100 Fcfp le kWatt/h. Donc l’idée aujourd’hui c’est d’étendre cette péréquation à toute la Polynésie mais en faisant payer tout le monde. Il faut 4 milliards pour cette péréquation. Nous en avons déjà 3 qui sont issus de cette péréquation interne de l’EDT. Il nous manque 1 milliard. C’est la raison pour laquelle il faut envisager en début d’année prochaine, une augmentation du prix de l’électricité d’un peu plus de 1 Fcfp le kWatt pour que tous les Polynésiens puissent payer le même prix le kWatt. Donc, nous viendront soutenir les communes afin que les Polynésiens aient un prix équitable. C’est un problème de justice à mon avis. »
Venons maintenant sur le volet de la santé, la covid-19 qui a touché quand même plus de 15 000 de nos concitoyens. Lors du dernier point presse, la direction de la Santé a parlé de stabilisation mais vous souhaitez que le couvre-feu soit maintenu jusqu’à mis janvier. Une décision a été prise ?
« Non, pas encore. Nous allons la prendre avec le haut-commissaire. Je pense que si effectivement, moins de nos compatriotes sont aujourd’hui testés positifs, c’est aussi en grande partie grâce au couvre-feu, mais aussi à l’action menée par les maires des communes que je salue parce que l’application des recommandations : porter le masque, éviter les contacts, c’est aussi dans les communes que ça se fait. Mais la population a suivi, on ne peut pas dire. Je crois que les résultats deviennent positifs aussi grâce à cela. (…) Nous étions à 400 par jour, aujourd’hui nous sommes tombés à 200 par jour (…) Ça veut dire que nous sommes en train de porter quelques résultats positifs. Je sais que c’est aussi grâce a couvre-feu. Nous n’allons pas lever le couvre-feu, effectivement nous irons vraisemblablement jusqu’à la fin du mois de janvier. Mais avec le haut-commissaire nous réfléchissons aujourd’hui à un aménagement en vue des fêtes qui arrivent : Noël et le jour de l’An. Vraisemblablement pousser un peu les horaires. Enfin nous allons regarder cela parce que la population a besoin de s’amuser, a besoin de se lâcher un peu. Et ces fêtes qui sont des fêtes de famille, il faut qu’on leur laisse un peu de marge. Donc on va faire l’annonce vraisemblablement fin de la semaine prochaine ou début de la semaine d’après. »
Vous ne craigniez pas les rassemblements ?
« Si… Si, et rappelez vous que si nous en sommes là aujourd’hui, il y a effectivement l’ouverture des frontières, mais il y a quelques noms qui nous viennent encore en tête, de points d’où tout est parti. C’est l’alcool qui est derrière tout ça. La consommation d’alcool quand elle est abusive, quand on est dans es excès, on ne sait plus trop ce qu’on fait et puis voilà. Donc il faut éviter. Mais vous savez il faut être raisonnable aussi. À Noël, on ne peut pas interdire aux enfants, aux petits-enfants de voir les grands-parents. Ce serait criminel. C’est cruel de faire ça. Au jour de l’An par contre, effectivement, on est habitués à faire la fête. Il faut éviter parce que c’est peut-être exceptionnel. C’est la première fois depuis des decennies et des decennies qu’on va demander de faire cet effort. »
Dernière question. Vous avez affirmé durant la session budgétaire de jeudi, que vous abandonnez le projet de la route du Sud. Est-ce vrai ?
« Vous savez je ne veux pas jeter le trouble dans ma population pour des projets. Je suis attaché au fait que nous devons nous les politiciens, nous qui sommes à l’exécutif ou au législatif, nous devons tout faire pour que la vie de nos citoyens soit meilleure. Donc effectivement, dès le mois de février dernier à Paea, rappelez vous, j’étais sur la route avec les manifestants de Paea. J’ai décidé de suspendre complètement ce projet, de mettre ça dans les cartons, dans les archives et j’étais un peu étonné de voir qu’à Papara nous sommes revenus encore sur cette manifestation contre la route. Je l’ai dit à l’assemblée la veille parce que effectivement j’avais eu vent. Ce que je craignais c’est de rassembler 3000 ou 4000 personnes à Papara. Nous essayons de ne pas créer des rassemblements et j’étais très inquiet de cette manifestation. Elle s’est produite mais je leur dit ‘écoutez, la prochaine fois, essayons de se voir peut-être ou réfléchissez à des solutions parce que, effectivement, pour venir de la Presqu’île à Papeete le matin, il faut quitter à 4 heures? Des 5h30, 5h45, le bouchon monte jusqu’à la mairie de Paea voire même jusqu’à Maraa. On ne peut pas continuer comme cela. On ne peut pas laisser cet héritage à nos enfants demain parce que le nombre de voitures va augmenter, la population va augmenter… Comment ça va être dans 10 ans ? Donc il faut trouver une solution. Il y a différentes solutions mais cette solution de tracer une route proche de la montagne avait un effet positif, c’est celui de protéger les centre communaux puisque les voitures ne viendraient plus comme aujourd’hui, elles seraient rejetées en fond de montagne et on aurait une vie un peu plus communautaire je dirai dans les centre-ville de nos campagne. »
Une des solutions envisagées serait peut-être les navettes maritimes ?
« Pourquoi pas. Cela a été envisagé il y a quelques temps. Pourquoi pas. Je prends toutes les propositions. Au départ de Taravao, au départ de Papara, de Punaauia (…) Ensuite il faut trouver un opérateur qui soit intéressé par cela. Nous soutenons énormément le transport en commun. Avec nos bus, nous avons tout fait pour que ce soit d’un bon niveau, tant au niveau du confort que des horaires. Ça coûte beaucoup d’argent. Nous sommes à près d’un milliard aujourd’hui de soutien. Vous avez vu que pour le transport aérien aujourd’hui ça va être pareil. Donc ce sont des choses qui coûtent énormément cher. Là aussi je pense qu’il faut faire preuve d’un esprit, comment dire, de réalisme. Il faudra que la bonne solution soit choisie pour que demain, notre vie soit plus agréable. »