Tahiti Nui Télévision : Vous attendiez vous à une telle annonce du président de la République ?
Edouard Fritch, président du Tapura Huira’atira : « Je vais répondre à la question, mais je voudrais malgré tout remercier ces électeurs qui se sont déplacés. On n’était pas nombreux, bien sûr, comme vous l’avez rappelé, un taux de participation très bas. Mais merci en tous les cas à ceux qui ont mis leur bulletin pour soutenir la liste de madame Hayer, où figurait Moerani Frebault. Je suis heureux pour un jeune, il ne sera pas à l’Assemblée de Bruxelles, mais c’est un jeune qui a su conquérir, je pense, il est parti à la conquête de la confiance de nos électeurs. Merci à tous que ce soit les lecteurs lambda que les mairies qui nous ont reçu pendant cette campagne.
Alors, oui, il fallait s’y attendre un petit peu, puisque Bardella, avait annoncé la couleur il y a quelques temps déjà. Quand on a 41% dans les sondages, c’était sûr qu’il allait gagner. Mais c’est la réponse du président qui nous a un petit peu étonnés, surtout la rapidité du calendrier qu’il a proposé. Laisser trois semaines de campagne aux uns et aux autres pour le renouvellement de l’Assemblée nationale, qui est quand même l’organe le plus important…
Il y a le Sénat, mais au Parlement, c’est l’Assemblée nationale. En tous les cas chez nous, on n’a pratiquement pas le temps de faire campagne, puisque la Polynésie est quand même aussi grande que l’Europe.«
TNTV : Justement, ce n’est pas risqué pour le président Macron de partir dans de nouvelles élections législatives ?
Edouard Fritch : « Je pense que, c’est une analyse qui m’est propre, je pense que le président Macron, aujourd’hui, après tout ce qui a été dit sur sa gouvernance, veut transmettre le relais de l’exécutif au Front national, parce qu’effectivement, les tensions sont trop grandes aujourd’hui. Et je crois qu’il a compris que les Français veulent voir autre chose. Donc, on passe le relais.
Si peu de temps, c’est parce qu’effectivement, normalement, le Front national devrait arriver au pouvoir à l’issue des élections du 7 juillet. Et puis ce serait une nouvelle aventure pour la France. Je crois que cette décision est réfléchie, parce que ça doit faire déjà quelques semaines que le président a dû imaginer ce scénario. »
TNTV : Comment vous préparez vous pour ce nouveau scrutin ? La première mission est de désigner à des candidats. Est-ce qu’il y a des noms que vous avez déjà confirmés aujourd’hui ?
Edouard Fritch : « J’ai presque envie de vous dire qu’effectivement, la campagne électorale va tourner autour d’une stratégie. C’est quand même de noter que tout le monde soit bien conscient que nous venons de perdre quelques mois à l’Assemblée nationale. Et le bilan n’est pas mitigé. Le bilan est nul. Rien, rien, rien concernant la vie de la Polynésie n’est passé à l’Assemblée. Donc, il faut les remplacer. C’est notre mission. Aujourd’hui, c’est d’apporter une alternative à l’Assemblée nationale.
Alors, j’ai envie de vous dire que, bien sûr, que la condition sine qua non, pour ce qui me concerne, en tout cas, avant de partir en campagne, c’est que nous puissions nous réunir. Je suis un petit peu désolé de revenir à chaque fois sur cette plateforme autonomiste, mais on a besoin de créer l’unité des autonomistes aujourd’hui, plus que jamais. Plus que jamais, parce qu’on va parler de la métropole.
On va parler du Parlement français. On va parler de là où on va discuter du futur institutionnel de notre pays. Il est important qu’aujourd’hui, on a affirmé effectivement que nous voulons reconstruire la confiance avec la métropole, demander à la métropole de ne pas oublier et d’évacuer tous les litiges qu’on a vécus avec beaucoup, beaucoup de souffrance ces derniers temps.
Donc il faut se préparer, mais il faut passer par ça. L’unité, ça doit se créer. L’unité, ce n’est pas facile. L’unité, c’est une accumulation de souffrances. Il faudra faire des concessions. »
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TNTV : Vous avez déjà commencé ?
Edouard Fritch : « On a commencé déjà, vous le savez, avec Gaston Floss, avec le groupe de A Here ia Porinetia à l’Assemblée de Polynésie française. Je pense que c’est une volonté partagée aujourd’hui. Nous avons tous, et nous sommes tous conscients, qu’il faut faire quelque chose. Maintenant, il faut faire un trait sur nos égos et essayer de composer, de s’aider et de se dire que ce n’est pas moi le pito du monde. Je ne suis pas incontournable.
Il faut aujourd’hui préparer le renouveau de la politique ici en Polynésie française et c’est avec les jeunes, justement, que nous allons le faire. »
TNTV : Justement, c’est l’objet de la question suivante ? Est-ce que vous allez faire, cette fois-ci, le pari de la jeunesse, comme le Tavini l’avait fait lors des dernières législatives ? On pense, par exemple, à Moerani Frébault…
Edouard Fritch : « Oui, mais bien sûr. On va faire le pari de la jeunesse. Pas de n’importe quelle jeunesse. Il faut que ça soit une jeunesse qui s’investit. Il faut que ça soit une jeunesse qui se prépare. Il faut que ça soit une jeunesse qui veuille, réellement, au fond d’elle-même, se battre pour la politique.
Parce que là aussi, c’est beaucoup de sacrifices de faire de la politique. Moerani est un exemple extraordinaire. Il a eu la chance, effectivement, de travailler dans la politique, puisqu’il travaille avec sa mère dans la commune d’Atuona, donc il a vécu dans la politique.
Et c’est ça qu’il faudrait que l’on puisse obtenir avec les autres candidats, que nous allons mettre en liste. Mais ce ne sera pas que des candidats Tahpura. Vous le savez aujourd’hui, puisque je ne vous parle d’unité. Il faudrait effectivement veiller à ce qu’on mette sous les rails des jeunes qui ont envie de se battre, être utiles à leur Pays. »
TNTV : Et vous, Président Fritch, vous avez été député en 2010. Est-ce que vous pourriez vous représenter ?
Edouard Fritch : « Trop vieux. (rires) Non, je peux partager mon expérience. C’est ce que je fais avec Moerani que je suis de très près.
Mais voilà, on peut partager notre expérience sans être devant. C’est fini. On a fait notre temps, ça fait 40 ans que je suis en politique. Ça suffit, je crois. Il faut pouvoir transmettre le relais. La transgénérationnelle, elle existe aussi en politique. Il faut qu’on la mette en chantier.
TNTV : Aux dernières législatives et aux Territoriales, vous avez été sanctionnés par les électeurs polynésiens. Pensez-vous que les Polynésiens sont prêts à vous soutenir à nouveau ?
Edouard Fritch : « Il faudra leur faire de bonnes propositions. Il faudra leur faire d’abord preuve de notre maturité, l’unité. Ça va être très compliqué compte tenu du calendrier que nous avons. Mais je pense que le Polynésien aujourd’hui vient de vivre une année avec la nouvelle majorité, avec ce qu’elle a souhaité mettre en place en pensant que les choses allaient évoluer, qu’on allait voir quelque chose de neuf. On n’a pas vu quelque chose de neuf. Donc il faut qu’on soit là hauteur pour proposer, pour faire de nouvelles propositions, une nouvelle politique économique, une nouvelle politique sociale. Et ça, il faut qu’on y travaille. Et on va y arriver. Et ça commencera par l’Assemblée nationale.«
TNTV : Ce sera ma dernière question : trois semaines de campagne. C’est très court. Avez-vous les moyens de faire campagne dans tous les atolls et les îles de Polynésie ?
Edouard Fritch : « La campagne, ce sont les idées, l’argent. Il faut aller dans les îles. On a besoin d’aller sensibiliser. C’est beaucoup de temps. Et c’est là peut-être qu’on aura beaucoup de problèmes, c’est que le temps nous est court. Lorsque vous pensez que le candidat de la première (circonscription, NDLR), c’est effectivement Pirae, mais c’est aussi les Tuamotu. Mais c’est aussi les Marquises. Vous imaginez. C’est 1 500 km. Aller aux Gambier, c’est 1 700 km. C’est très compliqué. Donc, il faudra concilier ces trois paramètres. Mais on saura le faire parce que ce ne sera pas la première fois et on est essaiera de travailler en équipe. »
TNTV : Le premier tour des législatives se tiendra le 29 juin. Est-ce que vous y voyez un signe ou une coïncidence ?
Edouard Fritch : « C’est ça le jour de l’autonomie. Et je suis content que ça se passe ce jour-là. Et on fera beaucoup de prières pour que les choses aillent bien le 29 juin 2024. »