Grève de la FRAAP – Moetai Brotherson : « On parle de gens qui gagnent en moyenne 600 000 francs »

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Moetai Brotherson, président de la Polynésie française, était l'invité du journal. Il est revenu sur la grève de la FRAAP, mais également sur les mesures pour lutter contre la vie chère ou encore sur le plan climat 2030 :

Publié le 09/12/2024 à 11:14 - Mise à jour le 09/12/2024 à 11:14

Moetai Brotherson, président de la Polynésie française, était l'invité du journal. Il est revenu sur la grève de la FRAAP, mais également sur les mesures pour lutter contre la vie chère ou encore sur le plan climat 2030 :


Tahiti Nui Télévision : Les grévistes de la FRAAP prévoient une marche jusqu’à l’Assemblée lundi 9 décembre. Les recevrez-vous ?
Moetai Brotherson, président du Pays : « Déjà, ils ont dit qu’ils seraient devant les grilles de la présidence. J’y étais, ils ne sont pas venus. Ensuite, on les a revus à midi, ils sont venus, ils sont repartis. Pour moi, c’est assez enfantin, ce comportement. Demain (ce lundi 9 décembre, Ndlr), s’ils viennent à l’Assemblée, je suppose qu’ils voudront rencontrer le président de l’Assemblée et certains membres de la majorité. S’ils demandent à me voir, je serai là, bien entendu. Mes portes ont toujours été ouvertes. Ceux qui, par trois fois, ne sont pas venus, c’est les syndicats. C’est ce syndicat. »

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Cette grève de la FRAAP qui concerne les fonctionnaires du Pays a débuté depuis vendredi dernier. Vous avez parlé d’enfants gâtés, de chantage… On a l’impression pour le moment que le dialogue est presque impossible. Qu’en est-il ?
« Non, ma porte a toujours été ouverte. Je les ai toujours reçus quand ils ont fait preuve de bonne volonté et qu’ils ont bien voulu venir. Donc, à un moment donné, il faut être sérieux. On a en face de nous des gens qui… -je ne parle pas de l’ensemble des rangs- mais quand on prend la DAC, ce sont des salaires qui sont bien, bien au-delà de ce que gagnent les catégories D. On parle de gens qui gagnent en moyenne 600 000 francs. Et c’est ceux-là qui viennent inciter les petits, comme ils les appellent, à la grève. Écoutez, à un moment donné, il faut être sérieux. »

J’aimerais revenir sur la revalorisation de 40% du point d’indice, qui est le point central de ces revendications. Cette demande, vous la rejetez ? Elle vous paraît injustifiée, voire excessive ?
« Il n’y a pas qu’à moi qu’elle paraît complètement surréaliste et excessive. Un syndicat s’est clairement exprimé en disant que ce n’était pas raisonnable, que c’était totalement délirant. 40% d’augmentation du point d’indice, ça représente 11 milliards de dépenses supplémentaires minimum à l’année. Mais dans quel film ils ont vu ça ? »

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Dans un post publié sur les réseaux sociaux, Tematai LeGayic estime que plutôt que de revoir le point d’indice qui concerne tous les salaires, il faudrait revoir les grilles pour les bas salaires. Votre avis sur ce point ?
« C’est une des pistes que nous avons proposées dans la proposition du protocole de sortie de grève, que la FRAAP a balayé d’un revers de main. Pour eux, c’est 1 500 sinon rien. Il faut savoir s’ils veulent vraiment qu’on améliore la situation des petits. Parce qu’il faut bien se rendre compte qu’une augmentation du point d’indice, ça profite à tous les fonctionnaires, mais surtout aux gros, surtout à ceux qui gagnent très bien leur vie. Nous, ce que nous proposons, c’est effectivement de concentrer les efforts et de pouvoir le faire rapidement sur les plus petits de nos fonctionnaires, sur les catégories D, juste après, et d’aller ensuite en dégressif. Ça nous parait une démarche plus équitable. C’est très exactement ce que nous avons proposé de faire dans la proposition de ce protocole de sortie de grève, qui a été balayée d’un revers de main par la FRAAP. »

Un petit mot pour les élèves. Le rapatriement d’un millier d’élèves dans les îles doit commencer mardi. Redoutez-vous des difficultés ?
« Bien sûr. Les difficultés, elles ont déjà commencé. (…) Et il y a des gens qui doivent reprendre le boulot. Il y a des touristes qui sont malades en fin de traitement, qui doivent pouvoir assurer la continuité de leur traitement. Donc oui, oui, nous sommes inquiets, bien sûr. »

Avez-vous sollicité des réquisitions auprès du haut commissaire pour limiter les difficultés du transport aérien ?
« Non, pas encore. Là aussi, j’ai lu beaucoup de choses. Mais bon, quand on se compare à Mandela, il faut s’attendre à tout. On n’a pas demandé de réquisitions à ce jour. On les prépare, puisqu’il faut les préparer. Nous avons également un dispositif préalable qui s’appelle le service minimum, mais qui date de 2016 et qui n’est pas très bien architecturé. C’est le premier dispositif qu’il faille mettre en œuvre. Et ensuite, les réquisitions viendront. Mais elles sont en train d’être préparées. »

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Près de 3 000 passagers ont déjà été impactés par la grève, dont de nombreux touristes. C’est un problème pour l’image de notre destination ?
« Bien sûr, mais ça n’a pas l’air de préoccuper beaucoup les syndicalistes de la FRAAP ».

L’Assemblée se penchera ce lundi sur des modifications fiscales et sur le projet de budget 2025 du Pays. Un budget dans lequel la masse salariale s’élève à 34,859 milliards. C’est soit 743 millions de plus qu’en 2024. Cette hausse est inévitable ?
« Cette hausse est pour partie inévitable. C’est ce qu’on appelle le GVT, le glissement vieillesse technicité. C’est l’avancement qui est acquis dans l’administration et qui existe aussi dans le privé. Ce n’est pas une chose sur laquelle on peut ou veut revenir. Ensuite, nous avons procédé à des embauches supplémentaires parce qu’il y a certains services qu’il faut absolument venir renforcer. Je donnerai uniquement l’exemple de la DCA. C’est le service qui est en charge de l’octroi des permis de construire. Depuis que nous sommes arrivés, il y a eu beaucoup de sollicitations à la fois des promoteurs immobiliers, des gens qui sont dans la construction, des particuliers qui nous disent que c’est la croix et la bannière pour obtenir dans les temps un permis de construire. Nous avons dans le BP 2025 inscrit cinq postes supplémentaires à la DCA justement pour venir fluidifier la délivrance de ces permis de construire. Il y a d’autres services comme ça dans lesquels nous avons décidé de venir renforcer les moyens parce que c’est essentiel. »

En 2025, l’exonération des droits de taxes sur les matériaux de construction est maintenue. La fiscalité baisse pour les acquisitions immobilières. Prévoyez-vous d’autres mesures pour aider les classes moyennes à s’en sortir ?
« Oui et pas seulement. Vous savez, quand on parle de coût de la vie, évidemment, il y a ce qu’on peut appeler le coût du caddie sur les produits alimentaires. Là-dessus, on l’a dit depuis le début, c’est très difficile d’agir puisque c’est une inflation importée. Le prix de la boîte de maïs qui nous vient du Brésil ou de Beauce, ce n’est pas nous qui le fixons. Il est fixé avant d’arriver ici. Tant qu’on ne produira pas la majorité des choses qu’on mange, on aura très peu de levier finalement sur le caddie alimentaire.
Maintenant, le coût de la vie, le pouvoir d’achat, ce n’est pas que le caddie. Le logement, c’est aussi un gros poste. L’énergie, c’est un gros poste. Nous avons maintenu le prix de l’électricité, maintenu les tarifs sur les hydrocarbures qui étaient prévus d’augmenter de 20% juste avant notre arrivée. Et nous prévoyons d’agir sur le logement au travers de conditions améliorées, à la fois pour ceux qui construisent, mais aussi pour les clients, puisque nous allons mettre en place le prêt à taux zéro. »

Pour en dire sur le prix de l’électricité et de l’hydrocarbure qui ne bougent pas, comment est-ce qu’on l’explique ?
« C’est un mécanisme qui est connu de tous les gouvernements qu’on appelle le FRPH, le fonds de régulation du prix des hydrocarbures. Quand le tarif à l’international baisse, cette caisse de régulation se remplit. Et quand ce tarif est à la hausse, on puise dans cette caisse pour venir équilibrer et maintenir le prix. C’est aussi simple que ça. »

Sur la vie chère, il y a une nouveauté. Des taux réduits des droits de douane des produits d’origine océanique. Est-ce que, par exemple, le prix de la viande de Nouvelle-Zélande va baisser ?
« Ça fait partie des produits qui sont visés. Nous pensons qu’il est naturel de, finalement, commercer plus avec notre bassin géographique. Cette mesure va dans ce sens. »

Un mot sur le plan climat 2030 sur lequel les élus vont se pencher. Énergie, transport, importation, gestion des déchets… ça nécessite d’investir massivement et de penser les choses autrement. Le Pays est-il prêt ?
« Le Pays, aujourd’hui, n’est pas prêt. Il se prépare. Ce serait mentir que de vous dire qu’on est prêt aujourd’hui. C’est des objectifs ambitieux. C’est des objectifs sur lesquels il ne faut pas s’auto-flageller. Vous savez combien même, nous serions le pays le plus vertueux en matière de comportement environnemental et climatique, dans les émissions de gaz à effet de serre, je crois qu’on doit être en dessous des 0,025% au niveau mondial. Ce sont réellement les grands pays qui sont pollueurs. C’est eux qui doivent agir. Mais nous devons faire notre part. »

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