TNTV : La Ve République est en crise avec quatre chefs de gouvernements différents en un an, sans majorité à l’Assemblée nationale. Pensez-vous que nous nous dirigeons vers une dissolution et que, éventuellement, les électeurs retourneront vers les urnes ?
Mereana Reid-Arbelot, députée de la 3e circonscription de la Polynésie française : « Seul l’avenir nous le dira. La dissolution qui s’est passée l’année dernière, était pressentie, mais on ne s’y attendait pas à ce moment-là (…) Cette instabilité est très difficile à gérer pour les parlementaires, notamment polynésiens, je dirais. Mais nous continuons le travail, à retransmettre aux nouveaux intervenants les dossiers que nous portons » .
TNTV : Quel bilan tirez-vous des travaux qui ont été portés pour l’année 2024 ?
M.R-A : « Dans la nouvelle mandature, j’ai repris mes travaux qui avaient été interrompus, notamment la commission d’enquête sur le nucléaire recréée le 17 décembre. Également un travail sur la retraite des fonctionnaires d’État de Polynésie et du Pacifique, en général. Le gros travail effectué, c’était sur le projet de loi de finances qui avait débuté en octobre, mais avec cette incertitude du gouvernement qui nous a été proposé un peu tard. Nous avons travaillé majoritairement sur le PLF » .
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Par rapport aux problématiques de la Polynésie, qu’est-ce qui vous semble urgent et prioritaire à traiter, outre le volet du nucléaire ?
M.R-A : « Nous, on intervient plus dans la législation, sur la cherté de la vie par exemple. J’ai participé à quelques auditions récentes. On a auditionné des acteurs économiques de la Polynésie et d’autres outre-mer. Ça a été sur l’initiative d’une députée socialiste de la Martinique. Le rapport est en cours de rédaction pour aboutir sur des préconisations, notamment sur un contrôle des marges accru. C’était un des axes de préconisation. Sinon, il y a aussi le problème du logement. Je pense que c’est vraiment encore plus exacerbé dans les outre-mer. Chez nous, je citerai par exemple l’indivision, qui est un sujet qui revient souvent quand on parle de foncier. Pourquoi ne pas travailler sur la législation d’une co-gestion des terres indivises ? C’est un travail qu’effectivement, nous pouvons faire » .
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TNTV : Quel est votre avis sur la délibération à l’initiative du président de l’Assemblée, Antony Géros, concernant le processus de décolonisation, attaquée par le Haussariat ? N’avez-vous pas l’impression de traduire cela comme une trahison vers les électeurs ?
M.R-A : « Pas du tout. Je confirme ce que j’ai dit, que l’indépendance ne revient ni à moi ni à un parti de décider. Il ne faut pas confondre décolonisation et indépendance. Justement, le processus, c’est du droit international. C’est le processus de décolonisation que mon parti politique, le Tavini Huiraatira, demande depuis 11 ans maintenant, depuis la réinscription de notre territoire sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser. Ce n’est pas un plébiscite pour l’indépendance. C’est une demande de respecter le droit international sur la décolonisation. Finalement, ce sont toutes ces demandes aux Polynésiennes et aux Polynésiens, aux habitants de Polynésie, leur avis sur le statut dans lequel on vit ou sur les possibilités d’autres statuts. Mais il faut entamer les discussions. Et c’est ce que demande le président de l’Assemblée de Polynésie française » .
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TNTV : Que pensent vos collègues députés à Paris de cela ?
M.R-A : « Ici, il y a une confusion qui se fait entre l’indépendance et la décolonisation. On demande juste aux gens de se prononcer. On ne nous a jamais demandé si on voulait être autonome ou pas. On ne nous a jamais demandé si on voulait être indépendant ou pas. Cela ça se fait au travers de référendums. C’est prévu dans le droit international et c’est juste cela que nous demandons de respecter (…) donc, de dire comment on peut répartir les compétences, si c’est dans un système amélioré de l’autonomie ou si c’est vers plus d’indépendance » .
Revenons à votre travail à l’Assemblée nationale et au budget. Quel est votre avis sur cette baisse de près de 30 milliards de francs dans le budget pour l’ensemble des Outre-mer ?
M.R-A : « C’est très préoccupant parce que nous avons toujours l’impression d’être la dernière roue du carrosse du budget de la France. D’autres députés ultramarins et moi-même, nous ne sommes pas du tout contents de cela. Nous avons déjà démontré notre mécontentement dans le gouvernement précédent. Je tiens à souligner aussi que la censure a plus été sur des textes et pas sur des hommes. M. Barnier a été un Premier ministre qui avait apporté beaucoup de respect dans l’Assemblée, dans l’hémicycle, de mon avis. Les débats étaient beaucoup plus sereins, mais il a manqué beaucoup de compromis, malheureusement, et j’espère que M. Bayrou comprendra cela. Le fait d’avoir nommé M. Valls ministre d’État, ministre de plein exercice, dans un ordre protocolaire assez haut pour les Outre-mer, j’espère que c’est bon signe et qu’on pourra aller vers des politiques publiques ultramarines appropriées à chaque territoire » .
TNTV : Comment considérez-vous votre travail avec le gouvernement du fenua et celui de l’Assemblée nationale, pour faire le lien entre l’actualité au fenua et dans l’Hexagone ?
M.R-A : « Les échanges sont évidemment fluides. Je suis une députée qui ne décide pas seule dans son bureau à Paris. Je communique beaucoup avec les cabinets ministériels locaux. Je leur envoie des courriers pour leur demander, notamment pour le PLF, s’ils ont des demandes particulières. Avec le gouvernement, mais aussi avec la population, à chaque déplacement que je peux faire dans la sphère privée ou dans le cadre de mon mandat, il m’intéresse beaucoup d’écouter la population. C’est de là que viennent aussi les idées, en tout cas les orientations que je donne à mes actions » .
TNTV : Pour cette année 2025, quelle sera votre priorité à l’Assemblée nationale ?
M.R-A : « La commission d’enquête sur le nucléaire, puisqu’on va commencer dès le 14 janvier. Après avoir entendu le discours de politique générale de M. Bayrou, on va procéder à la réunion constitutive de la commission d’enquête. On va nommer les 30 députés qui vont participer à cette commission d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires » .
TNTV : Revenons rapidement sur la fermeture du centre de contrôle de l’aéroport de Tahiti Faa’a (entre minuit et trois heures du matin, dans la nuit de vendredi à samedi) .
M.R-A : « C’est inédit, c’est très préoccupant, parce qu’il faut savoir que l’espace aérien délégué à la France au-dessus de la ZEE, fait 2,3 fois 5,5 millions de km². C’est un espace énorme, qui est le deuxième dans le Pacifique, après celui géré par les Américains. La fermeture du centre de contrôle de Tahiti Faa’a est inédite, ça n’a jamais été fait. Une fois, la piste a été fermée en 1988 lors d’invasions de manifestants antinucléaires. Cela peut être fermé de temps en temps pour question de météo, mais concernant le centre de contrôle, cela veut dire que les avions qui croisent 5 à 6 heures dans notre espace aérien, ont été obligés de contourner l’espace aérien français, ils ont été obligés de se séparer eux-mêmes. On baisse la qualité de service que l’on donne aux avions » .