TNTV : Une réaction sur les mesures anti-inflation prises par le Pays jusqu’ici ?
Moetai Brotherson, député : « Toute mesure qui peut profiter aux salariés est bonne à prendre. Maintenant il faut s’interroger sur le calendrier. Evidemment, ça sent les élections. Il faut aussi s’interroger sur les modalités concrètes. Pour l’instant on a un principe : cette prime n’est pas obligatoire. Est-ce qu’elle ne va pas se substituer à des primes existantes qui elles étaient soumises à cotisation et qui du coup ne seront plus accordées mais seront rentrées dans le panier de cette prime. Il faut voir mais sur le principe, tout élément qui peut contribuer à l’amélioration du pouvoir d’achat des polynésiens est bonne. »
Sur l’investissement des entreprises polynésiennes, la prorogation du dispositif national de défiscalisation outre-mer jusqu’en 2029 a été récemment voté via le 49.3 sans y inclure la Polynésie. On parle d’un problème rédactionnel…
« Ce n’est pas du tout un problème rédactionnel. C’est un problème au niveau du gouvernement français puisqu’il y a eu un ensemble d’amendements qui ont été présentés; Nous, nous avons présenté un amendement qui portait, c’est un peu technique, sur les articles 119 et 247. Egalement sur le 244 quater w et x. Or, c’est le 244 quater y qui étend la défiscalisation qui est permise aux entreprises de métropole qui peuvent défiscaliser et ensuite avoir un crédit d’impôt sur les sociétés. Il y avait des amendements sur ce 244 quater y qui ont été déposé par nos collègues de Calédonie qui sont en plus de la majorité. Et, grosse surprise : à l’issue du 49.3, notre amendement est retenu mais pas les leur. Donc c’est l’explication très simple de ce « hic sur la défisc » comme certains l’ont titré; maintenant, ça va se résoudre lors de la navette parlementaire puisque le texte va être transmis au Sénat. Je pense que le gouvernement réintroduira lui-même les amendements qui manquent ou à défaut les sénateurs pourront le faire. Il n’y a pas de souci. »
Toujours sur l’actualité nationale qui concerne la Polynésie. Vendredi soir, l’assemblée nationale a examiné la mission outre-mer, donc les crédits consacrés aux outre-mer par leur ministère. Sur proposition du Gouvernement central, il est en hausse de 3 millions par rapport à 2021 soit 2.4 milliards d’euros (environ 285 milliards de Fcfp, NDLR). Un budget pourtant jugé insuffisant par les députés ultra-marins qui ont déposé plusieurs amendements. Et quansiment tous ont été adoptés…
« Oui, ça a été un grand moment politique parce que moi c’est mon 5e mandat et les 5 années précédentes ce n’était pas du tout le même film puisque l’ultra-majorité annulait tous les amendements qui étaient proposés par les ultra-marins. Et cette fois ci, c’est une conjonction de plusieurs facteurs mais tous les amendements déposés par les députés outre-mer sont passés. Donc il y avait un total de 127 amendements. Quatre ont été retirés et sur le reste il y en a peut-être une petite dizaine qui étaient des amendements du rassemblement national, qui ne sont pas passés. Mais tout le reste est passé. Ça fait une augmentation de 200 millions d’euros à peu près. »
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Lundi, le gouvernement central dégainera encore la carte du 49.3. Est-ce que vous ne craignez pas que ces amendements ne sautent ?
« Forcément la possibilité est là. Le 49.3 met fin au débat. Ça pose problème parce que juste après la mission outre-mer il y a la mission éducation. Et la mission éducation ce n’est ni plus ni moins que le plus gros budget de tous les budgets de l’Etat. Donc la mission éducation va être passée à la trappe, il n’y aura pas de discussion. Maintenant, sur la mission outre-mer, on voit mal le gouvernement retirer du texte qui sera issu du 49.3, tous les amendements qui ont été votés avant-hier parce que l’espoir que cette séance a sucité (…) S’ils les retirent tous, ça va être une catastrophe politique pour eux. C’est aussi simple que ça. »
Lors de l’examen de la mission outre-mer justement, vous avez interrogé le ministre sur le manque d’aménagements pour l’insertion professionnelle des handicapés dans la fonction publique d’Etat. C’était un point à souligner ?
« C’était un point qui est arrivé un peu sur notre radar à l’issu de l’examen de l’ordonnance de la fonction publique communale. (…) Dans cette ordonnance, il y a un article qui vise à permettre plus d’embauches de personnes handicapées au sein de la fonction publique communale qui est une fonction publique d’Etat. Or, si on prend un exemple très concret, quelqu’un qui a des difficultés, qui ne peut pas trop se servir de ses mains mais qui pourrait se servir d’une perche sur son front pour taper sur un clavier, encore faut-il que ces équipements existent. Il y a des aménagements qu’il faut faire. Et c’était le sens de ma question (au ministre, NDLR) parce qu’il y a des formations en langage des signes, toute une campagne d’affichage en braille… (…) Des coûts qui sont afférants et qui de ce que j’ai pu visiter à la fois des locaux de l’Etat et des mécanismes qui existent, ça n’existe pas ou alors c’est très réduit. Une société elle se définit par sa marge. Pas pas le centre de sa page, mais par sa marge. Et ces personnes aujourd’hui elles sont encore trop à la marge. »
La course aux Territoriales a déjà commencé. Du côté du Tavini, sait-on qui va mener la liste ?
« Ce n’est pas la question qu’on se pose aujourd’hui… »
Est-ce que vous êtes candidat ?
« En tout cas si j’étais candidat, ce ne serait pas le Conseil d’Etat que je consulterais, ce serait les citoyens, ce serait les Polynésiens. Mais ce n’est pas là la question aujourd’hui. Au Tavini, on réfléchit sur le programme, parce que je crois que ce que les Polynésiens attendent, c’est de savoir ce qu’on va leur proposer, pas qui on va leur proposer. Bon, si, peut-être que ça en intéresse une partie. Mais c’est surtout ce qu’on va faire pour eux, ce qu’on peut leur proposer. Donc c’est là-dessus qu’on travaille en ce moment. Sur le programme du Tavini plus que sur la liste. »
Donc sur la liste rien n’est décidé pour l’instant, au niveau de la tête de liste ?
« Non, non, non… »
Le 49.3
Le 49.3 permet au chef du gouvernement de remédier à l’absence d’une majorité absolue en sa faveur, comme pour Michel Rocard (1988-1991), qui y a eu recours 28 fois.
Depuis, l’article 49 alinéa 3 s’était « progressivement mué en une arme multifonctionnelle, donnée à des Premiers ministres qui abusèrent des facilités qu’elle leur offrait », notait le spécialiste Guy Carcassonne dans son ouvrage « La Constitution ».
Il a pu ainsi servir en cas d' »impatience de la majorité » pour abréger les débats, comme lors de son dernier usage, par Édouard Philippe en février 2020, pour faire adopter le projet de réforme des retraites qui patinait, avec plus de 40 000 amendements en discussion.
L’article 49.3 ne peut être utilisé que sur les projets de loi de finances et un seul autre texte durant la session parlementaire.
Il ne peut être brandi devant le Sénat, qui n’a pas le pouvoir de renverser le gouvernement.
Source : AFP