Lors de sa première visite à Moruroa mercredi, en compagnie de la commission d’information, Léna Normand, la vice-présidente de l’association 193, a trouvé surprenant que le poisson de l’île ne soit pas nocif mais qu’il soit tout de même interdit de le manger. Comment l’expliquez-vous ?
« On a un programme de surveillance très rigoureux et très complet de la radioactivité à Moruroa. Il reste beaucoup de radioactivité sur l’atoll, ça c’est très clair. C’est le résultat de tous les essais que nous avons menés là-bas. Mais ce que nous constatons, avec les mesures que l’on fait année après année, c’est que cette radioactivité ne bouge plus. Elle reste là où elle est. On fait des mesures dans l’eau du lagon, dans l’eau de l’océan, dans les végétaux, dans les poissons, pour vérifier qu’elle ne bouge plus ».
Qu’est-ce qui prouve qu’il n’y a pas plus de radioactivité en Polynésie qu’en métropole et qu’il n’y a aucun risque à vivre au fenua ?
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« C’est clair qu’en terme de radioactivité, vous vivez dans une région où la radioactivité naturelle est faible comme dans la plupart des endroits du monde et un petit peu plus faible qu’en métropole et les résultats des essais nucléaires passés n’apportent plus rien quasiment de décelable sur l’ensemble de la Polynésie ».
Prévoyez-vous des études sur les conséquences des essais nucléaires dans le Pacifique, afin d’étayer la position de l’Etat ?
« On fait toutes ces mesures sur les atolls pour vérifier que la situation reste bien stable et puis, en ce qui concerne toutes les conséquences, on avait fait des études extrêmement complètes qui ont été publiées dans un gros livre en 2006, qui est disponible également sur internet, où là vous avez vraiment toutes les données, tous les calculs, tous les résultats concernant chacun des tirs ».
Lors de la visite du Président Hollande en 2016, il avait été question de créer un centre de mémoire des essais nucléaires. Où en est ce projet ?
« Ce projet est dans la main du gouvernement polynésien et de tous les acteurs locaux. Le gouvernement français est prêt à aider et le haut-commissaire est prêt à aider dès que les choses démarreront ».
« On a fait des essais dans le passé, il faut assumer complètement la suite et continuer la surveillance«
François Bugaut, délégué à la sureté nucléaire et à la radioprotection
Vous affirmez qu’un risque de glissement d’une loupe à Moruroa – c’est-à-dire un effondrement important – est très peu probable. Comment l’expliquez-vous ?
« Depuis des années, on fait des mesures sur l’ensemble de la couronne corallienne et on mesure tous les petits mouvements. Au fur et à mesure que les années ont passé, ces mouvements sont devenus extrêmement faibles. Ce qui fait que le fait qu’une loupe de sédiments ou un morceau de corail glisse et parte dans l’océan est devenu très faible. On continue malgré tout cette surveillance parce que ces petits mouvements ne sont pas encore égaux à zéro. C’est de la prudence, même si un phénomène comme ça est devenu très peu probable […]. On a fait des essais dans le passé, il faut assumer complètement la suite et continuer la surveillance au fur et à mesure des années. […] Je crois d’ailleurs qu’on est le seul pays au monde à être aussi soigneux et rigoureux dans les suites ».
Qu’est-ce qu’il manque selon vous pour rassurer les Polynésiens ?
« Je crois que ce dont j’ai pris conscience durant ce voyage, c’est la question du dialogue. Il ne suffit pas de faire des choses techniquement impeccables et absolument fiables. Il faut parler avec les gens. Il faut les écouter. C’est pour ça qu’avec le haut-commissaire, nous sommes allés sur les atolls à Hao et à Tureia d’abord pour écouter. Pourquoi il y a des craintes ? Ces craintes, elles sont légitimes. Il y a les faits, avec ma conviction de technicien, mais il y a aussi le ressenti des gens. Il faut les écouter. Et ça, peut-être qu’on ne l’a pas assez fait. On a commencé à le faire cette semaine, on continuera dans les années qui viennent ».
L’Etat veut « détruire les preuves » de « l’histoire d’une colonisation nucléaire » selon le Tavini
Dans un communiqué, le leader du parti indépendantiste, Oscar Temaru, assimile la délégation Reko Tika à des « collabos locaux » de l’Etat, qui cherche à « effacer les derniers vestiges de la colonisation nucléaire ». « La délégation Reko Tika [ndlr : envoyée par le Pays à Paris lors de la table ronde sur le nucléaire, en juillet dernier] prépare minutieusement la voie pour effacer la mémoire des Polynésiens en commençant par les Tuamotu », écrit Oscar Temaru. Pour lui, la volonté de l’Etat de détruire le blockhaus anti-nucléaire situé à Tureia permettrait de détruire un « vestige » qui « s’érige en mémoire de la colonisation par l’armée française ».