Nuihau Laurey : « Dans le budget, il n’y a aucun projet nouveau proposé par le gouvernement »

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Le représentant non-inscrit Nuihau Laurey était l’invité du journal de TNTV, jeudi soir, alors que se tenait la 7ᵉ séance de la session budgétaire à l’Assemblée. Pour l’élu A Here Ia Porinetia, le budget 2024 de la majorité ne contient « aucune mesure allant dans le sens de redonner plus de pouvoir d’achat aux Polynésiens ». « Il n’y a aucun projet nouveau proposé par le gouvernement. Je pense que c’est ce qui fait craindre un ralentissement économique par quasiment tous les acteurs économiques », ajoute-t-il. Interview.

Publié le 14/12/2023 à 10:14 - Mise à jour le 14/12/2023 à 10:16

Le représentant non-inscrit Nuihau Laurey était l’invité du journal de TNTV, jeudi soir, alors que se tenait la 7ᵉ séance de la session budgétaire à l’Assemblée. Pour l’élu A Here Ia Porinetia, le budget 2024 de la majorité ne contient « aucune mesure allant dans le sens de redonner plus de pouvoir d’achat aux Polynésiens ». « Il n’y a aucun projet nouveau proposé par le gouvernement. Je pense que c’est ce qui fait craindre un ralentissement économique par quasiment tous les acteurs économiques », ajoute-t-il. Interview.

TNTV : Plusieurs mesures fiscales ont été adoptées par la majorité ce jeudi. Certaines d’entre elles ont fait réagir le patronat. Avez-vous le sentiment qu’il a été entendu ?

Nuihau Laurey : « Non. Il n’y a eu aucune concertation. Lorsque l’on a posé cette question au ministre en commission, il nous a dit : ‘je sais que beaucoup d’acteurs économiques sont opposés à ce texte, donc j’ai décidé de ne pas les consulter’. Après, ce texte, nous l’avons dit à plusieurs reprises, notamment pendant cette commission qui a duré 11 heures, tous ces articles vont à l’encontre de ce que l’on attendait. C’est-à-dire des mesures anti-économiques, des mesures punitives, concernant le secteur du BTP, la promotion immobilière, les véhicules. Il n’y a aucune mesure allant dans le sens de redonner plus de pouvoir d’achat aux Polynésiens. Je pense que c’est pour cela que la quasi-totalité des secteurs économiques se sont élevés contre cette loi ».

TNTV : Ces acteurs prédisent un impact désastreux. On parle d’effets contreproductifs, notamment dans l’investissement immobilier et le BTP ? Comprenez-vous ces inquiétudes ?

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Nuihau Laurey : « Absolument. C’est la première fois que je vois un communiqué aussi lapidaire du Medef qui, habituellement, est très tempéré dans ses relations avec le gouvernement. Là, je comprends cette position. Je ne comprends pas, par contre, le blocage qui est fait par le gouvernement sur ces mesures alors même que sa majorité était opposée à un certain nombre de dispositions. C’est pour cela que nous allons probablement déposer un recours. Il y a eu un vice de procédure. Durant cette commission, deux des amendements que nous avons déposés ont été tenus et le texte a été voté à l’unanimité, en retirant un certain nombre d’articles. Comme par magie, le président nous a proposé un texte qui a été expurgé. Le respect du règlement intérieur est important pour respecter la minorité. Finalement, les débats se sont tenus ce matin. Nous avons indiqué que nous ne participerions pas au vote. Par contre, nous avons continué à objecter sur chacune des mesures. Nous n’avons quasiment pas eu de réponses.  Donc, ce texte sera probablement voté. Il a été voté ce matin. Nous allons, sur le plan de la forme et du fond, déposer des recours ».

TNTV : Deux amendements que vous avez déposés en commission avaient été retenus. Quelles mesures visaient-ils ?

Nuihau Laurey : « Des mesures qui visaient à empêcher la multiplication par deux des frais concernant la délivrance des tomite et d’autres dispositions sur lesquelles la majorité nous avait rejoints. C’était une surprise de voir que le texte a été, je ne sais pas si on peut utiliser ce terme car c’est une innovation juridique, a été ‘dévoté’ par la commission elle-même et par le président de l’Assemblée. Comme on l’a dit en séance, le respect du règlement intérieur, c’est quelque chose de fondamental dans le respect de l’expression des minorités. Là, on l’a bien vu ce matin, et c’est ce que disent d’ailleurs d’autres représentants, le gouvernement et la majorité sont occupés à d’autres choses. Demain, à la mairie de Faa’a, et après-demain au Festival des Marquises. Ils souhaiteraient qu’en l’espace de deux ou trois heures, on vote ce texte. Mais on est quand même payé pour débattre à l’Assemblée et pour faire objection à des mesures qui nous semblent contraire au développement de l’activité économique ».

TNTV : Pensez-vous que ces mesures puissent freiner les investisseurs et les banques ?

Nuihau Laurey : « En tout cas, ils l’ont dit. Notamment dans le secteur touristique. Le fait de réduire de 50 % le niveau de défiscalisation, quand on sait que c’est le seul levier fiscal qui permet de créer des hôtels…il n’y a plus de construction d’hôtels depuis plusieurs années. Lorsque le gouvernement dit : ‘on veut atteindre 600 000 touristes’, alors qu’on n’est même pas à 300 000…pour atteindre cet objectif, ils suppriment, finalement, le seul dispositif qui permet aux hôteliers de créer des hôtels, on ne comprend pas la logique ».

TNTV : Les représentants ont commencé à étudier le budget primitif de 2024. Il est en augmentation de plus de 2 milliards de francs comparativement à 2023. Le gouvernement mise sur la croissance économique et entend appliquer son programme de campagne. Êtes-vous en phase avec la trajectoire choisie.

Nuihau Laurey : « Non. On ne voit pas du tout le programme de campagne dans le budget. Comme on l’a dit en séance, c’est un budget de continuité finalement. Il n’y a aucune grande mesure qui est prise, aucun grand chantier qui vient en remplacement de ceux qui sont en bout de course. Je pense que c’est pour cela que beaucoup d’acteurs économiques craignent non seulement 2024, mais aussi 2025. Quand on sait la lourdeur des procédures administratives…Il faut deux ou trois ans pour lancer un grand projet. Si je prends le cas du terminal de croisière dont l’inauguration va intervenir dans quelques semaines, la mise en place des premiers crédits est intervenue en 2014. C’est-à-dire il y a 10 ans. Il faut du temps pour lancer des projets comme celui-là. Dans le budget, il n’y a aucun projet nouveau proposé par le gouvernement. Je pense que c’est ce qui fait craindre un ralentissement économique par quasiment tous les acteurs économiques ».

TNTV : Il n’y a rien à garder selon vous dans cette réforme ?

Nuihau Laurey : « On essaye d’être constructif dans notre travail à l’Assemblée, mais c’est vrai que sur la loi fiscale, on n’a vu quasiment aucune mesure qui va dans le bon sens. Et sur le budget, le programme sur lequel le Tavini a été élu n’apparaît concrètement pas ».

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