TNTV : Dans un courrier, votre parti et le Tapura ont interpellé le haut-commissaire pour lui demander d’intervenir, car vous estimez que le contexte juridique dans lequel les élus de Tarahoi travaillent est « fragile ». C’était indispensable selon vous ?
Nuihau Laurey : « Oui. Nous sommes dans notre rôle. Nous sensibilisons le haut-commissaire sur ces irrégularités que l’on constate. Ce n’est pas la première. Il est le garant de la légalité. Donc, c’est à lui aussi d’intervenir sur ces points. Le dernier point sur lequel nous sommes intervenus, c’est la loi fiscale qui a été présentée à l’assemblée avec un amendement du gouvernement qui demande la rétroactivité de la loi au 15 décembre de l’année dernière. C’est quand même un grand principe du droit que les lois ne peuvent pas être rétroactives. Nous mettons l’accent sur cette irrégularité et nous souhaitons que le haut-commissaire joue aussi son rôle ».
TNTV : Il a indiqué qu’il examinerait attentivement votre demande. Cette réponse vous convient-elle ?
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Nuihau Laurey : « Pour nous, la réponse va être qu’il s’occupe de ce sujet, qu’il donne sa position. Là, il a fait un accusé de réception de notre courrier. C’est très bien, mais nous attendons bien évidemment davantage ».
TNTV : Vous avez décidé de ne pas attendre la prise de position des acteurs économiques pour une question de timing…
Nuihau Laurey : « Effectivement. Nous allons déposer un recours sur cet amendement qui a été déposé par le gouvernement. Nous avons un délai plus court. Il faut 6 élus minimum pour déposer un recours. Nous ne le déposons pas sur l’ensemble des dispositions, mais vraiment sur cette disposition de rétroactivité qui fragilise ce texte. Sur le fond, c’est une loi qui est mauvaise parce qu’elle ne facilite pas l’activité économique, l’investissement, notamment dans le secteur touristique. Au contraire, elle rend l’investissement plus difficile. Elle rend aussi la vie plus difficile pour les citoyens, car il n’y a aucune disposition qui vise à lutter contre la cherté de la vie. Pourtant, c’était une thématique du Tavini durant la campagne électorale. Comme nous essayons de le faire à l’assemblée depuis le début de cette mandature, on a déposé des amendements. On essaye d’être constructifs. Et on a un refus manifeste de tout amendement de la part du gouvernement. On constate surtout, et c’est ce qui nous inquiète, que l’activité économique ralentit beaucoup dans tous les secteurs d’activité. Et nous pensons que cette loi va accentuer le ralentissement économique. Cela ne va servir personne finalement. C’est pour cela que nous alertons le gouvernement sur cette situation ».
TNTV : Si la loi fiscale était de nouveau annulée, faudrait-il s’attendre à des redressements qui pourraient mettre en péril des entreprises ?
Nuihau Laurey : « Quand le Conseil d’État a annulé la loi, toutes les dispositions nouvelles présentées par le gouvernement ont été supprimées. Donc, on en revient à la situation précédente. Par contre, il appartient au gouvernement de rembourser les trop-perçus qui ont été collectés, notamment pour ce qui concerne les baisses d’exonérations douanières, la mise en place d’augmentations de telle ou telle taxe. C’est au gouvernement de mettre en œuvre ces opérations de remboursement. Je pense que si le gouvernement a demandé que cette rétroactivité soit mise place, c’est aussi pour éviter d’avoir à traiter ce sujet qui est compliqué. Nous souhaitons que le gouvernement assume ses responsabilités. Dans un cas comme celui-là, lorsqu’une loi fiscale est annulée, cela veut dire des recettes fiscales en moins et la nécessité pour le gouvernement de déposer un collectif budgétaire pour rééquilibrer le budget, ce qui n’a pas été fait ».
TNTV : Moetai Brotherson a indiqué que ceux qui « casseraient » la loi devront en assumer la responsabilité…
Nuihau Laurey : « C’est de la politique politicienne. Nous, nous sommes dans notre rôle. On ne peut pas dire à l’opposition que, finalement, lorsqu’elle pointe du doigt le non-respect du droit qui a été constaté par le Conseil d’État, nous ne sommes pas dans notre rôle. C’est ce que nous avions dit lors de l’adoption de cette loi fiscale au mois décembre : ‘on ne peut pas s’assoir sur le règlement intérieur, on ne peut pas s’assoir sur la loi’ en disant : ‘on a gagné les élections, donc on a le droit de tout faire’. La démocratie, elle fonctionne quand il y a une majorité, et on la respecte, mais aussi une minorité, une opposition, qui dit ce qu’elle a à dire. Le Tavini a gagné avec 64 000 voix. Les deux partis autonomistes représentés à l’assemblée pèsent 81 000 voix. On ne peut pas nous dire qu’on n’existe pas sur le plan politique ».
TNTV : Les syndicats travaillent sur des revendications concernant la vie chère et la réforme de la PSG. Rejoignez-vous leurs inquiétudes ?
Nuihau Laurey : « Je pense qu’ils sont aussi dans leur rôle. Les partenaires sociaux ont attendu que le gouvernement propose des mesures pour lesquelles il a fait campagne. Nous constatons qu’entre le programme qui faisait plus de 40 pages, avec des mesures à mettre rapidement en place, et la réalité de l’action du gouvernement, il y a un écart juste incroyable. Spécifiquement sur la cherté de la vie, sur l’inflation, la seule chose que le ministre nous a dite, c’est qu’on a supprimé la taxe sociale et donc tout va bien. Non. Tout ne va pas bien. Les prix ont monté depuis 2 ou 3 ans. Il y a une action majeure à mettre en place sur ce plan qui n’a pas été mise en œuvre jusqu’à présent ».
TNTV : Une hausse du niveau des cotisations maladies et retraite est-elle inévitable selon vous ?
Nuihau Laurey : « Si le gouvernement ne met pas en œuvre des mesures de substitution… C’est que nous avions dit durant la campagne : supprimer la taxe sociale, parce que c’est une taxe qui ne permet pas de baisser le coût du travail, nous avions dit qu’il fallait mettre en place des mesures de compensation. C’est ce que nous attendions du gouvernement. Nous avons posé la question au ministre de la Santé et au ministre des Finances à plusieurs reprises pendant les commissions et en séance plénière. Nous n’avons eu aucune réponse, sauf celle du ministre de la Santé qui nous a dit que la reforme allait être mise en œuvre pas-à-pas. Pour l’instant, on n’a pas vu le premier pas ».
TNTV : Les partenaires sociaux ont également leur mot à dire. Savez-vous quelle est leur position ?
Nuihau Laurey : « On les a entendus exprimer leur impatience dans un premier temps et, maintenant, leur incompréhension sur ce sujet aussi important pour la population. Rien n’a été mis en œuvre jusqu’à présent. Chacun est dans son rôle. Nous, en tant que minorité à l’assemblée, nous essayons de faire des propositions. Je pense que les partenaires sociaux vont essayer d’être entendus lors du 1ᵉʳ mai. Je pense que ce sera un rendez-vous important pour le gouvernement ».
TNTV : L’inflation a connu un rebond au mois de mars. Lors de l’ouverture de la session administrative, Moetai Brotherson s’est félicité qu’elle ait été stoppée. Est-ce aussi simple que ça ?
Nuihau Laurey : « Non. Moetai Brotherson n’a pas stoppé l’inflation. L’essentiel de l’inflation, c’est l’inflation importée, car nous achetons beaucoup de choses à l’extérieur. L’inflation mondiale a ralenti, ce qui ne veut pas dire que les prix ont baissé. Les prix restent toujours aussi élevés. Le seul outil dont dispose le gouvernement pour faire baisser les prix en Polynésie, c’est la fiscalité. Et c’est faire exactement le contraire de ce qui a été fait : baisser les impôts ».