TNTV : Vendredi dernier, le gouvernement a dressé le bilan de sa première année de mandature. Que retenez-vous de ces 12 derniers mois. Quels sont les points marquants selon vous ?
Nuihau Laurey : « Aucun. Cela a été un bilan quasi inexistant. Aucune grande réforme n’a été engagée. Aucune grande mesure, aucune loi, que cela concerne l’économie ou la PSG. On a vu un président qui était en difficulté (…) Ce bilan était vide. Nous, on le voit à l’assemblée puisque l’essentiel des textes qui sont présentés sont des textes qui ont été préparés par l’ancienne mandature, l’ancien gouvernement. Finalement, le Tavini qui a critiqué pendant quasiment 10 ans la gestion autonomiste, maintenant qu’il a tous les leviers du pouvoir, finalement ne propose rien. Il ne propose pas tout ce qu’il avait présenté pendant la campagne électorale. C’est ce qui nous choque un peu dans ce bilan. C’est vrai que le président a annoncé qu’il allait remanier le gouvernement. Mais au-delà de ce remaniement, dans ce qui s’est passé sur l’année écoulée, on voit des ministres qui sont certainement de bonne volonté, mais de mon point de vue, ce qui pose problème, c’est que, si on prend l’exemple du sujet de la santé, on voit toutes les difficultés du CHPF. Je pense que le président doit s’engager. Le président doit fixer son cap et donner confiance. Le fait que le président ne soit pas là quasiment tout le temps, je pense que cela pose aussi un grave problème ».
TNTV : L’inflation a ralenti en raison du contexte international, mais elle est toujours présente. Les prix ne baissent pas malgré la suppression de la TVA sociale. Le gouvernement a-t-il des leviers à disposition pour agir sur la cherté de la vie qui est une préoccupation de la population.
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Nuihau Laurey : « C’est la principale préoccupation. C’est vrai que les prix ont augmenté depuis 3 ou 4 ans. On sait que les prix dépendent du prix des produits qu’on achète à l’extérieur. Donc, de ce point de vue, le gouvernement n’a pas beaucoup de leviers d’actions. Le seul levier d’actions qui permettrait de régler le coût de la vie, c’est la fiscalité. C’est de diminuer les droits, les taxes, diminuer finalement les impôts que payent les Polynésiens pour leur donner plus de pouvoir d’achat. Ce qui a été fait dans la loi fiscale que nous avons contestée, c’est exactement le contraire. On diminue les exonérations et on augmente les impôts. On essaye de gratter à droite et à gauche. Finalement, on se retrouve dans une situation où la cherté de la vie reste le problème majeur. C’est vrai que réduire les impôts, cela veut dire aussi mettre en place des réformes sur le fonctionnement de notre pays. On va examiner demain un collectif budgétaire dans lequel le gouvernement fait du rafistolage. On donne 1 milliard à l’OPH, 500 millions à l’Huilerie. On essaye de donner 2 milliards au CHPF alors que le fond du problème, c’est la réforme de tous ces organismes. Si je prends l’exemple du FRPH, le Tavini a critiqué pendant plus de 10 ans ce dispositif qui donne le sentiment que le gouvernement peut faire baisser le prix des carburants. On sait que c’est faux. Le FRPH est un système dans lequel le gouvernement prend dans une poche, celle des contribuables, pour permettre de limiter les augmentations du coût de l’essence pour les automobilistes. En fait, c’est tout le monde qui paye, y compris ceux qui n’ont pas d’automobile. On sait que ces systèmes ne marchent pas et le Tavini a critiqué ce dispositif pendant 10 ans. Aujourd’hui, il dote à hauteur de 2 milliards le FRPH alors qu’il est contre ce système. C’est là qu’on voit qu’au-delà de la critique qui a été faite pendant 10 ans de la gestion autonomiste, il n’y a aucune proposition. Ce qu’on nous répond, c’est qu’il faut nous donner du temps, cela fait quand même un an, que c’est compliqué, que cela nécessite des discussions et de la concertation. Je pense qu’on a déjà dépassé ce cap et c’est ce qui fait que beaucoup de partenaires sociaux et d’acteurs économiques sont déçus de ce début de mandature ».
TNTV : Moetai Brotherson affirme que les carnets de commandes des entreprises du BTP sont pleins. Le Tapura estime, lui, que le Pays court à la catastrophe. Êtes-vous inquiet pour l’année 2025 et les suivantes ?
Nuihau Laurey : « Oui. Il faut s’inquiéter pour la fin de l’année 2024 et l’année 2025. Beaucoup d’entreprises continuent à avoir de l’activité, notamment dans le BTP, puisque c’est la suite des chantiers qui ont déjà été lancés en 2023 et au début de 2024. Mais, aujourd’hui, ces chantiers ne sont pas remplacés par d’autres. Aussi bien les chantiers publics, puisque le gouvernement n’a pas pris à bras-le-corps le sujet des contrats de projets, que sur le plan privé, car toutes les mesures proposées dans cette loi fiscale, qui a été annulée, vont à l’encontre du développement économique. Elles rendent la construction plus difficile. La défiscalisation a été diminuée. Tous les projets hôteliers qui avaient été déposés en défiscalisation ont été suspendus car le dispositif ne permet plus de compenser la cherté de la vie, des équipements et des infrastructures. C’est ce que l’on voit aussi. Quand on discute avec les chefs d’entreprise, ils nous disent, effectivement, que les carnets de commandes pour les mois qui viennent ne sont plus remplis. On va vers un ralentissement économique qui est extrêmement palpable aujourd’hui ».
TNTV : L’assemblée étudiera ce vendredi le premier collectif budgétaire de l’année. Vous comptez proposer un amendement pour que le CHPF obtienne 1,5 milliard de francs de plus. L’heure est grave dans le secteur de la santé….
Nuihau Laurey : « Effectivement. Ce n’est même pas nous qui le disons. On a vu les menaces de démission de tous les chefs de service du CHPF. On sait que la santé est dans un état catastrophique. On ne blâme pas le gouvernement actuel qui hérite d’une situation qui est compliquée. Par contre, ce gouvernement, depuis un an, aurait déjà dû bien prendre en charge ce problème. Les dotations qui ont été prévues dans le cadre de ce collectif sont insuffisantes. Le ministre le dit lui-même. Nous proposons de retirer une partie des crédits qui sont destinés à ATN qui n’est pas encore dans l’obligation de recapitaliser son capital. Est-ce qu’il n’y a pas une plus grande urgence aujourd’hui sur la santé des Polynésiens ? C’est la proposition que nous faisons et cela ne déséquilibre pas du tout le budget. Le deuxième amendement que nous proposons concerne la filière du coprah. On voit que la cherté de la vie est un problème majeur pour tous les Polynésiens et surtout ceux des îles. Le prix des produits est encore plus cher dans les archipels éloignés. Le SMIG a été augmenté ici, mais dans les îles, pour beaucoup, l’activité, c’est le coprah. Et le prix du coprah n’a pas bougé depuis 2022 et même plus longtemps. Nous proposons de doter à hauteur de 500 millions pour permettre l’augmentation du prix du coprah en le faisant passer de 150 à 180 francs. Deuxièmement, nous proposons de mettre une enveloppe de 200 millions pour permettre de restructurer cette filière et d’accompagner la création de nouveaux produits, notamment l’huile de coco vierge, d’accompagner dans les îles ceux qui souhaitent se lancer dans cette activité qui est beaucoup plus rémunératrice, mais qui nécessite un accompagnement au départ. Lorsque nous avons posé ces questions au ministre de l’Agriculture en commission, lui-même concède qu’il y a une nécessité de restructurer cette filière. Sauf si la politique vient se mêler de tout ça, nous pensons que ces amendements vont dans le bon sens pour la santé des Polynésiens et le développement des archipels. Nous sommes dans une démarche constructive. Nous avons fait en sorte que le budget ne soit pas déséquilibré par ces nouvelles orientations. J’espère que la majorité le verra comme une amélioration de ce collectif qui, à ce stade, n’est qu’un rafistolage ».