Oscar Temaru sur les émeutes en Nouvelle-Calédonie : « La colonisation, voilà le fond du problème »

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Invité de notre journal ce mercredi, le président du Tavini Huiraatira Oscar Temaru s'est exprimé sur les violences qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis l'adoption de la révision constitutionnel élargissant le coprs électoral. Selon lui, l'État "n'a jamais essayé de trouver une solution". "On a plâtré une jambe de bois" , estime-t-il.

Publié le 16/05/2024 à 12:25 - Mise à jour le 16/05/2024 à 17:07

Invité de notre journal ce mercredi, le président du Tavini Huiraatira Oscar Temaru s'est exprimé sur les violences qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis l'adoption de la révision constitutionnel élargissant le coprs électoral. Selon lui, l'État "n'a jamais essayé de trouver une solution". "On a plâtré une jambe de bois" , estime-t-il.

TNTV : La situation est préoccupante en Nouvelle-Calédonie. Pensez-vous que ces événements étaient inévitables ?
Oscar Temaru, président du Tavini Huiraatira : « Aucun homme responsable, d’abord, ne peut accepter ce qui se passe. La violence ne sera jamais la solution. Mais on doit aller plus loin que ça, on doit faire une rétrospective sur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie (…) J’ai beaucoup applaudi Macron quand il a fait sa déclaration d’Alger en 2017, quand il dit que la colonisation est un crime contre l’humanité. Je me suis dit, ‘ah, enfin, des jeunes Français qui n’ont pas peur d’affronter la vérité’ . (…) En 1878, il y a eu la première révolte. Et depuis, le gouvernement, l’État français n’a jamais essayé de trouver une solution à ce problème. On a trouvé quoi ? Je dirais qu’on a plâtré une jambe de bois » .

TNTV : Vous avez l’impression que l’histoire se répète en Nouvelle-Calédonie ? Il y a les émeutes qui ont eu lieu entre 1984 et 1988.
O.T : « Qu’est-ce qui s’est passé à Nainville-les-Roches, à l’époque de François Mitterrand ? Les leaders du FNKS, M. Jean-Marie Tjibaou et tout le monde qui était là, avaient accepté ce qu’on a appelé les victimes de l’histoire. C’est-à-dire que tous ceux qui étaient là depuis un certain laps de temps ont été acceptés. Et ils se sont dit, pour tous ceux qui arrivent par la suite, il n’en est pas question. La Nouvelle-Calédonie n’est pas un foutoir. Mais ça n’a jamais été respecté. Au contraire, l’État a toujours essayé de jouer avec le temps. Et le temps joue en leur faveur. C’est ce qui se passe : 30 ans d’accord de Matignon, 30 ans d’accord de Nouméa. Aujourd’hui, quelle est la situation du pays ? Voilà la grande question qu’il faut se poser. Les pauvres sont devenus plus pauvres et les riches sont devenus plus riches. Comme ici, il y a 60% de notre population qui vivent sous le seuil de la pauvreté (…) L’outil institutionnel qu’il faut pour développer ce Pays, comme la Nouvelle-Calédonie, il faut que ce pays soit un État souverain » .

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TNTV : Selon vous, c’est l’État qui est en cause ? Trois référendums portant sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie ont été organisés, le « non » l’a emporté à trois reprises.
O.T : « Avant ce référendum, il y a eu des élections. Et on a tenu des réunions à New York à l’époque où vivait encore Jean-Marie Tjibaou. Quand il y a eu les derniers référendums, il n’était plus là. Tous les grands leaders des pays du Pacifique ont pris la décision de demander à la France d’accepter les résultats des dernières élections en Nouvelle-Calédonie, qui prouvent que 90% du peuple kanak souhaite l’accession du pays à l’indépendance. Je ne parle pas du résultat global. Je parle du peuple kanak, c’est le peuple légitime. C’est leur pays, on est allés le coloniser. Il faut accepter et dire au gouvernement français, que c’est cette population qui est arrivée par la suite qui est le vrai problème de fond. Ils ont deux pays. Ils ont la France et la Nouvelle-Calédonie. Il faut qu’ils choisissent (…) C’était la décision prise avant les accords de Matignon, avant ce qui s’est passé à Paris avec Jacques Lafleur et la suite de l’histoire » .

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TNTV : Pour calmer le jeu en Calédonie, l’État a déclaré l’état d’urgence et a envoyé des renforts de l’armée. C’est donc une solution à court terme. À long terme, selon vous, comment est-ce qu’il pourrait sortir de cette situation ?
O.T : « Il faut respecter ce droit, l’autodétermination du peuple kanak, c’est la seule solution. Et que ce pays puisse devenir un État souverain, indépendant pour pouvoir discuter avec la France un autre État souverain au sein de l’Organisation des Nations Unies. C’est quoi pour nous ? Le statut d’autonomie, ce n’est pas la solution à nos problèmes. Nous avons besoin d’un autre outil institutionnel. Ce pays a besoin d’une constitution » .

TNTV : L’État et les différents partis du Caillou appellent au calme, tout comme Moetai Brotherson. Pensez-vous que la Polynésie pourrait jouer un rôle majeur de médiation ?
O.T : « Non, il faut que l’État soit clair dans cette affaire. Il faut qu’Emmanuel Macron accepte ce qu’il a dit à Alger. La colonisation, voilà le fond du problème (…) j’appelle tout le monde au calme. La violence n’est pas une solution » .

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TNTV : Enchaînons avec la politique locale avec les bilans des 1 an du gouvernement Brotherson. Les acteurs socio-économiques et l’opposition le critiquent vivement. En tant qu’ancien président de la Polynésie française, comment analysez-vous ces 12 premiers mois de mandature ? Que pensez-vous des premières actions du gouvernement ?
O.T : « Il faut poser la bonne question. Après près de 50 ans de statut d’autonomie, où en sommes-nous ? Il y a 60% de notre population qui vit sous le seuil de la pauvreté. Il y a plus de 50 000 demandeurs d’emploi. Il n’y a aucune visibilité et ce n’est pas avec ce statut d’autonomie qu’on va s’en sortir, ce n’est pas possible. Ce pays mérite mieux que ça. Ce pays est un grand état océanique de 5 millions de kilomètres carrés. Voilà comment il faut voir la Polynésie dans sa globalité et se poser les vraies questions. Qu’est-ce qu’il y a comme ressources dans ce pays ? (…) Le cobalt qu’on pourrait exploiter, pourrait rapporter plus d’un million 500 milliards de francs » .

TNTV : Dernière question toujours au niveau de l’actualité de votre parti politique. Une conférence de presse a été organisée ce matin. Il a notamment été question du 11e anniversaire de la réinscription de la Polynésie sur la liste des pays à décoloniser l’ONU. Tony Géros et Richard Tuheiava sont actuellement à Caracas où ils assistent à des réunions de préparation…
O.T : « Si nous sommes sur cette liste des pays à décoloniser, c’est que nous avons reçu le soutien de 189 pays qui nous ont soutenu. Il y en a qui sont actuellement à Caracas, c’est normal que l’on continue à travailler avec eux. C’est eux qui nous ont soutenu (…) (Tony Géros et Richard Tuheiva) feront une intervention, je ne sais pas si ce sera du direct en tous les cas, j’invite la population à venir ensemble remercier Dieu pour cette réinscription de notre pays sur la liste des pays à décoloniser » .

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