TNTV : Il y avait 4 candidatures -au début du moins- à l’Assemblée de la Polynésie française ce vendredi matin, 3 autonomistes et puis vous. Dans son discours, Edouard Fritch a dit : ‘on ne mord pas la main qui nous nourrit’. Comment prenez-vous cet avertissement ?
Moetai Brotherson, président de la Polynésie française : « Je pense que chacun a sa perception des choses. Ce n’est pas la mienne. Je ne conçois pas la France comme une main à mordre ou à caresser. Ce n’est pas du tout dans cet esprit-là que je me place. »
Que vous a dit Edouard Fritch ensuite, cet après-midi, lors de la passation des pouvoirs ?
« D’abord, il m’a accueilli, on va dire, d’homme à homme, avec son épouse. On était avec nos épouses respectives. Je l’en remercie d’ailleurs. Parce qu’il ne faut pas qu’on oublie qu’on est Polynésien, et que cette partie de nous, elle est là. Ensuite, on a passé en revue les dossiers qu’il tient à son niveau, dont il s’occupe directement, que ce soit les JO 2024, qu’un certain nombre d’autres dossiers qui sont pendants. Également la stratégie du tourisme, et puis la relation avec les maires et les tavana hau. Et d’autres dossiers d’ordre plus logistiques. »
Quels sont les dossiers qui vous tiennent le plus à cœur et qui vous paraissent les plus urgents ?
« Pour moi, l’urgence du moment, ce sont les victimes des intempéries. Elles ont déjà été prises en charge par l’ancien gouvernement pour ce qui est de Teahupoo. Il va falloir s’assurer de la continuité des dossiers d’aides qui ont été constitués. Et on me dit qu’il y a de nouvelles victimes suite aux intempéries qui se sont à nouveau déclenchées également dans les Tuamotu où on nous signale des maisons qui ont été détruites, et quelques maisons endommagées aux Raromatai. Donc on va s’occuper de tout ça rapidement. Je vais demander aux services concernés, aussi bien à l’OPH qu’à la DSFE, de faire un état des lieux. Voilà l’urgence du moment. »
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Vous avez aussi évoqué les Jeux Olympiques. Est-ce qu’il y a des choses qui coincent à presque un an de l’événement ?
« Finalement, c’est tout un ensemble de points sur lesquels le Pays s’est engagé au travers d’une convention avec l’État, notamment sur l’hébergement des sportifs, sur les conditions d’accessibilité, et la tour des juges qui doit répondre à des normes bien précises à la fois de solidité et de ‘démontabilité’. C’est donc tout un ensemble de points qui font partie d’un cahier des charges et d’une convention avec le comité des JO qu’il va falloir bien suivre de près. »
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Avez-vous aussi parlé d’international ? J’imagine des rendez-vous en tête à l’international, comme à l’ONU ou à Paris...
« Avant l’ONU, il y a des rendez-vous en Corée, également au niveau du Forum en octobre… Il y a tout un calendrier qui a déjà été établi par la DAIEP (Délégation aux Affaires Internationales, Européennes et du Pacifique, Ndlr), les services de la Présidence qui s’occupent de ces affaires internationales. Je vais examiner de près ce calendrier et voir ceux auxquels je vais pouvoir me rendre et ceux auxquels je vais devoir déléguer soit à d’autres ministres, soit à des chefs de service qui me représenteront. »
Quel sera le rôle d’Oscar Temaru sous votre présidence pendant les 5 prochaines années ?
« Oscar Temaru est une figure tutélaire pour moi. C’est une référence. Quand j’aurai peut-être, des doutes sur la conduite à tenir, je m’entretiendrai, évidemment avec lui, mais également avec Tony Géros. Nous fonctionnons en bonne intelligence tous les 3. »
« Je crois que la politique, ce ne sont pas des textes, pas des chiffres… c’est de l’humain«
Moetai Brotherson, président de la Polynésie française
Le Tavini a souvent évoqué un changement de gouvernance. Comment va-t-il se matérialiser sous votre présidence ?
« Écoutez… vous voyez… on est dans ce bureau qui ne correspond pas tout à fait à mon Feng Shui ! Bon, on ne va pas non plus dénaturer l’architecture de ce bâtiment. Il a été conçu avec une certaine esthétique, mais on va essayer de changer un peu les lieux. Peut-être les rendre plus accueillants. Ils le sont déjà, en partie. Mais comme je l’avais dit durant ma campagne, je suis un joueur d’échecs. Et j’aimerais bien qu’il y ait des tables d’échecs où les jeunes puissent venir entre deux cours jouer aux échecs… ou qu’ils s’approprient les lieux, qu’ils n’aient pas l’impression que c’est ailleurs. Ici, c’est chez eux. »
Que ce soit un vrai bâtiment public ?
« Oui ! »
On a vu Edouard Fritch ému de quitter ses fonctions, de quitter la Présidence. On vous a vu, vous aussi, être ému d’être élu, penser à vos proches à ce moment-là. Est-ce que c’est important à cette époque de l’intelligence artificielle -que vous connaissez aussi en tant qu’informaticien-, de conserver de l’émotion et de l’humanité dans la politique ?
« Je crois que la politique, ce ne sont pas des textes, pas des chiffres… c’est de l’humain. Si on oublie ça, on passe à côté de l’essentiel de la politique. C’est vrai que moi, aussi bien à l’Assemblée qu’ici, j’ai à la fois des souvenirs et des perspectives qui m’envahissent. Et c’est difficile de ne pas se laisser, à un moment ou un autre, déborder par ses émotions. À l’Assemblée, j’ai une pensée pour mon grand-père maternel, Jacques Taura, qui a été pendant très longtemps président de l’Assemblée dans les années 60, et qui était camarade de route de Pouvana‘a a Oopa. Ils ont cofondé le RDPT (Rassemblement des populations tahitiennes, Ndlr) à l’époque. Ce sont des souvenirs qui sont là. »