Entre 2004 et 2013, Oscar Temaru a été président cinq fois, Gaston Flosse deux fois, et Gaston Tong Sang, trois fois. Soit dix présidents en l’espace de neuf ans. Instabilité politique oblige, le mode de scrutin polynésien s’est inspiré des élections régionales en métropole. Un mode de scrutin adopté pour lutter justement contre l’instabilité politique qui touchait 20 régions sur 22. La loi du 1er août 2011 a donc instauré une seule circonscription, découpée en huit sections. Ce sont dès lors les résultats à l’échelle de toute la Polynésie qui comptent, avec une prime majoritaire très forte à la clé.
Alors comment se déroule le scrutin en vigueur depuis 2011 et pourquoi est-il défavorable aux petits partis ? A défaut d’obtenir la majorité absolue au premier tour, soit plus de 50% des voix (ce qui n’arrive jamais), seuls les listes qui atteignent 12,5% des voix peuvent briguer le second tour. Soit « au moins 17 000 voix » souligne le politologue Sémir Al Wardi. « C’est énorme, et là, les petits partis ne peuvent pas passer ».
Pas de parachutage possible
Mais pour ces partis-là, la situation se complique dès la constitution de la liste, puisqu’il faut trouver 73 noms (57 candidats et 16 suppléants) pour couvrir les huit sections du fenua. Pas de parachutage possible donc : tous les membres des listes sont tenus d’être déjà inscrits dans la section visée. « Et pour compliquer encore un peu plus, on met la parité » sourit le politologue.
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A l’inverse, celui qui arrive en tête au second tour remporte une prime majoritaire très forte, soit 19 sur 57 sièges. Et comme il est gagnant, il s’assure une bonne partie des 38 autres sièges répartis à la proportionnelle entre la liste gagnante et les listes qui auront au moins de 5% des suffrages exprimés à l’échelle de la Polynésie. De quoi s’assurer un mandat plutôt tranquille. « Un tiers, c’est énorme, poursuit M. Al Wardi. Celui qui emporte un tiers des sièges remporte aussi une bonne partie des sièges distribués à la proportionnelle, il est sûr de tourner avec 38 ou 37 représentants et donc de rester 5 ans au pouvoir avec une majorité très confortable. Regardez le Tapura. Quand on part avec autant de représentants, il peut y avoir plusieurs départs, ça ne changera rien ». D’autant que la motion de censure est extrêmement difficile à mettre en œuvre depuis la loi de 2011.
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Enfin, les petits partis ont d’autant moins de chance que c’est le résultat global qui compte dans ce mode de scrutin, puisqu’il n’y a qu’une seule circonscription. « Il peut y avoir des surprises. Dans une section quelqu’un peut très bien avoir 60% des voix et ne pas recevoir de sièges si sa liste à l’échelle de la Polynésie a obtenu moins de 5% des suffrages exprimés » précise le politologue. Et inversement. « Si quelqu’un obtient 2% dans sa section et qu’il n’est donc pas populaire dans son périmètre, mais que sa liste gagne à l’échelle de la Polynésie, il sera élu. »
Alors peut-on faire évoluer la loi organique pour favoriser l’éclosion de nouveaux partis ? « Il y a des moyens, comme baisser le seuil d’entrée au second tour qui est très considérable pour un petit parti, voire supprimer complètement ce barrage-là, mais on peut aussi réduire la prime majoritaire. Un tiers c’est énorme » répète le politologue.
Pour le docteur en droit public, Raimana Lallemant, une évolution est toujours possible, mais à quel prix ? « La loi organique fonctionne très bien au niveau de la stabilité, mais si on voulait une représentativité plus forte des autres partis, et donc potentiellement plus d’instabilité, c’est possible de la faire encore évoluer« .