TNTV : Vous avez joué l’équilibriste sur le dossier de la tour des juges de Teahupo’o. Vous avez essayé de satisfaire autant la population locale que Paris 2024. Avec un peu de recul, quel regard portez-vous sur cette polémique ? Si les choses étaient à refaire, quelle serait votre approche ?
Moetai Brotherson : « J’aurais eu une approche plus concertée dès le départ. Cela n’a pas été le cas. Quand nous avons rencontré pour la première fois les associations, elles nous ont dit à peu près la même chose : ‘on est désolé que cela tombe sur vous, mais les questions qu’on vous pose aujourd’hui, cela fait 3 ans qu’on les pose sans avoir aucune réponse’. S’ils avaient eu des réponses dès le départ, on n’aurait pas subi tout ce qu’on a subi. Aujourd’hui, pour moi, la polémique est derrière nous. Les travaux sont en cours et se déroulent très bien. Les forages ont démarré. Les travaux se font avec des barges réduites et tout se passe très bien ».
TNTV : Il n’y a pas eu d’étude d’impact préalable à la construction de la tour. Pour quelle raison ?
– PUBLICITE –
Moetai Brotherson : « C’est assez étrange effectivement. Le Code de l’environnement polynésien ne prévoyait pas d’étude d’impact obligatoire pour ce genre de structure qui est une structure temporaire, dans le sens qu’elle est montée et démontée. C’est un trou dans la raquette sur lequel on est en train de travailler. Ce sera corrigé pour l’année prochaine et pour toutes les manifestations et constructions à venir. Quand on a des travaux qui sont réalisés dans un environnement qu’il faut protéger, on ne peut pas se passer d’étude d’impact ».
TNTV : Les travaux sur la fiscalité du Pays doivent reprendre l’année prochaine. Entendez-vous tenir compte des inquiétudes des entreprises ?
Moetai Brotherson : « On ne peut pas faire sans. C’est la méthode que j’essaye d’imprimer. On a eu un peu des ratés à l’allumage, notamment sur la loi fiscale qu’on a voulu faire passer pour le budget primitif 2024. On a corrigé le tir. 2024 sera l’année charnière. On a à la fois la réforme fiscale et la réforme des comptes sociaux, car si on se maintient dans le modèle actuel, avec les chiffres qu’on nous amène sur le nombre de personnes dialysées, en carnet rouge, le montant des dépenses de santé, on va finir, si on ne changeait rien, d’ici à 4 à 5 ans, avec 70 % du budget qui sera consacré à l’assurance maladie. Cela veut dire qu’on ne fera rien d’autre ».
TNTV : Doit-on s’attendre à d’autres nouveautés dans cette réforme fiscale ?
Moetai Brotherson : « Nous l’avons dit depuis les élections, et on continuera de la dire, on a des objectifs qui sont celui de l’équité fiscale. Il faut que chacun contribue à hauteur de ses capacités. On a aussi des objectifs d’une meilleure efficacité fiscale. C’est parfois difficile à faire comprendre. Il faut de la concertation. Il faut des explications, que tous puissent s’exprimer et donner leurs points de vue. On ne détient pas la vérité économique. Il faut qu’on puisse entendre les chefs d’entreprise, les syndicats de salariés également qui ont des choses à apporter, et pas simplement des revendications. Ils ont souvent de bonnes idées. Il faut entendre tour le monde ».
TNTV : Pour ce qui est de la réforme de la PSG. Par quoi allez-vous commencer ? Vous avez demandé le soutien de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, pensez-vous l’obtenir en 2024 ?
Moetai Brotherson : « C’est une chose qui est acquise. Le ministre des Finances était à Paris ce mois-ci. Il est revenu il y a peu. Je me rends à Paris la troisième semaine de janvier pour le Conseil interministériel des Outre-mer. Ce sont des sujets qui sont à l’ordre du jour, entre autres sujets ».
TNTV : Quels sont les autres grands chantiers attendus pour 2024 ?
Moetai Brotherson : « On a beaucoup de grands chantiers : la préparation des Jeux du Pacifique en 2027. Ça commence dès 2024. Il faut qu’on ait le plan précis de ce que l’on veut faire. Il faut que l’on arrive à déterminer avec l’État le type de partenariat que l’on veut mettre en place pour la tenue de ces Jeux. On a des pays du Pacifique qui se proposent de les financer si l’État n’était pas au rendez-vous. Mais je pense que c’est mieux que l’État puisse nous accompagner et j’ai la conviction qu’il le fera ».
TNTV : En juin, se dérouleront les élections européennes qui sont assez peu suivies en Polynésie. Allez-vous soumettre à l’Assemblée, comme en 2019, le principe d’un vote maohi nui ?
Moetai Brotherson : « En tant que président de l’exécutif, ce n’est pas tellement mon sujet. Je pense que c’est une question qu’il faut plutôt adresser à Oscar Temaru qui est le chef du parti Tavini Huiraatira. C’est lui qui définit la ligne stratégique par rapport aux élections. Ce n’est pas que ça ne m’intéresse pas, mais cela ne m’intéresse pas, en fait ».
TNTV : En 2024, l’entreprise Google est également attendue au fenua pour la création d’un nouveau câble haut-débit. Elle pourrait faire de gros investissements ?
Moetai Brotherson : « C’est un gros chantier puisqu’à la clé, il n’y a pas simplement l’installation des 4 premiers câbles, mais ce sont plus d’une dizaine de câbles sur une période de 10 ans. C’est surtout, aussi, un partenariat en termes de formation avec une école d’ingénieurs qui doit voir le jour en partenariat avec Google, l’installation de Data Centers. Tout cela va venir très largement augmenter l’attractivité numérique de Tahiti et de la Polynésie en général. C’est tout cela que l’on essaie de préparer ».
TNTV : Avez-vous une idée du montant de l’investissement ?
Moetai Brotherson : « L’investissement global sur ce projet est de l’ordre de 161 milliards de francs. C’est un très gros projet ».
TNTV : Le prochain Conseil des ministres se tiendra-t-il à Rapa comme on a pu l’entendre ?
Moetai Brotherson : « En 2024, le premier Conseil des ministres délocalisé était effectivement prévu à Rapa. On ne peut pas faire plus loin. Malheureusement, il tombe la même semaine que le Conseil interministériel des Outre-mer. On va essayer de voir comment on pourra combiner tous ces impératifs d’agenda. Mais l’idée est bien d’aller faire un Conseil des ministres délocalisé à Rapa, ce qui nous permettra, dans le même temps, de faire la démonstration de ce qui va arriver en 2024, à savoir l’arrivée du haut-débit partout en Polynésie avec un partenariat entre Onati et Eutelsat ».