Tahiti Nui Télévision : L’Azerbaïdjan est un pays peu recommandable en termes de droits de l’homme et en termes de liberté de la presse, même s’ils peuvent vous aider sur le plan politique, notamment au niveau des Nations Unies. La fin justifiait les moyens selon vous ?
Vito Maamaatuaiahutapu, secrétaire général du Tavini Huiraatira : « J’aimerais rectifier quelque chose. Nous n’avons pas été invités par le Gouvernement de l’Azerbaïdjan. Il faut que ça soit clair dans l’esprit de nos auditeurs. Nous avons été invités par une ONG, une organisation non gouvernementale. Ce n’est pas la première fois que le Tavini Huiraatira se rend dans des réunions organisées par des ONG. Je ne vois pas où est le problème que le Tavini Huiraatira réponde favorablement à l’invitation d’une ONG. »
TNTV : On sait très bien que le GIB a des proximités avec l’État en Azerbaïdjan.
Vito Maamaatuaiahutapu : « Vous savez, en France aujourd’hui, il y a 450 organisations non gouvernementales. Ils sont subventionnés à hauteur de 58% de leur budget par l’État français. Il faut voir les choses comme elles sont. »
TNTV : Un partenariat politique, c’est une chose, mais là, on dépasse largement le contexte d’une quête de l’indépendance. On a entendu parler de partenariat au niveau de l’éducation, du développement durable, encore des médias. Et quel est le but de cette démarche ? C’est le gouvernement local qui vous a missionné pour tâter le terrain ?
Vito Maamaatuaiahutapu : « Pas du tout. Et ça aussi, il faut éclaircir cette situation-là. Le gouvernement local, il agit dans un cadre bien défini qui est celui de l’autonomie interne. L’institution de l’Assemblée, c’est pareil. Le Tavini Huiraatira n’est pas régi par le statut d’autonomie interne. Notre combat, on va le continuer. »
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TNTV : Dans le dossier de presse que vous nous avez donné ce matin, en conclusion, il est inscrit des domaines dans lesquels vous souhaitez faire des partenariats avec l’Azerbaïdjan. Est inscrit notamment le domaine de la justice. Est-ce que cela signifie que pour vous, l’Azerbaïdjan est un modèle de justice ?
Vito Maamaatuaiahutapu : « Nous ne sommes pas allés là-bas pour soutenir un régime. Nous sommes allés là-bas parce qu’il y a une ouverture pour nous, pour le Tavini Huiraatira, pour les indépendantistes, et de faire évoluer notre combat. L’année dernière, le MNA (Mouvement des non-alignés) était présidé par l’Azerbaïdjan et pour nous, c’était une ouverture. Vous vous rendez compte que ça fait 50 ans que le Tavini Huiraatira se bat dans les institutions selon la procédure onusienne. En 2013, nous avons été réinscrits. Et la procédure voudrait que l’État français se mette autour de la table pour négocier l’accession de ce pays à l’indépendance. Mais ça fait 11 ans que la France pratique la politique de la chaise vide ».
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TNTV : Vous assurez que vous vous êtes déplacés sous l’égide de votre parti, le Tavini Huiraatira. Ce matin, vous avez indiqué qu’Antony Géros, le président de l’Assemblée, je cite, « n’a pas mis son nez dans ce déplacement pour éviter tout problème. » Pourtant, parmi la délégation, il y avait énormément de représentants qui siègent au sein de l’hémicycle à l’Assemblée. Ça ne vous pose pas de problème ?
Vito Maamaatuaiahutapu : « Je pense qu’avant d’être représentant à l’Assemblée, ce sont des militants indépendantistes Tavini Huiraatira. Ils se sont déplacés sous le titre de militants indépendantistes. »
TNTV : Comment concilier les valeurs que vous défendez au sein du Tavini Huiraatira ? Par exemple, la statue de la liberté qui est dans votre QG et les liens avec un État autocratique opposé aux libertés fondamentales.
Vito Maamaatuaiahutapu : « Vous savez, avant qu’il y ait ce pe’a pe’a, cette bagarre entre l’État français et l’Azerbaïdjan, le plus grand raffineur de pétrole là-bas, c’étaient les sociétés françaises, notamment Total Énergie. »
TNTV : Au niveau des valeurs, ça ne vous pose pas de soucis ?
Vito Maamaatuaiahutapu : « Pour Total Énergie, ça ne posait pas de soucis à l’État de travailler avec cet État d’Azerbaïdjan. Il a suffi qu’il y ait cette guerre déclarée entre la France et l’Azerbaïdjan, c’est devenu un État dictatorial tout de suite. Moi, je dis qu’il faut replacer les choses dans leur contexte. Je me répète peut-être, mais nous ne sommes pas allés là-bas pour soutenir un régime. »
TNTV : Ce matin, en conférence de presse, vous avez martelé qu’il faut faire attention aux propos qu’on utilise. Pourtant, dans un article d’une agence de presse azérie, il est indiqué, je cite, que : « 80 % de l’économie de l’île, donc de Tahiti, est contrôlée par les grandes entreprises françaises, qu’il faut libérer la Polynésie de l’esclavage français » ou encore que « les décès liés au Covid en Polynésie soient dus au manque de soutien médical sérieux qu’a apporté la France pendant la crise. » Est-ce que ce sont des propos que vous cautionnez ?
Vito Maamaatuaiahutapu : « Nous n’avons pas à rentrer dans ce genre de détails. Ils sont libres d’écrire sur ce qu’ils veulent. Je ne suis pas allé derrière eux. »
TNTV : Vous cautionnez les propos qu’ils tiennent ?
Vito Maamaatuaiahutapu : « Quelques propos. Quand on dit que nos maladies ici sont très mal soignées, quand on dit qu’il y a 100 milliards qui manquent dans la caisse de la CPS dus aux essais nucléaires. La France reste muette. Ce n’est pas possible. »
TNTV : Une toute dernière question : dans votre programme de compagne, il n’était pas question de coopération avec l’Azerbaïdjan. Avec le positionnement que vous prenez, vous ne craignez pas que certains élus de votre majorité ou même que vos électeurs ne se retrouvent plus dans ce que vous proposez aujourd’hui ?
Vito Maamaatuaiahutapu : « C’est le sens de notre rencontre ce soir. C’est essayer de tirer tout ça au clair. Il y a eu un amalgame pas possible (…) C’est le Tavini Huiraatira qui va continuer sans combat jusqu’au jour où ce pays sera libre, souverain, indépendant.
TNTV : Dans ce que vous dites, on a l’impression que le Tavini est en accord avec votre déplacement. Pourtant, plusieurs représentants nous ont indiqué qu’ils ne cautionnaient pas ce déplacement ni les propos que vous tenez. Comment est-ce que vous l’expliquez ? Vous auriez peut-être dû communiquer avant de partir ? Vous ne pensez pas ?
Vito Maamaatuaiahutapu : « Ce matin, je m’en suis excusé devant la presse, en disant que c’était notre faute. On n’a pas communiqué assez avant de partir. Il était question, aujourd’hui, dans le comité de la majorité, que je prenne la parole pour expliquer tout ça. C’est évident. Il faut expliquer. »