Le rendez-vous est quotidien : au lever du jour, une quarantaine de sans-abri se retrouvent au centre d’accueil Te Vaiete pour le premier repas de la journée, et parfois le seul. Ces hommes et femmes ont un parcours de vie chaotique qui les a conduit à vivre dehors, et la perte d’un frère de la rue marque toujours les esprits.
« Ça nous fend le cœur, c’était notre frère. Depuis qu’on est dans la rue, on se familiarise avec les gens de la rue, c’est notre famille. (…) Pour une fille, de vivre dans la rue, c’est très difficile, surtout côté hygiène et sécurité. (…) Père Christophe, c’est notre papa, il nous aide beaucoup, sans lui, on serait des délinquants, on volerait pour se nourrir » nous dit Tepua, une femme vivant dans le rue depuis 12 ans.
« Je ne les connaissais pas personnellement, mais on se saluait. On se disait bonjour et aujourd’hui, je ne les vois plus. La difficulté de vivre dans la rue, c’est le manque de soins, de nourriture… ce qui pousse certains à s’isoler par désespoir et au final, à décéder sans que l’on sache vraiment pourquoi » confie un autre SDF de 53 ans.
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Les plus jeunes du centre ont 20 ans à peine, et le plus âgé à 53 ans. Les liens avec la famille sont pour certains rompus. Père Christophe, vicaire de la Cathédrale de Papeete, accompagne ces SDF pour tenter d’effacer un peu le sentiment d’abandon qui pèse sur leurs épaules.
Sept SDF sont morts depuis le début de l’année, et deux en l’espace de 15 jours seulement. Pour l’homme d’Église, plus le temps d’être en colère. Il dénonce le manque de réaction des autorités du Pays. Et au nom de la foi, il ne compte pas abandonner les plus démunis. « Cela situe surtout un peu le problème de santé des personnes. On est à une moyenne d’âge de 45 ans pour les décès dans la rue. C’est quand même 30 ans de moins que l’espérance de vie de vous et moi. (…) Tous ceux qu’on a cité, on les a tous accompagnés, connus depuis un certain temps… Ils n’arrivent pas dans la rue pour mourir » explique Père Christophe.
Avec les services de santé bénévoles, un suivi psychiatrique et médical a été mis en place. Car la vie dans la rue usent ces hommes et ces femmes. Le manque d’hygiène de vie, des infections mal soignées rendent cette population plus vulnérable. « Maintenant qu’on a un camion, on essaie de leur faire un bilan de départ avec une prise de sang, et on essaie de mettre au point un suivi de ces gens. On essaie de s’en rapprocher. On leur fait des ordonnances. On essaie d’améliorer un peu leurs conditions de vie. (…) C’est difficile de les suivre vraiment parce qu’ils s’échappent souvent. Mais cela portera ses fruits » précise Gérard Mazeau, médecin généraliste.
Après 25 ans d’existence, le centre d’accueil fermera ses portes fin décembre. Le bâtiment n’est plus aux normes, et Père Christophe a besoin d’un espace plus grand pour assurer toutes les missions d’accompagnement et de soutien. Près de 300 SDF vivent dans la précarité dans le grand Papeete.
Cet après-midi, Père Christophe et les bénévoles du centre d’accueil prépareront 128 repas à destination des sans-abri de la zone urbaine.