Ce sont trois « sectionneurs d’aiguillage », des isolateurs, qui ont lâché coup sur coup, ces derniers jours, au sein du poste 90 000 volts de la société Transport d’Énergie électrique en Polynésie (TEP) sur le site de la Punaruu, à Punaauia.
Des dysfonctionnements à répétition qui ont abouti à un blackout de deux heures, vendredi matin, sur toute l’île de Tahiti, puis à un second, samedi après-midi, sur la zone urbaine. « Ce poste est une espèce de grand aiguillage qui reçoit la plupart de l’électricité produite (…) et qui, ensuite, fait repartir cette énergie à une tension de 90 000 volts sur les grandes artères du réseau (…) C’est donc un endroit central », explique le président directeur général de la TEP, Hervé Dubost-Martin.
Si ce genre de pannes demeure classique, ce qui l’est moins c’est qu’elles sont dues à des équipements identiques, impactés simultanément. Des investigations ont donc été lancées pour tenter de comprendre ce qui a pu se produire. « Il y a 2 hypothèses. Soit c’est un défaut de série (…), soit ce sont des problématiques éventuelles d’exploitation, des surtensions qui auraient pu fragiliser ces composants », souligne Hervé Dubost-Martin. Les résultats des investigations ne devraient pas être connus avant « plusieurs semaines ».
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La TEP a donc commandé en urgence de nouveaux isolateurs sachant que le poste de la Punaruu en utilise une soixantaine. Au vu du contexte, la « probabilité » d’une nouvelle panne est donc « plus importante que d’habitude », estime le PDG de la société. « Si ces isolateurs cassaient les uns après les autres, cela pourrait devenir plus problématique », s’inquiète-t-il.
D’autant que Tahiti est une île qui n’est rattachée à aucun continent. « On est seuls au monde. On a ce nœud de la Punaruu et si l’on a un problème majeur dans ce nœud, automatiquement, on a des incidences sur la clientèle », souligne Hervé Dubost-Martin qui ajoute que « dans la plupart des îles du monde, les pannes font un peu partie du quotidien ». « Pour un système ilien, nous avons l’un des taux de pannes les plus faibles au monde », assure-t-il toutefois.
« On est sur un réseau insulaire, cela veut dire que l’on a un réseau fragile », abonde le directeur des exploitations d’EDT Engie, Yann Wolff : « Pour que cela fonctionne, il ne faut pas que l’on ait de problèmes importants sur la production, le transport et la distribution. Dans ces domaines, on a des installations qui ont été conçues il y a 20 à 40 ans. Donc, on n’est pas forcément allé chercher des solutions très résilientes ».
Les paramètres à prendre en compte sont en outre divers et variés. Par exemple, la centrale de la Punaruu est en partie refroidie grâce à de l’eau puisée dans la nappe phréatique. « S’il y avait un incident grave sur cette nappe, une sècheresse énorme, on ne serait pas capable de faire fonctionner la centrale. Cela aurait des impacts graves sur la clientèle », indique Yann Wolff.
Ces sujets font l’objet de discussions et d’études depuis plusieurs années avec les autorités du Pays. Un nouveau site de production d’EDT Engie devrait ainsi voir le jour dans la zone nord de Tahiti. La centrale de Vairaatoa, arrivée en « bout de vie », sera quant à elle déplacée et remplacée par un « poste aux standards d’aujourd’hui ». Côté transport, la TEP a actuellement 14 milliards de francs de nouvelles réalisations en cours, notamment une nouvelle boucle au nord de Tahiti ou encore la création d’une ligne de 90 000 volts entre la Punaruu et Papeete.
« Il faut que, tous ensemble, on travaille sur ces problématiques de résilience, car les clients ont besoin de plus en plus d’électricité (…) Il faut aussi arrêter de tout concentrer au même endroit (…) Le cœur du pouvoir électrique est à la Punaruu. Il va falloir décentraliser un peu tout ça pour donner un peu de respiration autour de l’île », conclut Yann Wolff.