TNTV : Parmi les matières premières de l’artisanat traditionnel qui se raréfient, le pandanus. Le terme pénurie ne semble pas adéquat à la situation, ce sont plutôt les artisans des îles qui refuseraient de continuer à travailler avec les acheteurs de Tahiti. Des prix exorbitants sont appliqués par ces derniers, les producteurs ne s’y retrouvent pas. Comment vous saisissez-vous de cette problématique ?
Vaiana Giraud, cheffe du service de l’artisanat traditionnel : « Effectivement, les enjeux sont multiples (…) Il y a du pae ore suffisamment pour les artisans des Australes. La problématique n’est pas la même dès qu’on parle des artisans de Tahiti et même des besoins à l’international. Donc, effectivement, il y a des variations de prix. On sait bien quand quelque chose est rare, il devient plus cher. Il y a aussi cette problématique quand un produit arrive à Papeete, il y a effectivement souvent des marges qui sont appliquées et qu’il faudrait arriver à positionner de manière plus juste par rapport aux producteurs. Le service ne peut pas vraiment intervenir dans ce qui relève du commerce et d’une liberté d’échange. En revanche, on essaye d’avoir une action plus globale. Il y a ce problème des intempéries qu’on arrive moins à anticiper. Par exemple, ce projet pilote de séchoir de pae ore a pour objectif de permettre de sécuriser les récoltes, de plus produire, de produire mieux et à terme d’apporter des solutions à ces difficultés d’approvisionnement. Les artisans de l’île parlaient d’une perte de 20 % quasiment de la production. On espère que ce séchoir va permettre d’avoir une action positive tant sur la matière que sur les prix » .
TNTV : Mieux comprendre le coût de ces matières premières, c’est aussi un des objectifs de ce premier événement, de cette première édition du marché des matières premières que vous organisez ?
V.G : « Oui, tout à fait, c’est un des objectifs. Il y a une partie de sensibilisation qui est très importante pour nous auprès des acheteurs, mais aussi auprès des jeunes générations. Quand on parle d’artisanat traditionnel, on parle souvent d’activité, mais en réalité ce sont des métiers. Les préparateurs de matières premières sont des professionnels, les artisans traditionnels sont des professionnels. Il faut pouvoir comprendre leurs enjeux, le temps de préparation d’une matière, le temps de fabrication d’un objet, pour mieux comprendre les coûts, la richesse de ces savoir-faire et parfois leur fragilité, puisque la transmission est un vrai sujet à l’échelle du secteur. Ce marché des matières premières a deux enjeux, la sensibilisation, mais aussi la création de réseaux économiques, puisque bien souvent, on ne sait pas toujours vers qui se tourner quand on cherche certaines matières. L’objectif également de cet événement, c’est de permettre aux producteurs de matières de rencontrer leurs acheteurs, qu’il s’agisse de costumiers, de chefs de groupe, et pourquoi pas aussi de pensions, d’hôtels, pour tout ce qui est décoration » .
TNTV : Le Pays étudie la possibilité de créer une centrale d’achat. Dans quel but ?
V.G : « Le but de cette centrale est toujours dans la sécurisation du secteur. Ceux qui sont producteurs ont besoin de pouvoir vendre de manière certaine, et ceux qui sont créateurs d’objets ont également besoin d’être rassurés sur l’approvisionnement. On a déjà eu parfois des ateliers qui étaient annulés faute de matières premières. Donc cette centrale d’achat aurait vraiment pour objectif de sécuriser les filières, sécuriser aussi bien les vendeurs que les acheteurs pour que derrière, l’artisanat soit un métier qui soit plus serein à pratiquer. Aujourd’hui, on est donc sur une étude de faisabilité pour savoir si cette structure serait viable » .
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TNTV : (Mercredi) matin, vous avez aussi présenté une mallette pédagogique, le fruit d’un travail collaboratif, notamment avec la jeunesse du lycée Samuel Rapoto et le Centre des métiers d’art.
V.G : « Oui, on a travaillé toujours dans cette idée de valoriser l’artisanat et de le remettre un peu au centre des préoccupations. Le public le plus adapté pour commencer cette sensibilisation, c’est dès le plus jeune âge. C’est un projet pédagogique qui vise les enfants du CM1 à la 6e en priorité, avec des matières premières qu’ils pourront découvrir, toucher, reconnaître, apprendre à reconnaître et un jeu de société qui viendra en complément pour une approche à la fois ludique et éducative » .