TNTV : Pour commencer, quelle est votre vision du développement touristique local et quelle est votre feuille de route ?
Bud Gilroy : « La vision n’a pas changé. Par contre, nous avons des objectifs qui nous ont été donnés. Le premier est de recouvrir les marchés qui n’ont pas de liaison aérienne directe, notamment l’Asie, le Japon ou l’Amérique du Sud. Mais également de travailler sur les marchés qui ne sont pas encore complétement ouverts comme en Europe : l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse. On doit continuer de travailler sur la diversification des marchés en anticipation d’une crise aux États-Unis qui est possible. Car c’est une grosse partie de notre clientèle. On doit aussi continuer à travailler sur la structuration et la professionnalisation de nos comités du tourisme. Les comités du tourisme dans les îles sont les premiers points d’accueil des touristes. Mais aussi travailler sur la feuille de route Fāri’ira’a Manihini 2027 ».
TNTV : Avez-vous un dossier qui vous semble prioritaire ?
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Bud Gilroy : « Le premier, ce sera la réouverture de la ligne sur le Japon. Dès la fin du mois ».
TNTV : Vous avez évoqué Fāri’ira’a Manihini 2022/2027. Il s’agit d’une stratégie réalisée en concertation avec tous les acteurs touristiques. Concrètement, aujourd’hui, où en est-on ?
Bud Gilroy : « Tout d’abord, c’est une stratégie qui a été votée par tous les acteurs touristiques et tous les partis politiques. C’est important de le savoir. Les projets avancent. C’est une structuration qui doit se mettre en place doucement. On a avancé en termes d’objectifs sur le tourisme durable, sur les comités du tourisme qui commencent à se professionnaliser, sur les hébergements. On est aussi content d’avoir créé un comité du tourisme durable. Il y a encore beaucoup d’objectifs à atteindre et on doit se donner le temps et la structuration pour y arriver. C’est le but de cette feuille de route ».
TNTV : Dans cette stratégie, il n’y a pas d’inégalités. Les pensions de famille comme les hôtels sont sur un même pied …
Bud Gilroy : « Tout le monde est sur un pied d’égalité. C’est difficile, pour nous, de privilégier une niche, car on a besoin de tout le monde pour faire grandir notre tourisme ».
TNTV : Les travaux du futur terminal de croisière, à Papeete, touchent à leur fin. Une telle infrastructure était-elle nécessaire selon vous ?
Bud Gilroy : « C’était nécessaire. On a vu le développement de la croisière qui est très important. C’est difficile de structurer une industrie sans avoir les deux éléments qui marchent, c’est-à-dire l’aéroport et le port. Aujourd’hui, le terminal de croisière va répondre à cette demande sur le port. Cela va permettre d’accueillir nos touristes dans de meilleures conditions, de travailler sur des flux logistiques qui vont être plus ciblés et plus sécurisés. Je remercie le Port Autonome pour cette infrastructure qui verra le jour en début d’année, mais qui va également être ouverte au public ».
TNTV : Selon les derniers chiffres de l’ISPF, les navires de croisière représentent 20% de la fréquentation touristique au fenua. C’est un secteur dont le développement est indispensable selon vous ?
Bud Gilroy : « C’est le seul secteur où l’on sait ce qu’il va se passer 2 ans à l’avance. On a déjà les plannings jusqu’en 2026. Ce n’est pas un secteur qui va ralentir. Et c’est déjà un secteur sur lequel on peut se projeter. Cela permet aux gens d’investir sur des activités qu’ils peuvent faire. C’est aussi le seul vecteur de transport qui amène des touristes dans les autres îles comme aucun autre moyen de transport ne peut le faire. Le Paul Gauguin a 340 passagers. Combien d’ATR faudrait-il pour amener 340 passagers à Nuku Hiva ? C’est vraiment un moyen pour nous de désenclaver nos îles, de permettre à d’autres îles de se développer ».
TNTV : Selon vous, quelle est la marge de progression de la croisière au fenua. Pourrait-on dépasser les 20% ?
Bud Gilroy : « Bien sûr que l’on peut dépasser le seuil des 20%. Maintenant, cela rentre dans le tourisme durable. Il faut que cela se fasse en concertation avec la population. Il faut que le développement soit toujours accepté par la population ».
TNTV : On parle de tourisme durable mais les paquebots, c’est aussi de la pollution. Que répondez-vous à ceux que cela interpelle ?
Bud Gilroy : « Il est évident qu’un bateau pollue mais il faut comparer ce qui est comparable. La croisière représente 320 navires sur une flotte mondiale de 50 000 à 60 000 navires de commerce. C’est donc une infime partie. Et le secteur de la croisière est certainement l’un des plus exemplaires en termes d’innovations et de recherches. On parle de meilleurs carburants, de gestion des déchets. C’est très intéressant pour nos îles ».
TNTV : L’objectif du président Brotherson d’atteindre les 600 000 touristes par an est-il réalisable selon vous ?
Bud Gilroy : « C’est réalisable, d’autant plus que ce n’est pas un objectif qu’on nous demande pour demain. C’est un objectif sur dix ans. Il va arriver avec le développement d’autres structures, avec leur diversification. Ce sont l’hôtellerie, les pensions de famille, éventuellement le logement chez l’habitant que le gouvernement veut mettre en avant. Donc, c’est le développement de toutes ces infrastructures qui va nous permettre d’atteindre ce chiffre, mais dans un horizon de 10 ans ».
TNTV : Le tourisme interne est-il également un levier de développement intéressant ?
Bud Gilroy : « Bien sûr. Tahiti Tourisme y croit fortement. Nous organisons deux fois par an le Salon du tourisme, mais aussi les tere autour de l’île qui sont culturels, sportifs. Je pense que les Polynésiens aiment voyager. Ils ont l’âme de voyageurs. Nous travaillons avec nos équipes pour proposer plus d’incitations à voyager localement ».
TNTV : Le tourisme durable, ce n’est pas encore pour demain. Il y a encore beaucoup de travail. Ce lundi s’ouvre le Sommet régional sur le tourisme. 20 pays sont représentés dont la Polynésie. Qu’en attendez-vous ?
Bud Gilroy : « C’est un moyen pour nous de constituer du réseau avec des experts et de comprendre quels sont les enjeux et les perspectives qu’amène le tourisme durable. Mais aussi de connaitre la vision régionale du tourisme durable. Cela va nous permettre de contribuer à l’exécution de notre feuille de route pour le tourisme durable. C’est important également, pour nous, de connaitre les collaborations que nous pouvons avoir avec SPTO – l’Organisation du Tourisme du Pacifique, Ndlr- ou les différents donateurs pour créer un climat qui sera positif et un impact durable pour notre tourisme. C’est en réseautant que l’on peut faire ça ».