TNTV : Vous venez de le voir, la surprise de ces retraités qui ont dû payer leur transport par le SMUR, est-ce normal de payer l’ambulance pour se rendre à l’hôpital ?
Cédric Mercadal, ministre de la Santé : « Ce n’est pas normal, il faut le dire. Mais il y a des textes qui existent depuis 1995 qu’il faut toiletter absolument aujourd’hui, parce qu’on se retrouve dans des cas de figure qui sont aberrants. Quand on est malade, on doit être pris en charge et ce n’est pas au regard d’un régime d’affiliation ou au regard du fait qu’on est monté dans l’ambulance que l’on doit recevoir une facture ou pas. C’est un droit pour la santé des gens. Il faudra travailler ensemble pour améliorer cela et c’est ce que mon ministère est en train de faire. »
TNTV : Il semble y avoir un vide juridique sur ce sujet…
Cédric Mercadal : « Tout à fait, c’est un vide juridique qui existe depuis 1995, dû aux accords de coordination. Ces gens-là, ils sont en sécurité sociale. Quand c’est la DGF, la dotation globale de fonctionnement qui concerne les régimes polynésiens, il n’y a pas de problème. Sur les « sécus », il y a une difficulté et ce n’est pas normal qu’aujourd’hui. »
TNTV : 26 chefs de services de l’hôpital de Taaone menacent ou ont menacé de démissionner, car ils manquent de moyens humains et techniques. Ces démissions sont-elles actées et les avez-vous rencontrés depuis leur annonce ?
Cédric Mercadal : « Alors, les démissions, j’entends la difficulté du CHPF depuis très longtemps. Depuis que je suis arrivé au gouvernement, je les ai reçus, j’ai reçu tout le monde. Je reçois très régulièrement la communauté médicale de l’établissement, tous les deux mois. On fait le point sur la situation, on avance ensemble. Au moment du budget, ils m’ont fait part de leurs difficultés. On avait prévu un milliard de plus pour eux. On est allé jusqu’à un milliard sept et je m’étais engagé à leur donner un milliard sept. Et ils m’avaient dit autre chose, ils m’ont dit « on n’a pas envie que ça serve à payer les dettes du passé quand on donnera la subvention ». Ce que l’on a fait. Pour éviter cette situation, j’ai donné 1.9 milliard de plus, plus 150 millions pour une Sauv (Salle d’accueil des urgences vitales) parce que les urgences en avaient vraiment besoin. Ce sera pérennisé. En gros, je suis allé bien au-delà de ce que j’avais promis. Aujourd’hui, je donne quasiment 3,5 milliards qui ont été votés par l’assemblée lors du collectif de vendredi. »
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TNTV : Justement, les avez-vous rencontrés ? C’est un moyen pour vous aussi de venir en aide et au secours de l’hôpital ?
Cédric Mercadal : « Oui, complètement. C’est qu’il faut venir au secours de cet hôpital. Mais cet hôpital, il a des difficultés qui vont au-delà de ça. (…) Donc, on va pérenniser un certain nombre de postes dans le prochain collectif avec des investissements complémentaires. Ce collectif était prévu pour le fonctionnement, un autre collectif sera prévu pour l’investissement. On mettra alors encore 700 millions pour l’investissement. »
TNTV : Justement, lors de la séance du collectif budgétaire, la représentante du Tavini Sylvana Tiatoa a décrit en substance que « les moyens financiers mis dans l’hôpital étaient de plus en plus importants et ne guérissaient pas les gens, puisqu’il a de plus en plus un malade ». Cautionnez-vous ces propos ?
Cédric Mercadal : « Il y a de plus en plus de malades en Polynésie parce qu’il y a un état de santé de notre population qui est terrible. Un vieillissement de la population d’un côté et une mauvaise alimentation de l’autre. Il faut dire les choses. 74% de nos Polynésiens sont en surpoids. Il faut faire quelque chose. On va prendre des lois qui seront contre les produits toxiques pour favoriser la meilleure alimentation aussi. Mais on va prendre aussi des dispositions relatives à la santé primaire, c’est-à-dire à la promotion de la santé. Ce qu’on a fait avec les dentistes il y a quelques années, on va le faire de manière généralisée pour inciter les gens à faire plus de sport, plus d’activités physiques, faire en sorte que leur santé soit au cœur de leur vie quotidienne. »
TNTV : Justement, donc, contrairement à ce qui a pu être dit, vous allez investir encore un peu plus dans la santé pour la prévention surtout ?
Cédric Mercadal : « Il faut investir dans le soin, parce qu’on a un hôpital qui périclite et des hôpitaux périphériques qui en ont besoin aussi. Mais il faut investir aussi dans l’humain. Et ce sont les doubles actions qu’il faut donner. Il faut enfin axer sur la prévention très fortement, et une prévention de terrain pour changer les habitudes. »
TNTV : Est-ce qu’il y aura la possibilité d’introduire plus de médecines traditionnelles dans les pratiques hospitalières ?
Cédric Mercadal : « C’est déjà le cas. On a des tradi-praticiens et des néotradiciens. On a fait des expérimentations depuis quelques années et qui fonctionnent plutôt bien. C’est-à-dire que les personnes qui sont tradi-praticiens à l’hôpital font aussi attention à la sécurité des gens au regard de la posologie de la médecine conventionnelle. Donc associer les deux avec de vrais résultats parce qu’il y en a, il faut continuer et aller dans ce sens-là. »
TNTV : Le seul oncologue de l’hôpital arrive au terme de son contrat en août, y a-t-il des candidats pour le remplacer ?
Cédric Mercadal : « Il y a une vraie difficulté à avoir des oncologues partout dans le monde. Il faut voir que les Calédoniens, par exemple, ont embauché deux Italiens qui parlent français pour faire de l’oncologie. C’est une vraie difficulté et une denrée rare. On fait tout ce qu’on peut. On a activé tous les réseaux pour avoir les oncologues à l’hôpital parce que c’est une chose qu’on ne peut pas laisser comme ça. »
TNTV : Ce qui rendra le déficit de la CPS plus important… combien coûte l’évacuation sanitaire en France pour un patient atteint d’un cancer ?
Cédric Mercadal : « Tout dépend du type de cancer, tout dépend de plein de choses. Les évacuations sanitaires coûtent cher, dans tous les cas, quand on les envoie en métropole, c’est de l’ordre aujourd’hui de la radiothérapie. Je peux donner un exemple très concret. C’est un appareil de radiothérapie qui n’était pas fonctionnel cette année, pendant six mois, ça nous a coûté 300 millions, pour renvoyer toute la file active en métropole. Mais c’est surtout la perte de chance. Je préfère que les gens soient soignés chez nous parce qu’il est important qu’on soit plus près de nos familles quand on est dans cette situation difficile. »
TNTV : Comment allez-vous faire pour régler le problème de la PSG ?
Cédric Mercadal : « J’ai décidé d’avoir trois axes cette année. On va revoir les affiliations, parce qu’aujourd’hui, ce sont des affiliations qui sont construites depuis 1995 et qui créent des incohérences et des aberrations telles que celles que tu as décrites tout à l’heure relative au Samu, mais il y a celles du SDF qui a coûté 12 millions l’hôpital et qui arrive avec une facture comme ça. Ce sont les aberrations du système. Dans un deuxième temps, on va travailler sur le contrôle. D’une part, on va travailler sur le contrôle des actes de l’assurance maladie, parce qu’il faut réformer aussi l’assurance maladie pour soigner bien, soigner mieux, mais soigner ce qu’il faut et pas avoir des dépenses incontrôlées. Et d’autre part, on va renforcer les moyens de contrôle sur le terrain au niveau des cotisations, des prestations et de l’assurance maladie. »
TNTV : Ça fait un an que vous êtes donc en charge à de la santé. Que retenez-vous à de cette première année ?
Cédric Mercadal : « Deux actions fondamentales m’ont marqué. C’est, d’une part, avoir pu faire l’arrêt de travail dématérialisé. Parce que pour moi, c’était important de pouvoir, via un smartphone, quand on est au fond de son lit, pouvoir appuyer sur le bouton et dire, je n’ai pas besoin de déplacer mon employeur au courant, la CPS aussi. Et dans un deuxième temps, c’est la réouverture de l’école d’infirmières. C’est quelque chose qu’on a fait en sept mois, ça n’a pas été simple, mais on y est arrivé. Et ça va ouvrir dès septembre cette année. »