Le nombre de cas de syphilis a été multiplié par 7 en un an en Polynésie. Les professionnels de santé parlent même de véritable épidémie :
« Le sida reste stable, pour le moment, en Polynésie française. L’année dernière, on a eu 8 nouveaux cas. En 2016, on n’a pas terminé l’année mais on est déjà à 10 nouveaux cas. Ce sont des petites variations parce-qu’il s’agit de petites cohortes. Sur la tendance au cours des 5/10 dernières années, ça semble être stable », indique Lam Nguyen, épidémiologiste, responsable du centre de consultation spécialisé en maladies infectieuses et tropicales (CCSMIT).
« Par contre, ce qu’il faut comprendre, c’est que le VIH se transmet par les rapports sexuels sans protection. Or, on a des preuves, à travers l’augmentation des autres infections sexuellement transmissibles, qu’il y a un relâchement dans la population. Donc automatiquement et pratiquement mathématiquement, si on ne fait rien, le coup suivant, ça va être le VIH. Pour l’instant on ne le voit pas tout de suite parce-que la transmissibilité, c’est à dire la probabilité de transmission du VIH d’une personne à une autre à travers les rapports sexuels, est beaucoup plus basse que celle des autres IST. Mais dans la mesure où les autres maladies augmentent, si on ne fait rien, le VIH va suivre », ajoute le médecin.
Les jeunes sont-ils les plus susceptibles d’être touchés? « Les populations les plus sexuellement actives sont les plus vulnérables mais tout le monde peut-être concerné. Dans la mesure où on a des rapports sexuels non protégés et qu’on change souvent de partenaire, on court un risque », rappelle le docteur Nguyen.
Toutefois, les prostituées sont en première ligne : la moitié des travailleurs du sexe ont contracté la syphilis selon le Lam Nguyen. « Ils ont besoin de leur métier pour vivre. Ce sont des gens qui ne font pas ce métier par plaisir mais par nécessité. Donc, ils continuent à travailler. D’autant plus que la plupart d’entre eux ne sait pas qu’elle est infectée, parce-qu’il y a peu de signes alarmants. C’est pour ça que notre rôle à nous, c’est de nous approcher de ces populations vulnérables, pour les traiter et les protéger, mais aussi pour éviter que ces maladies se propagent dans la population. Il faudrait aussi donner du pouvoir à ces populations vulnérables pour qu’elles puissent négocier et s’approprier leurs outils de travail. Un travailleur du sexe isolé n’a aucun poids et peut difficilement négocier. Si le client ne veut des rapports sans préservatifs, et que le travailleur refuse: le client va aller voir le voisin. Si tous les travailleurs du sexe s’unissent et disent: on utilise tous des préservatifs, et que personne ne déroge à la règle, ils pourront imposer l’usage du préservatif au client.
Les professionnels multiplient les messages de prévention pour enrayer le phénomène : La direction de la santé a mis en place des affiches, elle propose des saynètes dans les écoles, et fait même tourner un truck qui va distribuer des préservatifs. Au total, ce sont 600 000 préservatifs gratuits qui seront distribués dans toute la Polynésie, car les îles aussi sont loins d’être épargnées par la hausse des IST et MST. Même Rapa est concernée par la syphilis. « On est partis sur une analyse des prises de risques. Cette campagne vise plutôt les jeunes et les jeunes adultes, on a considéré que c’était une population à risque. On a mis en place une prévention combinée qui s’articule autour de trois axes. D’abord, une campagne de communication qui est basée sur l’usage banalisé du préservatif. On a également deux autres axes: l’accès au dépistage des IST pour savoir si on est infecté, parce-qu’elles ont la particularité, pour certaines, d’être asymptomatiques. Il n’y a que le dépistage qui permet de savoir si on est infecté. Et à ce moment là, il faut se diriger vers le soin », indique Yolande Mou, responsable du département des programmes de prévention à la direction de la santé.
Depuis plus de 10 ans, les jeunes bénéficient déjà de cours d’éducation sexuelle dans les écoles. Pourtant, les messages semblent avoir du mal à passer puisque le préservatif est toujours négligé. Les autorités s’efforcent donc de moderniser leurs messages. « A l’école, on leur parle de sexualité pendant les cours de biologie, mais on n’incite pas vraiment à l’usage. Notre campagne de communication a justement l’objectif de rendre le préservatif attrayant. On va distribuer des capotes qui ont des goûts, des couleurs différentes, que ce que l’on va trouver dans certaines structures de santé publiques qui sont, on va dire, plus neutres. On veut rendre le préservatif ludique » , explique Yolande Mou.
Rédaction web