Échouages de thoniers chinois : pour Winiki Sage, il faudrait « créer des corridors » pour ces navires

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Un thonier chinois s'est brièvement échoué mercredi sur le récif à Papeete avant d'être remorqué. Un nouvel incident qui alerte sur la pollution laissée par les navires échoués dans nos eaux. Pour le président de la Fédération des associations de protection de l'environnement (Fape), Winiki Sage, une solution serait de "créer des espèces de couloirs, de corridors" pour les thoniers. Il était l'invité de notre journal.

Publié le 20/02/2025 à 9:51 - Mise à jour le 20/02/2025 à 10:07

Un thonier chinois s'est brièvement échoué mercredi sur le récif à Papeete avant d'être remorqué. Un nouvel incident qui alerte sur la pollution laissée par les navires échoués dans nos eaux. Pour le président de la Fédération des associations de protection de l'environnement (Fape), Winiki Sage, une solution serait de "créer des espèces de couloirs, de corridors" pour les thoniers. Il était l'invité de notre journal.

Tahiti Nui Télévision : ce n’est pas la première fois qu’un navire chinois s’échoue dans nos eaux. Quelles ont été vos premières réactions à cette nouvelle ?
Winiki Sage, président de la Fédération des associations de protection de l’environnement :
« On est toujours un peu inquiets. Effectivement, on a déjà porté plainte contre des thoniers qui ont échoué, notamment à Arutua et dans d’autres endroits. Quand on voit l’état extérieur du navire, on a un peu peur. On a l’impression qu’ils ne sont pas très bien entretenus. Ce sont des navires qui, en principe, pêchent à l’extérieur de notre pays, mais qui viennent ici pour des raisons de sécurité, comme ça a été expliqué dans le reportage. Donc, on ne peut pas trop s’opposer à ça. Ce qui nous embête aussi, par contre, c’est qu’effectivement, c’est souvent des bateaux qui pratiquent des pêches qui ne sont pas du tout écologiques, notamment à la senne, avec des grands filets pour certains. Et les conditions de vie à l’intérieur non plus ne sont pas extraordinaires. Il y a eu des histoires dans le passé en rapport avec ça. »

TNTV : On l’a dit, aucune pollution n’a été constatée sur place. En revanche, on imagine bien que le récif a été endommagé par cet accident. Est-ce que pour ces faits-là, une procédure judiciaire pourrait être engagée ?
Winiki Sage :
« Là, on compte un peu sur la Diren pour voir ce qui s’est passé. Nous, on a apporté plainte, par exemple, pour un navire chinois qui avait dégazé grâce à des pilotes d’Air Tahiti, d’ailleurs, qui avaient pris des photos. Donc, on a gagné le procès dessus. Oui, on est attentifs quand même à ce qui se passe. Effectivement, ça crée de la pollution. Tous ceux qui sont échoués sur des récifs, ils peuvent polluer complètement une île, aux Tuamotu, par exemple. La solution, c’est notamment de créer des espèces de couloirs, de corridors et les obliger à passer dans ces corridors. De ce fait, on sait déjà où ils sont et qu’on ne leur permette pas d’aller n’importe où.
Ce sont des projets qui existent dans le pays. Je pense qu’il faut rapidement les mettre en œuvre. Ça permettrait de faire intervenir justement et de les suivre de manière beaucoup plus rigoureuse que dans le passé, où ils se promenaient un peu dans tout le pays. Quand il y avait un échouage, c’était difficile d’aller les secourir. »

TNTV : Alors, Winiki Sage, on reste dans l’eau, mais du côté de Punaauia, cette fois où la baignade à plusieurs reprises a été interdite ces derniers temps en raison d’une casse sur l’émissaire des eaux usées. Quelle est votre réaction et comment est-ce qu’on peut faire avancer ce dossier ?
Winiki Sage :
« Ça fait plusieurs fois déjà. Alors, on s’inquiète parce que ça fait quand même plusieurs fois en un an. C’est un lagon qui est très, très, très fréquenté. Moi, j’y vais de temps en temps pour pratiquer un peu de natation. Je ne suis pas le seul. Il y a des surfeurs, il y a des baigneurs, il y a énormément de personnes.
Je pense qu’il faut que la mairie prenne absolument des mesures pour que ça ne se reproduise plus parce que ça se reproduit de plus en plus. Il faut peut-être imaginer d’autres techniques ou peut-être d’autres émissaires de secours à côté. Et ça devient inquiétant. »

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TNTV : Alors, pollution en mer, mais également sur terre. La conformité des installations de la société Agritech, récemment partie en fumée et qui entreposait des produits dangereux, a également été remise en cause. Là aussi, est-ce qu’il ne faudrait pas plus de contrôle ?
Winiki Sage :
« Il faut certainement plus de contrôle. Ensuite, il y a eu le feu. Les pompiers sont intervenus. S’ils n’étaient pas là, ça aurait peut-être été plus grave. Peut-être que des maisons auraient brûlé à côté, peut-être avec des personnes. (…) On ne va quand même pas attaquer les pompiers qui font leur travail. Et ensuite, il y a l’eau qui s’est écoulée dans la rivière qui est à côté. (…)
La société en elle-même, oui, il faut absolument mettre en œuvre du contrôle et faire en sorte que si ça se reproduit, qu’au moins tous ces produits restent dans des cuves. C’est ce qu’on fait notamment pour tous les stockages de mazout. S’il y a un problème, il y a des cuves autour des citernes qui permettent de retenir
. C’est aussi ce qui se passe dans les bateaux. On peut peut-être effectivement imaginer ce genre de dispositif. »

TNTV : L’environnement est également pollué par le plastique. Une loi a justement été votée l’an dernier pour réduire son usage dans les bars et restaurants notamment. Elle s’étale sur plusieurs années, cette loi. Quel est son processus finalement et que vont devoir subir un petit peu les bars et restaurants ?
Winiki Sage :
« C’est une loi qui est très bien. Ça fait des années que l’on demande à interdire l’usage de sacs plastiques. La loi est passée. Dans la loi, il y avait par exemple les carafes d’eau. On le voit aujourd’hui dans les restaurants, c’est servi. »

TNTV : Cette loi est bien appliquée ?
Winiki Sage : « Chez certains restaurateurs, on peut avoir des carafes d’eau. Ça réduit la consommation des bouteilles plastiques. Mais l’utilisation de plastique à usage unique, on le voit encore tous les jours, que ce soit au marché ou pas. Il y a une loi qui est bien, mais derrière il faut certainement du contrôle et des moyens pour aller réguler tout ça. (…) Il faut recycler, mais surtout du contrôle. Il faut absolument que ça arrête. On estime qu’il y a 100 à 200 millions de tonnes de plastique dans l’océan aujourd’hui. Si on ne fait pas le ménage sur terre, c’est sûr que l’océan va continuer à être pollué.« 

TNTV : Réduire l’usage du plastique pour sauver les océans, il en sera très certainement question à la 3e conférence des Nations Unies qui aura lieu à Nice en juin. Quelle sera la place concrètement de la Polynésie dans ces débats ?
Winiki Sage :
« Effectivement, c’est l’année des océans proposée par l’ONU. Il y a cette grande conférence qui va se dérouler à Nice. Toute la planète y sera présente.
Nous, on organise fin mars une conférence qui va s’appeler Te reo o te moana. De nombreuses associations du Pacifique seront là. Je pense qu’on est tout à fait légitimes, déjà dans notre pays, avec notre ZEE. Si on rajoute toutes les ZEE de tous les pays du Pacifique Sud, on est légitimes pour aller porter un message de préservation. »

TNTV : Quel message vous portez ? Quelle est l’urgence ?
Winiki Sage
: « L’urgence, c’est d’abord les plastiques qui polluent énormément et dont on subit les conséquences. Demain, il y aura plus de plastiques que de poissons, c’est terrible. On va manger du poisson avec du plastique dedans, ça arrive jusqu’ici dans notre pays. Deuxièmement, je pense qu’il faut absolument lutter contre la surpêche. Aujourd’hui, on a la chance que dans notre ZEE, on pratique une pêche écologique, longline. À l’extérieur de la ZEE, les bateaux de tous les pays, espagnols, américains, pratiquent une pêche qu’on appelle à la senne dans laquelle il y a des grands filets qui ramassent de tout, des dauphins, des tortues, etc. Ça fait vraiment partie des chantiers que l’on veut mettre en œuvre et sur lesquels on lutte. »

TNTV : À quoi sert concrètement cette conférence ? On en est à la troisième. Est-ce que depuis, des solutions concrètes ont été trouvées ?
Winiki Sage :
« Il y a beaucoup de lobbying. Il y a aussi de l’économie derrière. Ces conférences sont justement le moment où nous, on peut venir avec les ONG proposer des choses. On essaie de faire du lobbying très intense et très fort pour obliger l’ONU à prendre des décisions internationales. C’est le cas, par exemple, chez les espèces protégées. Il y a des lois internationales. Si on ne manifeste pas lors de ces conférences, si on n’est pas présent, ça continuera. Donc, il faut qu’on y soit. »

TNTV : S’il reste encore beaucoup à faire pour changer les comportements, la Polynésie peut tout de même se targuer d’être un exemple en matière d’environnement. Vous avez d’ailleurs mis en place, début février, un système de dons pour donner un coup de pouce aux associations de protection de l’environnement, le Fonds Natura Porinetia. Comment est-ce qu’il fonctionne et qu’est-ce que vous avez déjà pu récolter jusqu’à présent ?
Winiki Sage :
« L’objectif du Fonds, c’est justement d’aider toutes ces associations. Il faut se rendre compte qu’aujourd’hui, énormément de choses sont faites par les associations. Dans l’écologie, dans la préservation de l’environnement, mais aussi dans d’autres domaines. Dans le social, dans le sport, etc. Il y a énormément de bénévoles. Si vous regardez bien, tout repose sur des bénévoles. Et ces associations ont besoin d’aide.
Donc, on a constitué ce Fonds-là avec le soutien de certaines entreprises, notamment la Socredo, la TSP et d’autres entreprises qui nous aident. Et ces fonds-là vont être destinés à aller aider ces associations. Et le plus qu’on a aujourd’hui, c’est qu’on a signé une convention avec Tahiti Tourisme parce qu’on pense effectivement que ces associations peuvent développer des produits qui intéresseraient les touristes.
Aujourd’hui, les touristes qui viennent de loin ne font pas vraiment de compensation carbone, mais ils sont très intéressés à participer à des actions concrètes. Et c’est ce qu’on va essayer de réaliser. (…) J’encouragerai les personnes à pouvoir aider directement ces associations-là sur les sites qu’on va mettre en œuvre. »

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