Certaines sont visibles du bord, d’autres jonchent les profondeurs. Toute ces épaves ont un point commun : elles sont abandonnées et polluent le lagon. Leurs propriétaires encourent 2 ans de prison et une amende de 9 millions de Fcfp. Mais face au coût exorbitant du démantèlement, 3 millions de Fcfp au minimum, ils prennent le risque. Le Pays tente alors de les retrouver comme l’explique Heiarii Holozet, responsable du service immatriculation des navires à la direction des Affaires maritimes. « Notre ministre de tutelle met le propriétaire en demeure dans un premier temps de nous présenter son plan d’action, dans un deuxième temps de procéder à la dépollution du navire, et dans un troisième temps de procéder au retrait, à la sécurisation du navire. »
À défaut de réponse, la DEPAM agit sur décision de justice à la place du propriétaire, puis se retourne contre lui pour obtenir réparation. La dernière opération en date; le démantèlement d’un voilier à Taiarapu-Ouest, aura coûté 6 millions de Fcfp au Pays.
En 2019, 17 épaves ont été recensées par le port autonome. Délégataire d’une partie importante des eaux autour de Tahiti, c’est le Port qui agit en cas de danger imminent. « Quand il y a un coup de vent par exemple, ces épaves se larguent de leur corps-mort et arrivent dans la voie de circulation, dans le chenal. C’est un danger pour tout le monde donc le port se doit d’intervenir », déclare Alphonse Kautai, capitaine du Port autonome de Papeete.
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Les 7 épaves rapatriées par le Port il y a 2 ans sont toujours à quai. Il y a deux semaines, l’une d’elles a coulé. Si le Port fait le choix d’attendre que les propriétaires se montrent, des outils juridiques existent selon Arnaud Jordan, président de l’association des voiliers de Polynésie : « Pour le délégataire de la zone, il est possible de faire une déchéance de propriété pour devenir propriétaire de l’épave et ainsi la démanteler à son propre coût. »
Agir en amont en taxant les bateaux entrant en Polynésie semble être une solution. Mais le Pays préfère compter sur l’assurance pour financer une filière de démantèlement. Le ministre des Transports interinsulaires, Jean-Christophe Bouissou propose « qu’on amène une modification dans notre règlementation pour obliger les propriétaires des voiliers qui rentrent à l’intérieur dans nos eaux, de prouver qu’ils ont une assurance qui permettrait à un moment donné la prise en charge au moins des frais pour sortir ces navires, les traiter, et les réexpédier. »
Dans 90% des cas, les coques sont faites en polyester, un matériau non-recyclable et sont donc le plus souvent broyées et enfouies sous terre. D’autres épaves, elles, reprennent la mer, direction la Nouvelle Zélande. En attendant une vraie filière, des sociétés de travaux maritimes répondent aux appels d’offres lancés au cas par cas.
En métropole, la déconstruction est financée intégralement par les vendeurs de bateaux neufs. Ce modèle unique en Europe porte ses fruits mais semble peu adapté au fenua, ou le marché de l’occasion domine.