Hausse des morts inattendues du nourrisson au fenua, les pédiatres alertent

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Depuis trois ans, les pédiatres du CHPF constatent une augmentation du nombre de morts inattendues de nourrissons. La cause principale : le couchage inadapté des bébés. Médecins et soignants veulent sensibiliser les parents pour éviter le pire. Un projet de couffin en pae'ore est également à l'étude.

Publié le 03/05/2024 à 15:16 - Mise à jour le 04/05/2024 à 9:54

Depuis trois ans, les pédiatres du CHPF constatent une augmentation du nombre de morts inattendues de nourrissons. La cause principale : le couchage inadapté des bébés. Médecins et soignants veulent sensibiliser les parents pour éviter le pire. Un projet de couffin en pae'ore est également à l'étude.

En 2023, le Centre hospitalier de Polynésie française (CHPF) a recensé 6 cas de morts inattendues du nourrisson (MIN) pour un peu plus de 3 000 naissances sur Tahiti et Moorea. Un chiffre important, qui ne cesse d’augmenter depuis trois ans au fenua. Ces décès surviennent en majorité durant les six premiers mois de vie du bébé. « Il faut agir avant que ce soit plus important » alerte Charline Leick, pédiatre au CHPF.

La mort inattendue du nourrisson est définie par Santé Publique France comme « le décès subit d’un enfant âgé de 1 mois à 1 an jusqu’alors bien portant, alors que rien dans ses antécédents connus ni dans l’histoire des faits ne pouvait le laisser prévoir. (…) La mort inattendue du nourrisson reste la première circonstance de décès des bébés avant l’âge d’un an ». Des décès qui ont lieu le plus souvent lorsque le bébé dort. « Parmi les principales causes des morts inattendues : le couchage -avec des enfants qui vont s’étouffer en dormant ; les virus ou les bactéries ; et le tabagisme. Et quand on ne retrouve pas de causes malgré toutes les recherches faites, on parle de mort subite du nourrisson » précise Charline Leick, pédiatre au CHPF.

Le couchage reste aujourd’hui la première cause des morts inattendues du nourrisson, ainsi que le tabagisme : « Les Néo-zélandais ont montré que pendant la grossesse, il y avait une fixation de la nicotine et des particules de tabac sur les centres récepteurs du cerveau qui sont censés se réveiller quand on fait une apnée du sommeil et nous disent qu’il faut respirer et ils réentrainent donc des mouvements respiratoires. Quand on fume pendant la grossesse, ces particules de nicotine vont se mettre dans le cerveau de bébé et vont diminuer le seuil d’apnée, ce qui fait que les enfants peuvent faire des apnées plus profondes et des arrêts respiratoires. Il y a également ce risque après la grossesse quand on fume près de bébé ».

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Pas de centre de mort inattendue du nourrisson en Polynésie

En France, chaque bébé décédant d’une MIN est transféré dans un Centre de mort inattendue où les investigations diagnostiques post-mortem sont menées et où il y a un accompagnement des parents. Par ailleurs, l’Observatoire national des Morts Inattendues du Nourrisson étudie et évalue les MIN en France.

Au fenua, aucun centre de ce type n’existe. Lorsqu’un bébé décède, une enquête est ouverte afin d’effectuer une autopsie ou non. « Nous n’avons donc pas toutes les données sur tous les décès des bébés, surtout dans les îles » déplore la pédiatre.

Une affiche que l’on retrouve dans les cabinets des pédiatres au CHPF. (Crédit photo : Tahiti Nui Télévision)

Pour coucher un bébé en toute sécurité, les pédiatres le rappellent, pendant la première année de vie : on couche le nouveau-né sur le dos, sur un matelas ferme et pas trop mou, avec rien autour de lui, ni oreillers ni tour/tresse de lit ni de couvertures, ni peluches ou doudous… qui peuvent empêcher l’air de bien circuler : « Un bébé n’a pas la possibilité, comme un adulte, d’enlever ce qu’il va avoir sur son visage durant la nuit, de pousser l’adulte qui va l’empêcher de respirer convenablement ». Dès que bébé saura se retourner tout seul dans les deux sens, on peut le laisser sur le ventre.

De mauvaises habitudes de couchage

« Dans les années 80, on couchait les enfants sur le ventre. Le fait de juste changer cette position et de les remettre sur le dos avait fait baisser de 75% le nombre de morts inattendues du nourrisson liées au couchage » rappelle Charline Leick.

Nul besoin de couvrir bébé d’une couverture, on peut l’emmailloter dedans ou encore superposer les pyjamas ou lui mettre une gigoteuse. (Crédit photo : Tahiti Nui Télévision)

« La plupart des mamans ont tendance à trop couvrir leur bébé avec des couvertures, même jusqu’au visage. On leur dit une fois, mais elles ne corrigent pas de suite. Il faut leur rappeler plusieurs fois. Je pense que c’est un peu dans la culture des Polynésiens. Et quand il y a les grands-parents à côté, c’est encore plus dur de les convaincre ! Il n’y a pas autant besoin de couvrir bébé, une gigoteuse suffit » indique Florence Tevaearai, aide-soignante au CHPF. En effet, si on craint que son bébé ait froid, on peut lui mettre deux pyjamas ou encore une gigoteuse.

L’exemple de la Nouvelle-Zélande

Attention aussi au fait de placer bébé entre ses parents, dans le même lit. Cela est dangereux : « Quand on pose la question aux familles en maternité, de comment va dormir bébé, il est souvent en co-sleeping, c’est-à-dire dans le lit avec les deux parents. On aimerait trouver des solutions pour que ce soit un couchage en sécurité, même si c’est plus simple parfois pour l’allaitement, pour la maison de ne pas rajouter un berceau dans la chambre. Mais il ne faut pas de coussin, pas de couverture, pas entre papa et maman parce que les papas dorment généralement plus profondément que les mamans la nuit et sont plus à risque d’écraser bébé… Il faudrait un espace dans le lit pour que bébé soit bien installé » explique encore la pédiatre.

Pour palier ce problème de couchage, le CHPF travaille avec l’Ordre de Malte pour tresser des couffins en pa’ore pour les bébés qui pourraient juste se mettre dans le lit, entre les deux parents. Des couffins qui seraient offerts aux familles nécessiteuses, « on travaille aussi avec des prisonniers de Papeari pour faire des petits matelas qui iront dans les couffins ». Des ateliers de tressage au CHPF devraient par la suite être proposés aux mamans durant leur grossesse.

Une idée empruntée au pays du long nuage blanc et qui a fait ses preuves : « En Nouvelle-Zélande, ils étaient aux alentours des 0,80 décès de morts inattendues du nourrisson pour 1 000 naissances dans la population générale, avec une différence dans la population maori où il y avait plus de décès. Ils ont essayé de faire modifier les techniques de couchage. Il y avait beaucoup de co-sleeping et de tabagisme dans la population maori. L’objectif sur 10 ans était de passer à 0,12 décès pour 1 000 naissances. Ils sont en passe d’atteindre leur objectif. Ils ont fait fabriquer des petits couffins, qu’ils tressent pendant la grossesse. Et ils mettent ce couffin dans le lit des parents, donc l’enfant a son environnement à lui, il est protégé dans son couffin ». Un couffin utilisé pendant les six premiers mois du nouveau-né, avant ensuite d’être passé de famille en famille.

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