Kealani, le portrait d’une battante

Publié le

À l'aube de ses 24 ans, Kealani Sabonnadière s'est vu diagnostiquer un cancer de la langue. À l'origine : un petit aphte. Un problème bénin au départ, qui s'est très vite aggravé au point de chambouler sa vie. TNTV a souhaité mettre en lumière le portrait de cette jeune femme pleine de courage et qui revient sur son parcours face à sa maladie.

Publié le 08/03/2021 à 17:00 - Mise à jour le 09/03/2021 à 9:14

À l'aube de ses 24 ans, Kealani Sabonnadière s'est vu diagnostiquer un cancer de la langue. À l'origine : un petit aphte. Un problème bénin au départ, qui s'est très vite aggravé au point de chambouler sa vie. TNTV a souhaité mettre en lumière le portrait de cette jeune femme pleine de courage et qui revient sur son parcours face à sa maladie.

Aînée d’une fratrie de 3 enfants, Kealani Sabonnadière a eu un parcours universitaire et professionnel somme toute normal et exemplaire. Elle obtient son baccalauréat au Collège-Lycée la Mennais en 2015, se lance dans un BTS comptabilité gestion à la CCISM puis décroche sa licence économie gestion à l’Université de Polynésie française. Elle continue en master management et commerce international mais finit par lâcher cette voie au bout de quelques jours par manque d’intérêt. Elle se lance alors sur le marché de l’emploi. « J’ai trouvé un poste au sein de la banque Socredo, au service engagements et opérations, où je suis restée un an. Et puis il y a eu cette pandémie, la covid-19, qui a malheureusement fait perdre des emplois à beaucoup de personnes, dont moi ».

Après avoir continué ses recherches professionnelles en vain, Kealani aide son compagnon qui est pêcheur professionnel et qui partage sa vie depuis plus de 8 ans. « J’accompagnais mon chéri à la pêche. On allait à la pêche aux gros, on ramenait des thons, des haura, des mahi mahi et puis on vendait nos prises ». Créative, elle se confie sur ses hobbies : « ma passion depuis toute petite, c’est le dessin, la peinture. D’ailleurs, j’ai peint quelques tableaux il y a quelques mois qui ont été pour moi un moyen de m’évader de la réalité… Sinon, j’aime créer des bijoux, j’aime cuisiner et surtout passer de bons moments avec ceux que j’aime ».

« J’ai peint quelques tableaux […] qui ont été pour moi un moyen de m’évader de la réalité » (crédit photo : Kealani Sabonnadière)

Le jour où tout bascule

Tout commence début septembre 2020 avec l’apparition d’un aphte sur le côté gauche de sa langue. « Je me suis dit que ce n’était rien qu’un aphte, […] mais non ! Une petite boule a commencé à apparaître. Ca me faisait énormément mal. J’ai consulté un premier généraliste qui m’a dit que ce n’était rien de grave […]. Une semaine après, c’était toujours pareil et cette fois-ci j’avais une douleur à l’oreille gauche ». Un autre généraliste lui diagnostique une otite et lui prescrit des médicaments. Après quelques jours, un gros ganglion se forme au niveau du cou de la jeune femme. « J’ai tapé sur Internet « boule à la langue » et je suis tombée sur « les symptômes du cancer de la langue ». J’ai eu très peur parce que ça correspondait exactement à ce que j’avais ».

– PUBLICITE –

Sur les conseils de sa grand-mère, Kealani consulte un ORL. Après avoir fait un scanner et une IRM, elle retourne le voir accompagnée de son père. « C’est là qu’il nous a annoncé : « c’est probablement un cancer de la langue ». Ce sont les mots exacts qu’il a prononcé, je m’en souviendrai toute ma vie. Je me suis effondrée, mon papa aussi ». Un autre ORL lui fait passer une biopsie de la langue qui confirme alors la présence d’une tumeur maligne. « Il nous a ensuite parlé de chirurgie et de reconstruction de la langue. Il disait que pour de meilleurs résultats, il fallait être évasané en France. Il y a eu tellement d’informations à assimiler d’un coup que j’ai fait un malaise. C’est assez douloureux quand j’y repense… »

Pour Kealani et sa famille, c’est le choc. « Dès que je suis arrivée chez moi, je me suis effondrée au sol et j’ai crié. Je me suis dit « pourquoi moi ? » […]. Je ne buvais qu’à certaines occasions voire jamais et surtout, je n’avais jamais fumé de toute ma vie. […] La pire question que je me suis posée, c’était « est-ce que je serai encore là demain ? ». C’était vraiment horrible… »

Elle doit être évasanée en France, à l’institut Gustave Roussy. « Ça a été un déchirement de laisser ma famille, mais j’ai eu la chance d’avoir mon papa et mon chéri à mes côtés ».

Kealani entourée de ses parents, ses deux frères et son tane (crédit photo : Kealani Sabonnadière)

Le cancer de la langue, une maladie peu courante

Le cancer de la langue fait parti des cancers buccaux. Il touche généralement les fumeurs et/ou les consommateurs d’alcool. Pour la jeune femme pleine de vie qu’était Kealani, l’origine de sa maladie reste inconnue à ce jour malgré des analyses génétiques. « En ce qui me concerne, on ne sait pas à quoi est dû ce cancer, […] ce qui a interpellé l’équipe médicale de l’hôpital dans lequel j’étais suivie. Ils se demandaient comment une jeune femme comme moi en bonne santé et ayant une bonne hygiène de vie pouvait avoir ce type de cancer […]. On reste encore dans l’interrogation ».

En fonction de l’évolution de la tumeur, plusieurs traitements existent : la chirurgie, qui consiste en l’ablation d’une partie ou de la totalité de la langue et/ou la chimiothérapie et la radiothérapie. Pour Kealani, la tumeur étant assez infiltrante, le comité des médecins décide de lui faire faire simultanément 3 chimiothérapies et 33 séances de radiothérapie. « J’avais les séances de radiothérapie tous les jours du lundi au vendredi parfois même le samedi et il arrivait qu’il y ait 2 séances par jour ».

Après un mois et demi de traitement, la jeune battante récupère doucement de ses chimiothérapies et radiothérapies qui lui ont fait perdre 10 kilos. Pour reprendre du poids progressivement, elle est branchée toute la journée à une machine et le soir, elle est alimentée par des compléments alimentaires et des poches nutritives grâce à une gastrotomie.

Le jeune couple rencontré par Kealani, Hereata (à droite) et Tehau (à gauche), qui est également atteint d’un cancer de la langue (crédit photo : Kealani Sabonnadière).

Plus forte que la maladie

Si au début elle a pu considérer sa maladie comme un poison, Kealani a fini peu à peu par l’accepter. Et même si parfois, elle avoue avoir des moments de faiblesse, elle continue de lutter contre le cancer. « Oui j’ai eu peur parfois, parce qu’à 23-24 ans vivre tout cela alors que j’étais en excellente santé avant, c’est assez angoissant. En tant que jeune femme, ce n’est pas facile tous les jours. Il y a des hauts et des bas mais je me relève toujours pour continuer de me battre et revenir guérie sur notre magnifique île et auprès des miens ».

Malgré tout, le cancer lui aura aussi apporté du positif ! Kealani se découvre une force et une volonté de fer qu’elle ne pensait pas avoir. Si son évasan en Métropole l’a éloigné physiquement de sa famille, il lui a également permis de tisser de nouveaux liens. « J’ai retrouvé une ancienne amie de collège […] qui est atteinte d’une leucémie. J’ai fait aussi de belles rencontres, comme celle d’un jeune garçon du même âge que moi, atteint du même type de cancer que le mien, et de sa chérie ».

Kealani (à droite) et Alexandra (à gauche), une amie du collège atteinte d’une leucémie.

À son retour au fenua, Kealani confie qu’elle souhaiterait passer encore plus de temps auprès des personnes qui lui sont chères. Elle voudrait aussi fonder une famille avec son tane. Consciente que le cancer lui a ouvert les yeux sur l’importance de la famille, elle tient à véhiculer un message d’amour et de courage. « Aux femmes, aux jeunes, aux malades, profitez de chaque instant avec ceux qui vous sont chers. Faites ce que vous aimez car la vie est courte et ne doutez jamais du guerrier ou de la guerrière qui est en vous ».

Dernières news

Activer le son Couper le son