« La Polynésie fait face à un vieillissement démographique particulièrement rapide »

Publié le

36 000 personnes sont âgées de plus de 60 ans en Polynésie, soit 15% de la population. Des Assises de la vieillesse en Polynésie se sont tenues durant deux jours et ont réuni les professionnels du secteur pour établir une feuille de route et mettre en place des actions concrètes d'ici à 2028. La sociologue Lauriane Dos Santos, qui travaille sur le sujet, constate que le vieillissement de la population est « particulièrement rapide » au fenua. Une donnée qui doit conduire les autorités à repenser « l'action publique face à ce défi important », selon elle. Interview.

Publié le 26/03/2025 à 9:28 - Mise à jour le 26/03/2025 à 9:28

36 000 personnes sont âgées de plus de 60 ans en Polynésie, soit 15% de la population. Des Assises de la vieillesse en Polynésie se sont tenues durant deux jours et ont réuni les professionnels du secteur pour établir une feuille de route et mettre en place des actions concrètes d'ici à 2028. La sociologue Lauriane Dos Santos, qui travaille sur le sujet, constate que le vieillissement de la population est « particulièrement rapide » au fenua. Une donnée qui doit conduire les autorités à repenser « l'action publique face à ce défi important », selon elle. Interview.

TNTV : Vous êtes sociologue à la Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique. Vous avez mené une enquête pour le compte du Pays sur les enjeux sociaux et sanitaires du vieillissement. Comment avez-vous réalisé cette enquête ?

Lauriane Dos Santos : « C’est une enquête qui s’intitule ‘Vieillir en Polynésie française’. On s’est dit que le meilleur moyen pour comprendre ce que c’était que de vieillir en Polynésie française, c’était certainement d’aller parler directement aux personnes concernées. Ce sont donc les personnes âgées de 60 ans et plus. On a des centaines et des centaines d’heures d’enregistrement, d’entretiens qu’on a faits avec ces personnes-là. Des personnes de 60 ans, 70 ans, 80 ans. Pour la petite anecdote, la personne la plus âgée qu’on a interviewée avait plus de 100 ans. On a également des témoignages de proches aidants, de travailleurs sociaux, de médecins, c’est assez varié ».

TNTV : Vous vous êtes beaucoup penchée sur l’organisation des soins des matahiapo qui s’organisent essentiellement en famille chez nous au Fenua. Est-ce que c’est le cas encore en 2025 ?

– PUBLICITE –

Lauriane Dos Santos : « Ce qui ressort de l’enquête, c’est qu’on est quand même dans un modèle d’organisation très familialiste, donc très tourné autour de l’accompagnement par la famille et surtout à domicile. On voit qu’il y a encore cette solidarité familiale qui effectivement existe. Par contre, ce qui ressort aussi, c’est l’indisponibilité des plus jeunes générations pour accompagner au quotidien. Donc, on a beaucoup de témoignages de personnes qui sont un peu tiraillées entre le fait de vouloir être proche de leurs parents ou grands-parents, et en même temps de vouloir avoir un emploi à côté ou de construire leur propre petite famille. Donc il y a ces tensions un peu qui se font sur la génération pivot, donc les personnes qui ont 40, 50 ans aujourd’hui, et sur les plus jeunes générations ».

TNTV : Au sujet des aidants familiaux, quels sont vos constats ?

Lauriane Dos Santos : « Ce qui ressort sur les aidants familiaux, c’est que d’abord il y a un certain type de profil. Ce n’est pas tout le monde qui est désigné ou choisi pour aider un parent âgé au sein des familles. Ce sont souvent des femmes, souvent aussi des raerae, donc il y a le facteur genre, on va dire. Ce sont aussi souvent les personnes qui sont les plus éloignées de l’emploi salarié ou qui ont les plus faibles revenus. Donc au sein de la famille, on se dit : ‘c’est plus logique que ce soit cette personne-là qui reste à la maison avec le parent âgé en perte d’autonomie’. Il y a donc des profils spécifiques. Deuxième résultat important, c’est que certains aidants sont encore bien entourés de leur famille. Ils peuvent quand même compter sur les frères et sœurs, sur d’autres membres de leur famille pour alléger ce poids de la prise en charge qui, parfois, peut être lourd au quotidien. Par contre, on a aussi un autre profil d’aidant qui est beaucoup plus seul face à cet accompagnement. Et c’est ce type d’aidant qui doit faire l’objet, je pense, d’un meilleur accompagnement ». 

TNTV : Les résultats de votre enquête ont donc permis de dresser un état des lieux du vieillissement en Polynésie lors de ces deux jours d’Assises. On imagine bien sûr que ce type d’événement est crucial pour les années à venir en Polynésie…

Lauriane Dos Santos : « Effectivement, c’est une thématique d’actualité. Mais plus on va avancer dans le temps et plus ce sera une thématique d’actualité. En fait, ce qui est revenu également des collègues de l’ISPF lors de leur conférence inaugurale au colloque qui s’est tenue à l’UPF lundi dernier, c’est que la Polynésie française fait face à un vieillissement démographique particulièrement rapide, beaucoup plus rapide que celui qui a été vécu au cours du siècle dernier en Europe et beaucoup plus rapide que ce que l’on observe aussi en Nouvelle-Calédonie. Donc, effectivement, le vieillissement de la population, c’est un grand défi d’avenir qui remet en question d’ailleurs les dépenses de santé, l’organisation de la protection sociale et qui touche un peu à tous les domaines de l’action publique ». 

TNTV : L’urgence est où aujourd’hui selon vous ? 

Lauriane Dos Santos : « L’urgence, elle est à mon avis dans l’organisation d’un débat autour de comment organiser les solidarités à l’échelle du territoire. Est-ce qu’on continue à compter uniquement sur la solidarité familiale informelle ou est-ce qu’on essaye d’aider cette solidarité familiale ? Est-ce qu’on met en place des prestations telles que celles qui existent dans d’autres pays, par exemple ? Donc, la question, c’est comment organiser l’action publique face à ce défi important ».

Dernières news

Activer le son Couper le son