Comment améliorer la prise en charge des mineurs victimes de violences au fenua et de leurs auteurs ? C’est la question centrale que vont se poser les nombreux acteurs présents aux 4e assises de l’aide aux victimes et de la prévention de la délinquance, qui se sont ouvertes ce lundi à l’Hôtel Hilton de Faa’a, pour une semaine. Le panel d’invités est large, entre travailleurs sociaux, professionnels du droit, de la santé et représentants des forces de l’ordre.
Des experts métropolitains sont également sollicités pour présenter les dispositifs nationaux qui pourraient ouvrir une antenne en Polynésie française, comme l’office des mineurs ou les CRIAVS (Centre de Ressource pour les Intervenants Auprès des Violences Sexuelle). « Ils prennent en charge les auteurs sur le plan de la psychiatrie, précise la responsable du pôle missions socio-judiciaires de l’Association Polyvalente d’Actions Judiciaires (APAJ) Tumata Helme. L’office mineur, c’est simplement une cellule de la police nationale dédiée à la prise en charge des mineurs » .
Depuis 2020, les faits de violences sexuelles ont bondi au fenua : 339 ont été signalés par l’APAJ en 2021, et 429 en 2022. Un chiffre qui a quasiment doublé par rapport à 2012. Plus de la moitié des victimes sont des mineurs. « On s’est rendus compte que le phénomène était complètement exponentiel. Sur tous les ressorts, que ce soit en Polynésie, bien sûr, mais même en métropole, observe Aude Cristau, présidente de cour d’assises et formatrice pour l’école nationale de la magistrature. Les phénomènes ont été amplifiés, particulièrement depuis le Covid. La famille a été très maltraitée et les enfants ont été les premières victimes » , indique-t-elle.
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Deux lois de 2021 et 2024 ont intégré ces développements pour renforcer la protection des plus jeunes. La première a permis de sortir les critères classiques de violences, contraintes, menaces et surprises qui constituaient la qualification de viol. « Maintenant, à partir du moment où un mineur de moins de 15 ans est victime d’abus sexuels, il est présumé ne pas être consentant aux actes qui ont été commis. De 15 à 18 ans, cela s’applique de façon surabondante dans les affaires dites d’inceste et de viol intrafamilial. C’est une protection supplémentaire pour les victimes, puisque les victimes n’ont pas à démontrer qu’elles n’étaient pas consentantes » , poursuit Aude Cristau.
La seconde loi, votée en août 2024, dispose que le retrait de l’autorité parentale est de droit. « Cela veut dire que c’est automatique pour le parent qui commet un crime sur l’autre parent. Concrètement, un parent qui aurait commis un féminicide ou une tentative de féminicide sur son conjoint, se voit retirer l’autorité parentale, alors même qu’il n’aurait pas touché un enfant » , détaille la magistrate. Lorsque le mineur est victime, l’autorité parentale lui est retirée de façon automatique.
En complément de la loi, des dispositifs sont mis en place par le pays et les partenaires sociaux, comme la mise en place d’un numéro de signalements, le 119. Des moyens louables, mais qui ne suffisent pas selon les professionnels du secteur. La responsable de la cellule de signalements à la Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité Mireille Koan point le manque de places dans les institutions ou familles d’accueil des mineurs victimes.
« On est aussi saisis par le procureur de la République, dans le cadre d’une ordonnance de placement provisoire, lorsque le mineur est en danger, pour procéder à son placement. Il confie le mineur à la DSFE, et celle-ci le confie soit à une institution, soit à une famille d’accueil, soit à un tiers. Mais on n’a pas suffisament de dispositifs ni de places, que ce soit des tiers ou des familles d’accueil agréées » , constate-t-elle.
Les partenaires publics et privés réfléchissent à d’autres dispositifs, notamment à un samu social équivalent d’un guichet unique pour les victimes de violences.