Laetitia, des bancs du lycée Gauguin à la pointe de la tech en Californie

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Jamais elle n’aurait pensé embrasser une telle trajectoire. Laetitia Monnier, une jeune polynésienne, est docteure en informatique et en intelligence artificielle. Elle travaille aujourd’hui pour une importante société de la tech à Los Angeles, aux États-Unis. Une entreprise qui fournit notamment des puces électroniques ultrasophistiquées à l’armée américaine ou encore à la Nasa. Un parcours d’excellence pour cette jeune femme devenue une référence dans son domaine au point d’être « chassée » par de nombreux recruteurs. Portrait.

Publié le 16/03/2025 à 10:28 - Mise à jour le 16/03/2025 à 10:28

Jamais elle n’aurait pensé embrasser une telle trajectoire. Laetitia Monnier, une jeune polynésienne, est docteure en informatique et en intelligence artificielle. Elle travaille aujourd’hui pour une importante société de la tech à Los Angeles, aux États-Unis. Une entreprise qui fournit notamment des puces électroniques ultrasophistiquées à l’armée américaine ou encore à la Nasa. Un parcours d’excellence pour cette jeune femme devenue une référence dans son domaine au point d’être « chassée » par de nombreux recruteurs. Portrait.

Laetitia Monnier, originaire de Punaauia, a foulé les bancs de l’école To’ata, puis ceux du collège Louise Carlson, avant de passer son baccalauréat scientifique au Lycée Gauguin, obtenu avec la mention très bien, avec « presque 20 de moyenne ». « J’aimais beaucoup les maths quand j’étais au lycée. On n’était pas nombreux dans cette spécialité », sourit la jeune femme de 29 ans, fruit des amours d’un journaliste de feu La Dépêche de Tahiti et d’une infirmière.

Après son Bac, Laetitia s’oriente vers des études de médecine à l’Université de Polynésie, mais au bout de 6 mois, elle se rend compte que cette voie ne lui convient pas. Elle revient donc à ses premières amours : les mathématiques. Elle obtient dans la foulée une Licence « maths info » qu’elle termine à Toulouse, dans l’Hexagone.

« Je ne connaissais pas trop l’informatique, parce qu’on n’en faisait pas vraiment à cette époque au lycée. J’ai découvert ça à Toulouse et j’ai adoré », dit-elle.

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Une fois sa Licence en poche, elle enchaine avec un Master en « base de données et intelligence artificielle » à Dijon, peu d’universités proposant à cette période ce type de cursus.

« La majorité des personnes qui allaient en informatique n’aimaient pas trop tout ce qui est calcul. Ils trouvaient qu’il y avait un peu trop maths. La branche ‘base de données’ est vraiment tournée vers les mathématiques, les calculs matriciels.  C’est ce que j’aimais », explique-t-elle.

Titulaire d’un Bac +5, la jeune femme n’entend pourtant pas en rester là : « Ce qui m’intéressait vraiment, c’était d’être dans la continuité sur les mathématiques. Dans l’informatique, pour tout ce qui est intelligence artificielle, base de données, ou ‘machine learning’, on utilise généralement des fonctions qui sont déjà prédéveloppées. Ce que je voulais, c’était développer des modèles qui puissent être appliqués à des cas beaucoup plus complexes. Pour faire ça, il fallait forcément que je me dirige vers la recherche ». 

Hasard ou chance, sa directrice de Master est en contact avec un professeur du National Institute of Standards and Technology, à Washington, qui cherche justement à recruter une doctorante pour « développer des modèles d’intelligence artificielle afin d’optimiser les procédés industriels ». 

Elle traverse donc l’Atlantique pour passer un entretien « un peu intimidant », fait de « questions très techniques », et est finalement retenue. Elle restera 5 ans au sein de ce centre de recherches rattaché au gouvernement américain jusqu’à l’obtention de son doctorat en informatique et intelligence artificielle.

Mais le froid glacial du Nord-Est des États-Unis ne lui convient pas. Avec son conjoint, ingénieur en informatique, elle décide de rejoindre la côte ouest et Los Angeles. Du fait de ses compétences, elle obtient sans encombre sa « green card », le sésame indispensable pour travailler au pays de l’Oncle Sam.

Et au mois de novembre 2024, la jeune polynésienne est recrutée par la société NXP, l’un des leaders mondiaux des semi-conducteurs, des puces électroniques ultrasophistiquées. Parmi ses clients : de grandes entreprises comme Airbus, mais aussi l’armée américaine ou encore la NASA.

« Avec l’équipe avec laquelle je travaille, l’objectif est d’utiliser l’intelligence artificielle pour améliorer les procédés globaux dans l’entreprise (…), injecter des modèles de ‘machine learning’ à l’intérieur des puces pour les améliorer, faire en sorte qu’elles soient plus petites, plus rapides, et qu’elles utilisent le moins d’électricité possible », détaille-t-elle.

Un travail qui la mène à manipuler « des données sensibles ». Avant d’être embauchée, elle a d’ailleurs dû obtenir « tout un tas de certifications » sécuritaires. Il lui est aussi demandé d’informer ses supérieurs si elle s’entretient avec des ressortissants de pays considérés comme hostiles par les États-Unis, car cela « pourrait être problématique ».

« Ils sont aussi très stricts sur tout ce qui concerne le matériel de travail (…) Pour mon ordinateur. Ils ont très peur que quoi que ce soit soit connecté dessus », ajoute-t-elle.

Car les puces électroniques sur lesquelles elle travaille sont notamment intégrées aux fusées de la Nasa, mais aussi aux « missiles » qui équipent l’armée américaine : « Ce sont des systèmes qui ne sont pas numériques, qui ne sont pas connectés à Internet, parce qu’on ne veut pas qu’ils le soient ».

Des applications qu’elle ignorait avant son recrutement et qui ont suscité chez elle quelques questionnements éthiques. « C’est au moment où j’ai commencé à passer toutes ces certifications que je me suis rendu compte de l’étendue des choses (…) Mais c’était déjà plus ou moins trop tard.  J’avais déjà signé (…) Si j’avais su l’ampleur de tout ça avant de commencer, peut-être (…) que j’aurais choisi autre chose ».

Mais aujourd’hui, Laetitia dit s’épanouir dans son travail et apprécier l’équipe dans laquelle elle œuvre au quotidien. Et la rémunération suit également : « En informatique, on est très bien payés. Le fait d’avoir en plus un doctorat me permet d’avoir un très bon salaire. Et une entreprise comme celle-là, qui travaille pour le gouvernement, dispose de beaucoup de fonds ».

L’intelligence artificielle étant aujourd’hui l’un des secteurs de la tech les plus prometteurs, un profil comme le sien est particulièrement recherché. « Tous les jours, pratiquement, je reçois des messages de recruteurs », s’amuse-t-elle. L’un d’eux cherche d’ailleurs à la joindre durant cet entretien avec TNTV.

« Quand j’ai commencé, je ne m’attendais pas du tout à me retrouver dans un domaine qui serait aussi porteur, qui connaitrait un tel boom. Quand j’ai choisi ma spécialité en Master, beaucoup de mes amis trouvaient que c’était ridicule. Ils me disaient : ‘Vous faites trop de maths. Personne n’aime les maths en informatique’. Personne ne voulait faire ça alors que maintenant tout le monde utilise l’Intelligence artificielle (…) C’est un pari qui a marché », se félicite la jeune docteure.

Pour elle, l’IA est une « révolution » technologique qui n’en est qu’à ses débuts : « Tous nos objets, tout ce qu’on a dans notre quotidien sera lié d’une manière ou d’une autre à l’intelligence artificielle (…) Ce sont des choses qui vont nous servir au quotidien, qui vont devenir très importantes ».

Mais elle mesure aussi les risques de dérives, notamment l’utilisation à mauvais escient, par de grands groupes ou des états, des « données personnelles » des particuliers.

Son avenir, elle le voit pour le moment sur le sol américain. Elle compte encore rester au minimum 2 ans dans l’entreprise qui l’emploie actuellement. « Après, il est probable que je change de boite, tout simplement parce que ça se passe un peu comme ça aux États-Unis », dit-elle.

Quant à un éventuel retour au fenua, elle ne l’exclut pas, bien qu’il lui semble compliqué » : « On en discute avec mon conjoint. On aimerait bien quand même fonder une famille, avoir des enfants. Et grandir à Tahiti, c’est quand même un cadre incroyable (…) Mais j’aime ce que je fais et je sais que ce serait pratiquement impossible de trouver quelque chose dans ce domaine à Tahiti ».

Avec le recul, la jeune femme a encore du mal à réaliser tout le chemin parcouru depuis ses années au lycée Gauguin : « Je ne pouvais pas imaginer que l’intelligence artificielle prendrait autant d’ampleur et que ça me permettrait d’arriver là où je suis actuellement (…) J’ai fait 10 ans d’études. C’était quand même beaucoup de sacrifices et beaucoup de travail. Maintenant, avoir un job dans une super équipe et vivre ici, c’est quand même incroyable ».

Le parcours de Laetitia est aussi la démonstration que le système éducatif polynésien peut mener à l’excellence. « Venir d’aussi loin et franchir le pas pour partir faire ses études sans trop savoir où l’on va, c’est super intimidant (…) Mais quand on travaille dur et que l’on arrive dans une voie qui nous plaît, ça peut amener très, très loin. Il faut juste s’accrocher », conclut-elle.

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