Larry Tchiou : l’innovation comme moteur

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Il a œuvré dans le domaine de l'innovation dans le monde, et principalement en Asie avant de revenir au fenua. Larry Tchiou n'a qu'une idée en tête : participer au développement de la Polynésie. Portrait de cet enfant du fenua, entrepreneur passionné.

Publié le 14/04/2024 à 10:39 - Mise à jour le 30/04/2024 à 16:30

Il a œuvré dans le domaine de l'innovation dans le monde, et principalement en Asie avant de revenir au fenua. Larry Tchiou n'a qu'une idée en tête : participer au développement de la Polynésie. Portrait de cet enfant du fenua, entrepreneur passionné.

Enfant du fenua, Larry Tchiou a passé presque 18 ans hors de la Polynésie. Après le bac, il s’envole pour la métropole où il décroche un DUT en informatique avant d’intégrer une école d’ingénieur réputée : Epita. « C’était très intensif, se souvient-il. Ça permet de pousser un peu les limites de ce qu’on peut faire. Je n’ai jamais fait deux nuits blanches d’affilée pour faire la fête, mais pour étudier et rendre des projets, là-bas, je l’ai fait. On apprend à travailler. C’est de la préparation au monde professionnel. »

En 2007, il débarque aux États-Unis. « J’ai eu l’opportunité de faire un double diplôme. C’est un peu comme ça que j’ai atterri à New York. À la place des 6 mois de fin d’études, j’ai fait un an de master en gestion des systèmes d’information. C’est un tremplin pour travailler aux États-Unis. » À cette époque, il souhaite se former et acquérir de l’expérience pour revenir au plus vite en Polynésie et monter une start-up. Objectif : participer au développement du fenua. Mais des opportunités s’offrent à lui. Il intègre une entreprise du numérique, cotée au Nasdaq. Un premier emploi qu’il obtient à quelques mois du crash boursier. L’équipe est réduite et la pression est constante. « À 25 ans, j’ai rapidement appris à prendre sur moi, à gérer le stress. »

Rapidement, il se rend compte que le système ultra-capitaliste dans lequel il évolue ne lui correspond pas. Il démissionne et retourne sur les bancs de l’université, cette fois à Stanford au cœur de la Silicon Valley, toujours dans le but de monter sa propre société. Nous sommes en 2009 et, une fois son certificat en management obtenu, Larry envisage de rentrer au fenua. Mais avant, il part à la découverte de l’Asie… « J’ai fait Hong Kong, Singapour, Taïwan, Tokyo, Pékin. » Il étend son réseau pour trouver ne serait-ce qu’un « petit job » pour expérimenter la vie en Asie quelques mois. Il réussit à décrocher un poste de consultant dans le numérique. Larry parcourt le monde pour son travail, se rend souvent « en Malaisie, en Inde, puis en Australie, Nouvelle-Zélande » et découvre d’autres cultures et fonctionnements d’entreprises.

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Il passe une dizaine d’années à Singapour, avec quelques intermèdes à Pékin, Shanghai et Paris. Des années formatrices durant lesquelles il travaille aussi dans l’entrepreneuriat social, dans l’innovation… Il monte même un accélérateur de start-ups, et enseigne à l’ESSEC.

Retour en Polynésie

Enfin de retour chez lui au fenua en 2019, Larry rejoint la CCISM comme directeur délégué, chargé du développement de la Chambre. Il y reste un an avant de se mettre, dès la fin du premier confinement du Covid, à son compte comme consultant en innovation. Il consacre l’année suivante à la conception de ce qui deviendra la Polynesian Factory. Le site pilote voit le jour en 2021. « On est allés rencontrer tous les acteurs, de la Chambre de commerce au Medef, aux clusters, l’UPF, différentes entités de l’administration, Socredo, CPS… Tout le monde était emballé par l’idée (…) Il y avait de grandes ambitions, ce qu’on avait proposé, c’était de créer une entité juridique propre qui associe tout cet écosystème et ne dépende pas d’un seul organisme ». Selon Larry, malgré les investissements inscrits dans le plan de relance, le gouvernement d’alors décide de s’en décharger.

« Aujourd’hui, pour lancer une innovation, il faut prendre son bâton de pèlerin et aller frapper à toutes les portes, avoir du soutien. »

Larry Tchiou

Avec la mise en place de la Polynesian factory, l’idée était de créer un environnement favorable à l’innovation, car innover en Polynésie n’est pas simple, estime Larry. Les difficultés auxquelles sont confrontés ceux qui se lancent, il les connait bien…
Depuis 2020, Larry porte un projet d’élevage d’algues utilisant l’eau du Swac de l’atoll de Tetiaroa. Un projet qu’il peine à faire avancer. « On est en discussions avec de nouveaux partenaires. (…) La difficulté, c’est la levée de financement, faire de l’ingénierie en milieu marin et notamment là, l’idée est de détourner un Swac qui n’est pas conçu pour ça. (…) Aujourd’hui, pour lancer une innovation, il faut prendre son bâton de pèlerin et aller frapper à toutes les portes, avoir un soutien. Ensuite, il faut créer une structure juridique pour un projet qui n’est pas encore économique. (…) Il y a des procédures administratives à longueur de journée, il faut un espace… Le porteur de projet se fatigue à faire tout ça avant de travailler. »

Le soutien financier viendra peut-être finalement de l’extérieur. En 2022, Larry a eu l’occasion de présenter son projet lors du Blue climate Summit. Là, il a rencontré Neil Davis, le directeur de la station de recherche Gump affiliée à l’université de Berkeley en Californie. Neil est aussi à la tête du comité scientifique de Tetiaroa Society… Avec lui, il réfléchit à plusieurs projets.

Changer les mentalités, s’inspirer

Pour Larry, nous avons aujourd’hui « une opportunité unique de positionner notre fenua comme un acteur régional d’une nouvelle économie, inclusive et régénératrice, en s’appuyant sur nos richesses propres – la connaissance et le savoir-faire traditionnel, notre biodiversité, notre population – et sur l’innovation. »

Mais pour y arriver, il faut de « réels changements » estime-t-il : une vision et les moyens de la mettre en œuvre, adopter une culture du travail en collaboration, offrir un réseau, du mentoring, de la formation aux jeunes, mais aussi des outils et ressources, et de l’inspiration…

L’inspiration, le président du Pays Moetai Brotherson est allée la chercher en mars, du côté de Singapour. Il a été le premier président polynésien a effectué une visite officielle dans la cité État, où il a visité plusieurs entreprises. Pour Larry qui a fait une grande partie de sa carrière là-bas, « s’inspirer, oui, c’est bien, par contre, il faut être clair : quand on y va deux semaines, tout est beau. Mais il m’a fallu deux ans pour comprendre l’envers du décor. L’autre côté de la carte postale est moins réjouissante (…) Il ne faut pas se leurrer, entre inégalités sociales, exclusion et démocratie de façade (…) Je ne me limiterai pas au modèle singapourien. Il y a par exemple le Costa Rica qui a aboli l’armée pour remettre le budget dans l’éducation et la santé. Qu’en est-il ressorti ? Il y a le Cap Vert ou l’île Maurice, des îles au large de l’Afrique, qui poussent aussi dans le numérique, l’innovation et les énergies renouvelables. Le côté ouverture régionale, internationale est bien. Il faut s’inspirer des pays qui construisent le futur plutôt que ceux qui défendent leur passé, comme le disait mon camarade du Edmund Hillary fellowship, le journaliste défunt Rod Oram. C’est bien de sortir du cloisonnement franco-français. »

S’il approuve la démarche du Pays d’aller voir ce qui se passe ailleurs, l’innovation est pour Larry, surtout de la responsabilité du secteur privé. « L’innovation ne devrait pas dépendre d’un ministère ou service, (…) bien que le rôle règlementaire, incitatif et le soutien du public est primordial, c’est bien au secteur privé de prendre le lead.  »

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