Les membres du CESEC ont rendu un avis favorable par 43 voix pour contre deux abstentions sur la mise en place d’un moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins. Une résolution que le président du Pays avait prise au lendemain du Forum des îles du Pacifique. Si cette suspension dans la course aux terres rares dans notre ZEE, n’a pas fait l’objet de limite dans le temps, certains membres auraient voulu une interdiction totale de l’exploration et l’exploitation de ces hauts fonds.
L’avis du CESEC :
« Disposant d’une ZEE d’environ 5 millions de km2, le potentiel de ressources marines relatif aux fonds marins de la Polynésie française apparait prometteur.
Cet intérêt est renforcé dans un contexte de demande mondiale croissante pour les matières premières minérales, d’une raréfaction progressive de certaines ressources et matières premières, et de tensions sur les marchés.
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Le projet de délibération relatif à un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins se présente comme un acte solennel d’arrêt temporaire de l’exploitation minière face aux menaces qui pèsent sur la santé de nos océans, la biodiversité et les écosystèmes.
Sur la question de la répartition des compétences en matière d’exploration et d’exploitation des ressources minières sous-marines, le CESEC considère que la mise en œuvre d’une politique d’avenir ambitieuse sur les grands fonds réclame nécessairement de clarifier la répartition des compétences et des rôles entre l’Etat et la Polynésie française.
Le CESEC recommande ainsi de faire la lumière sur la notion de « matières premières stratégiques », dans des objectifs de lisibilité de la loi et de transparence, pour lesquels les autorités de l’Etat et de la Polynésie française ont tout intérêt à se concerter.
Il préconise plus largement de définir, identifier et préciser la notion et la terminologie, sur les plans techniques et juridiques, relatives aux « terres rares », « métaux rares », « métaux stratégiques » et « matières premières stratégiques »
Sur l’extension juridique du plateau continental demandée par la France, le CESEC préconise d’identifier les conséquences sur la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie et de clarifier les ambitions des autorités publiques.
Sur les enjeux économiques, les études et recherches ne sont pas encore suffisantes pour éclairer de manière précise et satisfaisante les décideurs sur le potentiel économique et les opportunités industrielles que représente l’exploitation de ces ressources minérales.
A cet égard, le CESEC relève que de nombreux acteurs institutionnels et scientifiques considèrent que la poursuite d’explorations des fonds favoriserait l’acquisition des connaissances et permettrait de mieux cerner les enjeux économiques, sociaux et scientifiques. Le plan « France 2030 » s’inscrit en partie dans cette perspective.
Sur les enjeux environnementaux, le CESEC recommande d’apporter la plus grande attention sur les risques qui pèsent sur les équilibres vivants et géophysiques des fonds marins, d’autant que ces derniers sont restés à l’abri des activités humaines. L’exploration scientifique elle-même pourrait comporter des risques.
Il préconise de définir et préciser les activités que recouvrent la notion d’« exploration », ses enjeux et ses risques pour l’environnement dans un cadre légal et réglementaire. Une clarification doit être apportée concernant les notions d’exploration, de prospection et d’exploitation, et leurs impacts respectifs sur les milieux marins.
Des efforts doivent se poursuivre et s’accentuer sur le développement d’outils de gestion concertés favorisant la préservation des milieux marins.
Le « principe de précaution » qui doit prévaloir en matière d’exploration des fonds marins, mérite également d’être précisé dans sa déclinaison opérationnelle et son application.
Le CESEC constate que le principe de pollueur-payeur est invoqué. Il considère que certains dommages sont irrémédiables pour les écosystèmes et qu’il est préférable de prévoir toutes les mesures de précaution et de prévention afin d’écarter les risques de pollution.
Sur le projet de moratoire, le CESEC constate que ce projet de moratoire ne prévoit aucune durée et qu’il peut donner le sentiment d’un immobilisme ou d’un attentisme des pouvoirs publics face aux multiples enjeux que représentent l’exploration et l’exploitation des grands fonds marins.
Il relève qu’il n’existe pas d’exploitation de ses grands fonds marins à ce jour.
Le CESEC considère à ce stade qu’une priorité doit être donnée à l’élaboration et la valorisation d’une stratégie sur la recherche et l’exploration des fonds marins dans une démarche anticipative, participative et constructive.
Une politique d’exploration des fonds marins mérite de s’inscrire dans une vision volontariste et partagée associant étroitement la Polynésie française, l’Etat et tous les partenaires institutionnels concernés.
Dans cette perspective, la Polynésie française pourrait notamment prévoir un programme de formations et de valorisation des compétences actuelles et futures, des générations de chercheurs, géologues, océanographes, biologistes, chimistes, physiciens, etc.
Le CESEC considère qu’une stratégie sur les grands fonds marins doit également refléter une vision polynésienne et océanienne : l’océan tient une place originelle et joue un rôle majeur dans l’histoire et la culture de la Polynésie française.
En outre, le CESEC constate sur un plan juridique, que la déclaration solennelle de moratoire ne définit pas explicitement de champ d’application et de zone géographique. Il relevait aussi dans son avis n°23-2019 du 29 août 2019, que l’exploitation et même l’exploration des grands fonds marins ne sont encadrées par aucune réglementation dédiée en Polynésie française.
Le CESEC ne peut concevoir un moratoire non limité dans le temps, donnant un délai indispensable à l’acquisition de connaissances plus approfondies des fonds marins de la Polynésie française.
Cependant nos plus proches pays voisins (Nauru, Kiribati, Cook) sont fortement engagés dans la perspective d’exploitation dans les 2 ans à venir, sans réelle garantie d’une protection suffisante de notre propre ZEE.
Les exemples malheureux de l’exploitation minière de Makatea ou encore le Centre d’Expérimentation du Pacifique (CEP) ne plaident pas en faveur d’une ouverture à l’exploitation durable des richesses minérales dont les Polynésiens seraient pleinement bénéficiaires, ce qui donne tout son sens au moratoire.
Tel est l’avis du CESEC sur le projet de délibération relatif à un moratoire sur l’exploitation minière des grands fonds marins.
L’avis du CESEC a été voté à 43 voix POUR, 0 CONTRE et 2 abstentions.«