Le CHPF du Taaone « au bord du gouffre », alertent les professionnels de santé

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Personnels « plus que jamais en souffrance », bâtiment vétuste, délais d’attente démesurés, démissions et difficultés de recrutement du fait des conditions de travail, le CHPF du Taaone est aujourd’hui « au bord du gouffre », selon les professionnels de santé qui y œuvrent. Un an après leur dernière grève, qui n’a abouti à rien de concret selon eux, les soignants s’alarment de la situation : « le constat est désastreux ».

Publié le 24/04/2024 à 16:07 - Mise à jour le 25/04/2024 à 9:52

Personnels « plus que jamais en souffrance », bâtiment vétuste, délais d’attente démesurés, démissions et difficultés de recrutement du fait des conditions de travail, le CHPF du Taaone est aujourd’hui « au bord du gouffre », selon les professionnels de santé qui y œuvrent. Un an après leur dernière grève, qui n’a abouti à rien de concret selon eux, les soignants s’alarment de la situation : « le constat est désastreux ».

« En 25 ans de carrière, je n’ai jamais vu ça. L’hôpital est au bord du gouffre », souffle Christophe Allé, médecin au CHPF et vice-président du syndicat des praticiens hospitaliers de Polynésie.

Il y a un an, le personnel soignant s’était mis en grève pour dénoncer la situation, mais, depuis, les choses n’ont pas évolué selon lui, voire, ont empiré.

« On a l’impression d’une situation qui devient chronique avec une saturation permanente de l’hôpital. On a du mal à trouver des lits, ce qui nous oblige à hospitaliser les patients dans d’autres services. Cette difficulté provoque aussi des attentes aux urgences (…) Ça dépasse l’entendement. Il y a des temps d’attente jusqu’à 22 heures », constate, amer, Philippe-Emmanuel Dupire, le président de la Commission médicale d’établissement du CHPF.

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Ce délabrement de l’organisation de l’hôpital a lieu dans un contexte de vieillissement de la population polynésienne qui fait face à « des problèmes de santé très importants ».

« On est désœuvrés », abonde Priscilla Amaru, la présidente du syndicat élargi des médecins anesthésistes et réanimateurs, « depuis la grève de 2023, on a eu beaucoup d’espoirs (…) mais un an après, on n’a que des mesures transitoires qui ne nous permettent pas de nous améliorer au quotidien ». « Là, clairement, le constat est désastreux. Plus que jamais, les équipes sont en souffrance », ajoute-t-elle.

« On a parfois des Polynésiens qui repartent en France »

Dr. Philippe-Emmanuel Dupire

Le recrutement pose aussi de gros problèmes du fait de la non-attractivité des conditions de travail au sein de l’établissement. « On a des praticiens qui arrivent de métropole (…) qui nous disent : ‘On se met en danger. C’est trop pour nous. On démissionne’. On a même des démissions de remplaçants. Je n’ai jamais vu ça », souligne Priscilla Amaru.

Selon elle, l’hôpital doit donc composer avec un effectif en « turn-over de près de 60% », contre 15 % en métropole, ce qui signifie « que le patient n’a pas de suivi ». « Les postes recrutés sont des postes temporaires avec des CDD de 6 mois. Il n’y aucune assurance, derrière, pour les praticiens (…) C’est difficile de s’investir dans un projet quand on ne sait pas quel est son avenir », fait-elle encore remarquer.

Philippe-Emmanuel Dupire est également enseignant à l’Université de Polynésie où sont formés des étudiants en médecine qui poursuivent ensuite leur cursus dans l’Hexagone. Mais tous ne reviennent pas exercer au fenua pour les mêmes raisons. « On a parfois des Polynésiens qui repartent en France après avoir obtenu leur diplôme de chirurgien », souligne-t-il.

« Il n’y a pas d’avantage à venir travailler au CHPF », renchérit Priscilla Amaru, car en plus de la charge de travail, ses médecins « sont les moins bien payés de toute la zone Pacifique ». « De ce fait, nous avons beaucoup de mal à attirer les praticiens », conclut-elle.

« Bientôt, il n’y aura plus de bloc opératoire »

Dr. Priscilla Amaru.

Le bâtiment subit aussi les effets du temps. « On est désespéré, car il y a une absence de travaux. On a des patients qui n’ont pas de lit alors que des chambres sont fermées simplement parce qu’il faut refaire l’étanchéité des toits. On est effarés. On a la structure, mais pas les moyens de faire les travaux », constate Christophe Allé.

Dans moins de 3 mois, l’épreuve de surf des Jeux Olympiques se déroulera à Tahiti. Et « Il faudra être très prudents », prévient Philippe-Emmanuel Dupire, « il faut qu’on anticipe bien les choses, qu’on structure des équipes et qu’on consolide notre façon de travailler (….) S’il y avait un événement de masse à gérer, on aura des difficultés à être prêts ».

Le médecin appelle le Pays à prendre des « mesures choc de recrutement et de mise à disposition de moyens financiers » pour conserver un outil de travail opérationnel.

« On a été écoutés, mais j’ai l’impression que l’on n’est toujours pas entendus », déplore Priscilla Amaru. « On a l’impression que tant qu’il y aura du personnel dans cet établissement (…), ils continueront comme ça. Nous, on alerte sur le fait qu’on ne fonctionne plus très bien. Les blocs ferment, les anesthésistes démissionnent. Bientôt, il n’y aura plus de bloc opératoire. Je suis inquiète à courte échéance », dit-elle.

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