Le Pays veut « expérimenter » les IA génératives dans son administration

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Libérer les agents du Secrétariat général du gouvernement de tâches fastidieuses, c'est l'objectif d'un projet expérimental d'utilisation des IA génératives par le Pays. Mais dans certains ministères, une autre utilisation soulève des interrogations : la génération de visuels pour les campagnes officielles. Entre outil révolutionnaire et menace pour certains métiers voire pour la sécurité, les IA génératives continuent de faire parler.

Publié le 08/04/2025 à 17:32 - Mise à jour le 08/04/2025 à 17:34

Libérer les agents du Secrétariat général du gouvernement de tâches fastidieuses, c'est l'objectif d'un projet expérimental d'utilisation des IA génératives par le Pays. Mais dans certains ministères, une autre utilisation soulève des interrogations : la génération de visuels pour les campagnes officielles. Entre outil révolutionnaire et menace pour certains métiers voire pour la sécurité, les IA génératives continuent de faire parler.

Il est féru de nouvelles technologies et ne s’en cache pas. Le président du Pays Moetai Brotherson utilise régulièrement les intelligences artificielles génératives par « curiosité intellectuelle, pas pour faire mon travail ou remplacer mes ministres ou mes chefs de service » soulignait-il lors de l’émission Tu’ati paroles croisées du 27 mars.

Il y voit néanmoins une utilité pour les agents du Pays. Un projet est en cours au sein de l’administration polynésienne. « Il faut expérimenter. C’est ce qu’on a décidé de faire. On a un projet avec le SGG, le Secrétariat général du gouvernement, qui est le service qui finalement concentre et consolide tous les actes qui sont pris par le Pays depuis sa création. (…) Nous avons décidé de mener une expérimentation autour de Lexpol et du SGG pour voir comment on pourrait utiliser l’IA pour à la fois consolider nos textes parce qu’on a parfois des textes qui se contredisent d’une année à l’autre. Ce sont des tâches fastidieuses, ça relève de la spéléologie légistique et donc à partir du moment où c’est numérisé, l’IA peut faire ça beaucoup plus rapidement ».

Il est aussi prévu d’utiliser les IA pour faire de la « codification. Vous savez que dans le droit, on a des textes, on a une succession de textes et à un moment donné, on se dit que sur un sujet précis, sur l’environnement, sur les télécommunications, sur la mer, on veut faire un code qui regroupe l’ensemble des règles qui s’appliquent pour ce domaine. Eh bien la codification légistique, c’est tout un exercice sur lequel on peut essayer également de faire de l’expérimentation. Ça ne veut pas dire qu’on prend pour argent comptant, justement l’idée c’est de tester et d’évaluer ce que ça donne ».

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Une utilisation expérimentale des IA pour faciliter le travail des agents de l’administration donc. L’IA au service de l’homme, c’est ce que souhaitent bon nombre de professionnels. Mais certaines applications soulèvent des interrogations. Notamment lorsqu’il s’agit d’images.

Au fenua, de plus en plus d’institutions voire de ministères passent par les IA génératives pour produire des visuels, des affiches… Moetai Brotherson le reconnait sans détours : « C’est un phénomène qu’on a commencé à observer l’an dernier, paradoxalement dans le ministère de la Culture. C’est une facilité qui est offerte, à laquelle il faut bien réfléchir. On voit bien que certaines images ont été générées par une IA. Mais aujourd’hui, on peut en quelques prompts générer une image qu’on ne peut pas distinguer d’une image qui aurait été faite par un créateur, un infographiste, un artiste. On n’a pas encore posé le sujet administrativement sur la table, mais peut-être qu’on sera amenés à le faire. »

Plusieurs affiches officielles dont les images ont été générées par l’IA :

Favoriser la machine au détriment de l’homme pour faire des économies, une tendance qui passe difficilement auprès des créateurs, photographes, graphistes.

Mais au-delà de ça, l’utilisation d’IA par les administrations peut comporter des risques liés à la sécurité : « Le premier risque, ça va être la fuite de données, prévient Ludwig Tofili, consultant en cybersécurité et RSSI. Mais à partir du moment où on met en place de la gouvernance, des chartes, ce genre de choses, et qu’on met en place un suivi, on peut très bien travailler avec une intelligence artificielle. Le cadre sera posé, ensuite les infrastructures seront mises en place, et ensuite l’utilisateur pourra travailler en toute sécurité. Le deuxième risque qu’on va avoir, c’est le shadow IA, ça va être l’utilisation détournée. C’est-à-dire que demain, je peux être le Pays, l’armée, n’importe qui, je vais mettre en œuvre un outil qui va permettre de traiter des données mêmes confidentielles, n’importe qui a son téléphone sur lui, peut prendre une photo et l’envoyer sur ChatGPT et sortir complètement du contexte du réseau de l’entreprise ou du réseau étatique. Pour ça, à part éduquer, former et préparer les gens, on n’a pas de solution. (…) On ne va pas pouvoir détourner l’usage personnel d’un téléphone portable. »

Sensibiliser, encadrer

À l’échelle nationale et européenne, des textes de loi sont mis en place pour tenter d’encadrer les IA génératives. Le règlement européen sur l’intelligence artificielle est entré en vigueur l’année dernière. De vives discussions sont toujours en cours, notamment concernant le droit d’auteur.
Par ailleurs, le 31 janvier, un institut public de surveillance de l’IA a été créé dans l’Hexagone. Les intelligences artificielles ont été au cœur d’un sommet international à Paris en février. La question de l’encadrement de leur utilisation reste importante.

Pour Moetai Brotherson, « l’IA avance tellement vite que l’encadrer spécifiquement (en Polynésie, NDLR) c’est quasiment impossible. Il faut encadrer les grands principes ».

Au fenua, à défaut de textes de loi, des actions de sensibilisation se mettent en place. L’organisation des professionnels du numérique donne des conférences sur l’IA en entreprise. Une formatrice, Kay Rayee en a également fait sa spécialité, soutenue par des experts en cybersécurité.

Par ailleurs, le projet de centre de recherche en IA du fenua est toujours d’actualité. Il s’intéressera en particulier aux langues polynésiennes. « Le CNAM comporte une grande quantité de laboratoires de recherche, dont deux en particulier, le Cédric (centre de recherche en informatique et communications) et l’ESDR3C, explique le directeur du CNAM Polynésie Peter Meuel. Nous voyons avec ces deux laboratoires comment créer une antenne localement. La création d’une IA nécessite un très grand volume de données (…) En Polynésie, la donnée existe, mais elle n’est pas structurée, pas numérisée. On ne peut pas facilement la récupérer pour alimenter une IA avec et avoir par exemple des résultats de traduction Marquisien – Anglais, instantanément parfaits. C’est possible, mais ça va nécessiter du travail. C’est l’optique de ce centre de recherches qui devrait voir le jour, nous l’espérons cette année ». Quel avenir pour le métier de traducteur ? C’est un autre débat.

Pour revoir notre émission sur les intelligences artificielles génératives, cliquez ici

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