Les dotations de l’État pour l’organisation des Jeux du Pacifique préservées « quoiqu’il arrive » , assure Éric Spitz

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Revenu d'un déplacement à Tetiaroa dans le cadre de la préparation du sommet des océans de Nice, en juin prochain, Éric Spitz était l'invité du journal de TNTV ce mardi. Jeux du Pacifique, lutte contre l'importation de drogues de synthèse au fenua, et sécurité, le Haut-commissaire est revenu sur les principaux dossiers portés par l'État en 2025.

Publié le 05/02/2025 à 11:40 - Mise à jour le 05/02/2025 à 11:42

Revenu d'un déplacement à Tetiaroa dans le cadre de la préparation du sommet des océans de Nice, en juin prochain, Éric Spitz était l'invité du journal de TNTV ce mardi. Jeux du Pacifique, lutte contre l'importation de drogues de synthèse au fenua, et sécurité, le Haut-commissaire est revenu sur les principaux dossiers portés par l'État en 2025.

TNTV : Après Moorea, vos déplacements officiels autour des projets subventionnés par le fonds vert vous ont emmené, ce mardi, à Tetiaroa, où des opérations pour lutter contre l’érosion du littoral ont lieu. Sur l’atoll, ce sont les tortues qui sont en danger, et vous avez été sensibilisé à leur cause.
Éric Spitz, Haut-commissaire de la République en Polynésie française : « Oui. Je voulais dire d’ailleurs que la Polynésie française a eu l’immense honneur d’être le premier territoire ultramarin pour prendre le relais de l’année de l’outre-mer, sélectionné par le ministère des Outre-mer. Nous avons à cœur de préparer la conférence de Nice, le sommet des océans, en juin » .

TNTV : Deux associations, Te mana O te moana et la Tetiarora Society, auront sans doute leurs accréditations pour participer au sommet de Nice. La première s’occupe de protection des tortues et d’informer la jeunesse. La seconde, à travers des énergies renouvelables comme le SWAC ou des submersibles qui vont être acquis par cette association, aura à cœur d’explorer aussi les grands fonds marins. Ce projet de submersibles vous a été présenté ce mardi, un projet qui sera également présenté à la troisième conférence des Nations Unies sur l’océan, ou en tout cas qui le devrait. En quoi peut-il faire avancer la recherche scientifique sur nos fonds marins ?
E.S : « Aujourd’hui, nous ignorons 95% de ce qu’il y a dans les grands fonds marins. Donc il y a une nécessité de mettre en œuvre un programme d’exploration. La Tetiarora Society a d’ailleurs un accord avec l’IFREMER pour cette exploration. Et les submersibles acquis par la société de Dick (Richard) Bailey vont pouvoir nous permettre d’y voir plus clair entre 200 et 1000 m de fond. On ignore tout de ce qui se passe. Cela va être un programme extrêmement ambitieux qui va être mis en place, si tout va bien, à compter de fin 2025, début 2026 à Tetiarora » .

TNTV : Cette année devrait être adopté le projet de code minier international qui prévoit les futures règles d’exploitation des ressources marines dans les eaux internationales. La France et la Polynésie français se sont déjà positionnés contre l’exploitation minière dans leur ZEE. Surveillez-vous particulièrement cette évolution réglementaire prochaine ?
E.S : « Oui, le chef de l’État et le président Brotherson se sont exprimés avec netteté sur la question. Nous sommes absolument contre l’exploitation des fonds marins. Vous savez qu’il y a une organisation internationale à Kingston, en Jamaïque, qui est chargée de gérer tout ce qui n’appartient pas à la ZEE, autrement dit les eaux internationales. Et nous serons extrêmement vigilants, ne serait-ce que parce que, sans caricaturer depuis quand même 100 ans, l’homme a quand même saccagé les forêts, a pollué les océans avec le plastique, avec le mercure, a pollué l’air. Et les grands fonds marins restent encore le dernier paradis où on n’y a pas mis la main. Je ne voudrais pas que, pour des raisons de profit, on abîme aussi cette partie de la terre » .

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TNTV : On va vous faire réagir sur d’autres faits d’actualité, l’Azerbaïdjan notamment. Le Tavini et certains élus de l’Assemblée de Polynésie ont tissé des liens avec le groupe d’initiative de Bakou. Quel rôle l’État joue-t-il dans ce dossier ?
E.S : « L’État distingue bien les affaires du Pays et la démarche d’un parti politique honorable qui recherche, on le sait depuis des années, à avoir un référendum doté d’autodétermination. Donc sur cette affaire-là, je rejoins bien évidemment le président Brotherson. Les dernières élections territoriales se sont tenues sur le thème du logement, de l’emploi, de la cherté de la vie. Et c’est ce sur quoi nous travaillons pour améliorer le quotidien des Polynésiens. Je n’ai pas à commenter cette démarche (…). Chez vos confrères de Polynésie la première (…) comme j’étais pressé de question, m’est revenue finalement une citation d’un personnage de Shakespeare, une pièce en 1594, où il disait ‘si tu manges avec le diable, il faut une très longue cuillère’ . Et j’ai repensé à l’Arménie. C’est un pays qui a colonisé son voisin, qui a attaqué le Haut-Karabakh, qui a massacré des milliers de chrétiens, qui a muselé la presse, qui a enfermé ses opposants. Et quand je repense à tout ça, je préfère finalement la citation de Raymond Barre, qui disait que ‘même avec une longue cuillère il ne faut pas manger avec le diable’  » .

TNTV : Le débat en Polynésie sur la souveraineté du Pays revient régulièrement. Certains partisans de la décolonisation estiment qu’un dialogue entre l’État et le pays sous l’égide de l’ONU est nécessaire. Le président de l’Assemblée, Antony Géros, a récemment fait voter une délibération lui permettant d’attaquer l’État en justice en cas de refus de dialogue. Vous avez contesté ce texte, aujourd’hui transmis au Conseil d’État. Comment percevez-vous la démarche du président de l’Assemblée ?
E.S :
« Le président de l’Assemblée s’est attribué à travers cette délibération des pouvoirs qui relèvent du président de la Polynésie française en violation manifeste de la loi organique. J’ai donc saisi le tribunal administratif qui va saisir le Conseil d’État pour avis. J’en ai discuté avec Tony Géros il y a quelques jours. Finalement, on est tous satisfaits de voir le Conseil d’État qui va nous dire le droit et qui va nous dire qui a véritablement le pouvoir dans le domaine des relations internationales. Mais il ne fait pas de doute en lisant la loi organique qu’il s’agit du président de la Polynésie française et pas le président de l’Assemblée (…). On reste sur la forme et sur le fond, il appartient à Tony Géros de nous dire ce qu’il recherchait en faisant adopter cette délibération. Mais ce n’est pas à moi d’interpréter ses pensées » .

TNTV : Les Jeux du Pacifique 2027 se préparent mais des incertitudes budgétaires subsistent. Le président du Pays a exprimé des inquiétudes après l’annonce de coupes budgétaires par l’État. Les Jeux sont-ils réellement menacés comme il le laisse entendre ?
E.S :
« Non, les Jeux du Pacifique ne sont pas menacés pour plusieurs raisons. Déjà la semaine dernière, le président Brotherson et moi-même étions à Paris. J’ai rencontré Manuel Valls, il a rencontré d’autres responsables politiques pour sensibiliser nos responsables à l’importance de ces Jeux Pacifiques pour le rayonnement de la Polynésie et de la France dans le Pacifique. Dans le contrat de développement et de transformation que nous avons signé avec la Polynésie, il y a à peu près un quart des sommes qui sont fléchées sur la construction d’infrastructures pour les Jeux du Pacifique » .

TNTV : Est-ce bloqué ?
E.S :
« Non, le projet de loi de finances 2025, dans le meilleur des cas, sera adopté mercredi. Donc on ne va pas crier avant d’avoir mal. Pour l’instant, on ne connaît pas les dotations mais j’imagine que même si nos dotations devraient légèrement baisser, en tout cas les 25% qui sont consacrés aux Jeux du Pacifique seront préservés quoi qu’il arrive. Je rappellerai aussi que l’agence du sport va financer certaines infrastructures, qu’elle va aider au recrutement d’une dizaine de personnes et que l’État, tout comme pour les Jeux Olympiques, va se mobiliser pour assurer la sécurité de ces Jeux du Pacifique. Nul doute que ce sera encore un grand succès pour la Polynésie dont elle pourra être fière » .

TNTV : Le 4 mars, le Conseil de prévention de la délinquance, le CPD réunira la justice, le Pays et l’État dans la lutte contre l’ice. Comment améliorer cette collaboration pour endiguer ce fléau ?
E.S :
« Il y a plusieurs choses. D’abord, je ne voudrais pas que l’arbre ice cache la forêt du pakalolo. Je n’aime pas cette distinction entre les drogues ‘douces’ et les drogues ‘dures’ . Le pakalolo déstructure des familles, entraîne des violences infrafamiliales et des problèmes de scolarité, des problèmes de sécurité routière avec un bilan qui n’est pas bon, comme vous le savez, en 2024. Surtout, les profits du pakalolo servent à construire des petits magots pour acheter de l’ice ou de la cocaïne. Il n’est pas question de dépénaliser le pakalolo. Je rappellerai que nous avons arraché 23 000 pieds l’année dernière, ce qui représente un tiers des pieds arrachés au niveau national » .

TNTV : Il y a quand même une loi de Pays qui va permettre l’usage médical du pakalolo.
E.S :
« Oui, sous un étroit contrôle de l’Institut Malardé, de la douane et des forces de l’ordre. Je vous garantis qu’on ne permettra pas une quelconque dépénalisation du cannabis. Ensuite, sur l’ice et sur la cocaïne, j’ai donné des instructions très claires dans deux directions. La première, c’est la coopération internationale. Nous avons réuni le séminaire des garde-côtes en décembre avec les Australiens, les Néo-Zélandais, les Américains, qui a rapidement donné des fruits, puisque des renseignements donnés par la police australienne nous ont permis d’intercepter plus d’une demi-tonne de cocaïne sur un voilier. En ce qui concerne la lutte contre les drogues dures, j’ai donné des instructions pour qu’on s’attaque aux avoirs criminels. Il y a déjà eu 1,3 milliard de francs pacifiques d’avoirs criminels de saisie en 2024. Ce sont des voitures, des maisons. Il y aura des ventes aux enchères dans les semaines qui viennent. Bien évidemment, nous allons encore essayer d’augmenter par un travail avec les GIR (Groupes interministériels de recherches), avec la justice, la saisie de ces avoirs criminels, tout en sachant que notre marché n’est pas suffisamment grand pour intéresser les grands trafiquants nord-américains et sud-américains. Nous sommes plutôt une zone de transit vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Les Australiens, qui craignent pour leurs enfants, ainsi que les Néo-Zélandais, ont tout à fait intérêt à coopérer avec nous » .

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TNTV : En 2024, la Polynésie a connu sa première saisie de blue ice, une variante réputée plus dangereuse. Est-ce une source d’inquiétude majeure aujourd’hui ?
E.S :
« L’introduction des drogues de synthèse, quelles qu’elles soient, l’ice, le blue ice, le fentanyl, fait partie vraiment de nos principaux motifs de préoccupation. La coopération avec les Américains a beaucoup progressé en 2024. Et il y a beaucoup d’arrestations dont on ne parle pas au départ de Los Angeles, avec des trafiquants qui terminent en prison aux États-Unis. Donc la coopération est là, elle fonctionne. Pour l’instant, nous n’avons pas de trace d’arrivée du fentanyl, dieu merci, dans notre région. Mais bien évidemment, nous sommes vigilants » .

TNTV : Vous avez été fait commandeur de l’Ordre national du mérite par le Président de la République lui-même. Quelle action en particulier attribuez-vous à cette distinction ?
E.S :
« C’est le résultat d’une carrière. J’ai tenu à associer la Polynésie française à ce moment, c’est pour cela que j’avais invité Moetai Brotherson, Tony Géros, l’ensemble de nos parlementaires, Édouard Fritch. Une bonne moitié de ces élus étaient là parce qu’ils étaient présents à Paris. Et ça a été un beau moment. J’espère que ce moment de fieré rejaillira un peu sur la Polynésie française (…). C’est une forme de reconnaissance pour mes équipes, pour ma famille. Chacune de mes filles a fait 12 établissements scolaires dans le primaire et le secondaire. Donc elles ont quand même pu voir qu’il y avait une reconnaissance de la République par rapport à ce qu’elles aussi avaient vécu au cours des dernières années » .

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