Devenir propriétaire est un rêve aux allures d’utopie pour l’immense majorité des jeunes polynésiens aujourd’hui. Pour faciliter l’accès à la propriété, le Pays a décidé de mettre sur pied le prêt à taux zéro (PTZ) pour les primo accédants, en attendant la construction de nouveaux parcs de logements plus abordables.
Le dispositif, prévient le ministre du Logement Oraihoomana Teururai, se veut temporaire. « Nous sommes partis sur une durée de trois à quatre ans, précise ce dernier. Un cycle qui doit permettre de jauger l’efficacité et les potentiells évolutions du dispositif. Ça va nous permettre également de recalibrer le dispositif dans le cas où les cibles ne sont pas forcément les bonnes, où le dispositif a besoin d’être amélioré, bien évidemment » .
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Si l’initiative est globalement vue d’un bon œil, la chambre des notaires rappelle qu’il ne règlera pas le problème de fond, à savoir la rareté du foncier et les prix prohibitifs de l’immobilier. « On a très peu de biens à vendre. Et on le voit depuis 2021, où on a une baisse des transactions de 27%. Jusqu’à présent, on avait moins 5% chaque année de transactions, détaille le président de la chambre des notaires Jean-Philippe Pinna. L’année dernière, il y a eu 20% de transactions en moins, que ce soit dans l’ancien ou dans le neuf. Et depuis 2021, moins 27%. Ça veut dire que la crise de l’immobilier est durablement installée » . Et celui-ci d’ajouter : « il faut absolument trouver des solutions pour remettre sur le marché du logement à prix accessible » .
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Des vendeurs déraisonnables
Car les prix de l’immobilier, fixés par les vendeurs, ne cessent d’augmenter à mesure que la demande dépasse à l’offre. Fatalement, nombreux sont ceux qui abandonnent leur projet d’acquisition. D’où les préconisations de M. Pinna de « raisonner les vendeurs » . « Il y a quelque chose qui est assez flagrant dans un marché immobilier comme le nôtre, c’est que le tarif de l’ancien est au prix du neuf, alors que le prix de l’ancien devrait être à 20, moins 30% que le prix du neuf. Les vendeurs qui vendent dans l’ancien ne sont pas raisonnables. Ils partent du principe qu’il y a une énorme demande. Donc, ils se disent nécessairement qu’on va forcément trouver un acquéreur qui va payer le prix qu’il en demande » , analyse-t-il.

Le PTZ laisse donc entrevoir de l’espoir pour obtenir un crédit immobilier. Reste à savoir qui pourra en bénéficier et sous quelles conditions. Car si les critères sont au cœur des discussions entre le Pays et les banques locales, deux certitudes sont que la mesure concerne le financement de l’habitation principale et qu’elle sera soumise à un plafond. Par ailleurs, le PTZ sera compatible avec l’Aide à l’investissement des ménages.
Selon Florent Venayre, maître de conférences en sciences économiques à l’UPF, la mesure implique de voir sur du long terme, et d’évaluer l’impact sur les finances publiques. « Les personnes les plus en difficultés n’arriveront pas, même aidées, à accéder au logement » , constate-t-il. Selon lui, tout l’enjeu réside dans une aide justement proportionnée aux finances du Pays. « Il faut ‘taper’ sur un niveau intermédiaire, et tout le problème est de déterminer l’intervalle. En plus, on est obligés de s’engager pour un terme suffisamment long, parce que l’acquisition d’immobilier ne se fait pas en semaines, ce qui veut dire que le Pays va s’engager pour des années de prêt à taux zéro. Il y a intérêt à bien faire le calibrage. Si on se rend compte qu’on aide trop largement, ça aura un impact sur les finances publiques » .
Face à cette crise du logement, le Pays continue à soutenir le dispositif des OLSP, ces organismes privés de logements sociaux producteurs du logement intermédiaire. 180 logements nouveaux ont été annoncés pour 2025. Ces opérateurs font face, eux aussi, à la hausse des coûts des matériaux.