Raoul Nouveau, installé depuis peu sur l’île, fait partie des habitants de Makatea opposé aux extractions, pour lui le problème est que le gouvernement occulte quelques parties du programme de celles-ci. « Ils nous parlent tout de suite de la réhabilitation, des terrains redevenus plats sur lesquels les gens pourront construire, cultiver etc… Dit comme cela, c’est vrai, c’est un beau projet, mais ils ne nous parlent pas des extractions, des dynamitages. Ils ne vont pas dans le détail. Avant le début des extractions, il va bien falloir faire des routes pour les gros camions etc… Cela risque de chambouler la vie des habitants. »
Jacquie est un ancien comptable de l’armée, à la retraite. Depuis seize ans, il vit à Makatea où il est propriétaire de la seule pension de famille de l’île et milite au sein de l’association Te Puna Nui No Makatea qui s’occupe de la sauvegarde du patrimoine de l’île. « On nous parle de la création de 300 emplois, mais à Makatea, ils sont 25 ou trente jeunes qui demandent à travailler. Et cela, c’est facilement absorbable avec les projets que l’on peut mettre sur place. Notamment au niveau de l’agriculture. On a de l’engrais, le phosphate, et surtout, de l’eau en abondance ».
Faire de Makatea un grenier agricole, à l’image de ce qu’est Tubuai pour les Australes, mais pour les Tuamotu. « 80% des légumes que l’on consomme aux Tuamotu proviennent de Papeete. Et nous ici, nous pouvons aisément fournir tout ça. Cela donnera du travail aux jeunes de l’île. Makatea présente des atouts majeurs pour un développement économique local ».
Dernier argument et pas des moindres, « Depuis l’arrêt des extractions de phosphates, la nature a repris ses droits. Et cela grâce au phosphate qui reste dans le sol. Et c’est cela que veut Colin Randall: récupérer tout le phosphate de l’île. Ils vont ramasser notre or, et reboucher avec du compost. Prendre notre engrais naturel et mettre à la place le leur. C’est cela qu’ils appellent la réhabilitation. »
Quant à Gladys, elle, elle est pour le projet car, « Il faut penser à l’avenir des enfants. Les jeunes ici travaillent sur le coprah. Cela ne suffit pas. Ils ne peuvent avancer dans la vie avec ce travail. Déjà du coprah, il n’y en a pas assez pour tout le monde. Il faut que Makatea se modernise. »
Pour mettre fin à ces débats où les pour, campent sur leur position et les contre idem, Colin Randall a la solution: une enquête publique. « Une enquête publique, c’est l’opportunité pour la population de dire oui ou non au projet ». A ce titre, un recueil sera mis à la disposition de la population dans six endroits différents et cela durant deux mois, où elle pourra se prononcer pour ou contre. Deux à Papeete, un à Rangiroa, un à Mataiva, un à Tikehau et un autre à Makatea.
Pour l’Australien, « Si les habitants de Makatea se prononcent pour le projet, et qu’une majorité se prononcent contre, le projet ne se fera pas. » Alors, coup de poker tenté par celui qui a investi près de 3 millions de dollars australiens (243 millions Fcfp) pour financer les études de faisabilité du projet et l’impact environnemental ? Pas si sûr.
« J’ai parlé en tête à tête avec de nombreux propriétaires et ayant droit de Makatea, aussi bien à Tahiti qu’ici à Makatea, et ce projet est supporté et voulu par une majorité « Bien que cela ne semble pas se refléter lors des réunions publiques. Mais comme chacun sait, en général, dans ce genre de réunions, ce sont surtout les « non » que l’on entend le plus, et Colin Randall semble sûr de son fait et d’obtenir gain de cause.
Pour le président du Pays, l’enjeu est simple: « Faut-t-il ou pas profiter de ce qu’il nous reste comme phosphate à Makatea pour que la population de Makatea connaissent autre chose que la désolation, telle qu’ils la vivent depuis la fin des années soixante. Majoritairement, la population réclame un sursaut, une réaction de la part des pouvoirs publics pour qu’ils puissent enfin connaitre autre chose que cette désolation permanente. »
Alors, se fera, se fera pas. Réponse avant la fin de l’année. Une chose est sûre, si le gouvernement ne met pas en place l’enquête publique avant la fin de l’année, Colin Randall laissera tomber le projet et ira faire des trous ailleurs.