Le geste est maîtrisé, la méthode bien rodée. Anna gère la découpe du tissu. Sa maman, elle, s’occupe de la couture. À bientôt 77 ans, Mama Veiti a cousu chaque jour des dizaines de masques, pour les offrir à la population de Moorea.
« Je pense qu’on en a fait 500 depuis le début du confinement, qu’on a distribué aux restaurants d’ici qui ont repris leur travail, qu’on a distribué aux familles, confie Anna. On en a donné aussi aux écoles, à la mairie de Afareaitu. Je pense qu’on a fait le tour de l’île de Moorea. »
Pour Mama Veiti, il était impensable de vendre ces masques. Car elle part du principe que le don appelle le don.
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« Des personnes sont venues nous donner du tissu, de l’élastique et du fil, donc on ne va pas les vendre !, dit-elle. Il faut les donner pour aider la population, pour aider les personnes qui n’ont pas les moyens de s’en acheter. »
La particularité de cette histoire de solidarité, c’est la machine à coudre utilisée. Une pièce de collection qui date de la fin du XIXe siècle, et qui aurait largement sa place dans un musée.
Mama Veiti avait 22 ans lorsqu’elle a découvert ce petit bijou. Sa propriétaire de l’époque s’apprêtait à l’envoyer au dépotoir.
« Quand j’ai vu cette machine, il n’y avait rien de cassé, se souvient-elle. Elle était en bon état. Bon, elle était rouillée. Mais j’ai demandé à la propriétaire : tu jettes ça aussi ? Elle m’a dit oui. Donc je lui ai demandé si je pouvais la prendre. Elle m’a prévenue qu’elle ne marchait plus. Je lui ai répondu que ce n’était pas grave, je m’en chargerai. »
Grâce à un réparateur, Mama Veiti l’a remise en état, moyennant 25 000 Fcfp, une somme importante pour l’époque. Mama Veiti a d’ailleurs dû la payer petit à petit.
Au fil des ans, la machine a servi à rafistoler des vêtements troués, coudre des draps ou des rideaux. Mais elle n’a jamais été autant utilisée que ces derniers mois.
« Le seul problème avec cette machine, c’est l’aiguille. Si elle se casse, on ne peut pas la changer. Il n’en existe plus. Donc je fais très attention pour ne pas la casser », assure-t-elle.
Et depuis 55 ans qu’elle entretient ce trésor, Mama Veiti sait exactement comment s’y prendre…
« De temps en temps, je prends mon flacon d’huile et j’en mets là où il faut. Comme ça, elle ne s’abîme pas. Comme on dit… il faut de l’huile ! »