Mourareau met la plume dans les plaies de notre société

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Il tente de "surmonter" la société plutôt que d'y vivre et dénonce dans ses ouvrages ce qui "crève les yeux". Après un premier roman publié à tout juste 28 ans, Mourareau revient avec un second ouvrage. Celui qui ne parle pas de lui comme d'un écrivain travaille déjà sur son prochain projet. Son humour noir et sa plume incise ont séduit de nombreux lecteurs. Portrait.

Publié le 25/08/2024 à 12:48 - Mise à jour le 25/08/2024 à 12:51

Il tente de "surmonter" la société plutôt que d'y vivre et dénonce dans ses ouvrages ce qui "crève les yeux". Après un premier roman publié à tout juste 28 ans, Mourareau revient avec un second ouvrage. Celui qui ne parle pas de lui comme d'un écrivain travaille déjà sur son prochain projet. Son humour noir et sa plume incise ont séduit de nombreux lecteurs. Portrait.

À 33 ans, Olivier Marrec, alias Mourareau, vient de publier son deuxième roman chez Au Vent des îles. Le jeune homme à l’humour noir et à la plume incisive ne s’est jamais imaginé devenir écrivain. Il ne se qualifie d’ailleurs pas comme cela et préfère dire, simplement, qu’il « écrit des romans ».

Né à Tahiti, Mourareau a, en partie, grandi aux Gambier. Il garde le souvenir d’une enfance « solitaire », et d’un village, Rikitea, « étrangement vidé de sa jeunesse ». Le jeune Olivier étudie par correspondance, loin du brouhaha de Papeete.

Plus tard, après son bac passé à Tahiti, il part faire ses études en métropole : « deux ans de classe préparatoire, puis Sciences Po Aix et le programme franco-russe à Moscou pendant deux ans », avant de revenir au fenua. Là, il intègre brièvement l’administration puis décide de se lancer dans l’entrepreneuriat avec Med.i.can. Le projet a pour objectif de « répondre aux problématiques des déserts médicaux où zones sous-médicalisées ». Med.i.can propose un container de télémédecine mobile et autonome en énergie. La start-up est primée au Tech4islands de 2020 et remporte le « grand prix Océanie ».  

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« Surmonter la société, régler mes comptes avec elle »

Mais la société Fenua medex à laquelle appartient Med.i.can est visée par une enquête, et tout s’effondre. « Cela a été une crucifixion médiatique. Point. Toutes les portes se sont fermées. Exit la présomption de culpabilité. Les amis, la famille, les partenaires, — la métastase sur les réseaux sociaux, nombreux à douter de notre intégrité alors que l’enquête dure depuis plus de trois ans et qu’aucune preuve n’a à ce jour été produite (…) On a tout liquidé suite à cela, d’autant que nous avons perdu presque tous nos contrats dans la foulée. »

2020 signe la fin de son aventure entrepreneuriale, mais la concrétisation d’un autre projet : la publication de son premier roman dont il a commencé l’écriture durant ses études, Méridien zero. Il y brosse le portrait, véritable caricature, de Bleu et Rose, un couple de trentenaires parisiens qui veulent croire, qu’ailleurs, une autre vie est possible. Criblés de dette, ils décident de s’envoler vers la Polynésie avec leur bichon maltais Trezor…

Écrire permet à Mourareau « de surmonter la société. Régler mes comptes avec elle, “entre mensonges romantiques et vérités romanesques”. Je ne dénonce rien qui ne crève les yeux », assure-t-il. Il s’inspire d’écrivaines comme Elfriede Jelinek, autrichienne, Prix Nobel de littérature 2004 et connue pour utiliser le « sarcasme » pour « détruire les stéréotypes sociaux » ou encore Annie Ernaux, écrivaine française, également prix Nobel de littérature.

« J’ai été dépossédé de mon travail — il me reste l’écriture, les raisins de la colère que je presse…« 

En 2023, Mourareau remporte une résidence d’écriture et part pour Moorea puis Amanu. De cette expérience, il tire « des gratifications, un peu de reconnaissance, la confirmation » de ses intuitions. Durant deux mois, payé pour écrire et déchargé des contraintes du quotidien, il se concentre sur son troisième ouvrage. Car le second est déjà prêt : Maeva Nulle Part sort en juillet 2024.

Son personnage principal, Manutahi, en crise identitaire, fait un bilan de sa vie. Dans ce roman transparait un peu de son auteur. « Mon personnage est paumé et frappé d’un profond désarroi — comme moi. L’œuvre est vertigineuse, dure, cruelle et sera éternellement liée à ce que j’ai vécu depuis 2020, le quelque chose que je traverse n’a pas encore de nom, l’enquête est en cours et il n’y a aucune raison pour que ce passif ne transpire pas dans mon écriture. J’ai été dépossédé de mon travail — il me reste l’écriture, les raisins de la colère que je presse… (…) J’ai créé un personnage qui ne se reconnait pas dans ce monde et dont l’identité est fragmentée, altérée, voire presque anéantie par des mégaoctets de contenu, la malbouffe, les sodas, car au fond, c’est son quotidien qui le définit, c’est ce à quoi il dédie son temps et ce n’est pas glorieux. Parler le reo ou faire deux heures de tamure dans la semaine ne doivent pas faire oublier le reste, les embouteillages, le junk food et les prières consacrées aux évêchés d’importation… Elle est où l’identité polynésienne tant les symboles ont changé ? Faut-il y consacrer un moment dans la journée pour se rassurer de sa « polynésianité » avec une minute de silence ? Se faire un brassard fraichement débarqué d’un long courrier ? Quel est le référentiel ? », questionne-t-il.

Le troisième roman de Mourareau n’est pour l’instant qu’un projet. « Le sujet de Maeva Nulle Part est l’effondrement psychologique, le prochain portera sur le passage à l’acte » annonce-t-il froidement.  

Olivier a depuis peu quitté la Polynésie française pour un autre archipel du Pacifique, Fidji. « Pour être avec celle qui m’est précieuse », confie l’auteur.

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