No swell ? No problem. Si vous attendez désespérément une houle Sud-Ouest et les grosses vagues de Teahupo’o, une alternative bien moins risquée existe dorénavant : « Objectif Teahupo’o » , jeu de stratégie et de plateau récemment présenté au Festival des Jeux du Fenua , vous permettra d’enchaîner les vagues sans vous soucier du nombre de personnes à l’eau ou des aléas météorologiques.
Le principe est relativement simple. Deux à six joueurs se déplacent tour à tour sur la carte de Tahiti, à la recherche de points de mana et de bonus pour remporter les compétitions de glisse organisées sur l’île, délimitée en cases. Le joueur avec les meilleurs tricks – entendez, la meilleure combinaison de dés – décroche des prix lui permettant d’avancer vers des spots de plus en plus compliqués : Orofara, Taharu’u et Hitia’a pour se mettre en jambe, Taapuna et Vairao pour les joueurs plus avancés, et Teahupo’o en guise de finish. Gagnez à Tchops pour gagner la partie.
La partie est pimentée par des cartes actions typiques des plaisirs tahitiens : des contrôles de mutoi inopinés pour bloquer les adversaires, du fafaru et du firifiri pour se déplacer plus rapidement, ou encore une carte jetski pour rejoindre directement un joueur où qu’il soit. Les plus vicieux peuvent même poser un jeton « cafard » pour mettre un coup de pression aux joueurs qui s’apprêtent à lancer leurs dés pour scorer une vague.
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Des références en forme d’hommage glissées par l’architecte du jeu, François Emadzadeh. Arrivé il a quatre ans au fenua, le fringant cherbourgeois s’est replongé dans son passé de joueur pour proposer un jeu actuel, et surtout local. « Je trouvais qu’il n’y avait pas beaucoup de jeux qui portaient sur Tahiti. Il y a bien sûr des jeux qui sont très connus ici – Tahiti Zombie, U-Chess, ‘Ata Roa pour ne citer qu’eux -, mais je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire » , explique-t-il. L’idée germée il y a un an ne tarde pas à éclore. Prof de maintenance nautique à Taravao, il investit de son temps libre – et de son portefeuille – pour établir les règles et les prototypes.
Le soir et les week-ends, il se poste à son imprimante 3D et sa graveuse laser pour créer les ébauches de ce qui deviendra le plateau et les pions, des petites pièces en forme de board, foil ou va’a selon les goûts. Les premières versions sont loin du rendu final. « La partie la plus dure, c’était vraiment les premiers tests, confie-t-il. Les premiers moments où tu imprimes ton jeu, tu vas voir tes potes avec tes idées. T’as réfléchi à ça pendant trois mois, déjà, et là, de se rendre compte que c’est totalement nul ou injouable, c’est assez frustrant » . Pas de quoi le décourager pour autant, puisqu’il ira jusqu’à 14 versions pour obtenir un résultat définitif.
Une affaire d’esthètes
L’objet en lui-même ne manque pas de détails. Fabriqué sans plastique, avec du bois, du métal, du carton et du papier de bonne qualité, le jeu repose sur un design peaufiné. Pour cette partie, François s’est fait aider par sa complice Pauline Martin, illustratrice. « Sans elle, ce projet ne serait pas, soutient-il. C’est elle qui a mis en forme le jeu. Certes, la dynamique est importante, mais l’aspect visuel est super important. On ne se doute pas de l’importance du premier regard qu’ont les gens sur la boîte. Tout de suite, ça peut les intéresser » , ajoute-t-il.
Au-delà des mécaniques de jeu, « Objectif Teahupoo » est pour son créateur une manière d’introduire aux joueurs la beauté de Tahiti et sa culture, « riche de plein de choses assez extravagantes et assez rigolotes » . À la fin du livret fourni avec le jeu, un glossaire traduit les mots tahitiens utilisés au cours de la partie et les noms des figures classiques du surf – quasi exclusivement des termes anglais. « Je suis persuadé que ça peut parler à quelqu’un qui ne connaît pas la Polynésie. Bien sûr, il y a des petites subtilités qui vont peut-être aiguiser la curiosité des personnes qui ne sont pas venues ici, ou qui connaissent peu le monde du surf, assure-t-il. Je pense que dans l’imaginaire des gens, Tahiti et le surf sont liés » .
Bien qu’il se qualifie de surfeur « médiocre – intermédiaire » , François est allé plusieurs fois défier la fameuse vague, qu’il admire autant qu’il craint depuis son plus jeune âge. Il en garde du mana, et une planche cassée, tout de même. « L’histoire du surf s’est jouée à cet endroit-là, t’as un peu l’impression d’être comme sur l’endroit où il y avait le mur de Berlin, sourit-il. C’est un spot où des choses incroyables se sont passées, il y a des gens qui se sont faits peur, il y a des gens qui se sont faits mal, il y a des gens qui ont pleuré, c’est incroyable » .
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Parmi eux, le champion olympique de surf en titre Kauli Vaast, tout juste paré d’or, a eu droit à un exemplaire du jeu en avant-première. L’anecdote « la plus extravagante de la courte vie de ce projet » , raconte François. Présent à la cérémonie de remise des médailles au village de Teahupo’o, son jeu sous le coude, il parvient à se faufiler à quelques mètres du rider de Vairao sursollicité pour le lui offrir. « J’arrive devant lui et je lui tends la boîte. Il me dit ‘Désolé, je dois y aller’ . Je lui réponds ‘Non mais en fait, c’est un cadeau!’ . Il l’a gardé avec lui pendant un petit moment avant de filer vers ses projets futurs » , rit-il.
Le Festival des Jeux du Pacifique, test réussi
Sa crainte que le jeu n’attire pas un public adolescent a été en partie dissipée par ses retours lors du Festival des Jeux du fenua. « De ce que j’ai vu, si on les met en face de ce jeu et qu’on leur dit, allez-y, jouez, ils posent leur téléphone et se mettent à 100 % dedans. On peut adapter la complexité des règles, et ça fonctionne » , estime-t-il. Le mélange inédit de yams, poker et Monopoly, a su convaincre au-delà de ses espérances.
L’originalité du jeu a particulièrement été appréciée. « On n’a jamais vu ce gameplay-là. C’est une vraie fierté de se dire qu’on n’est pas allés copier, qu’on n’a pas demandé à l’IA de nous faire un scénario. On a créé ça de toute pièce avec Pauline et les testeurs » , ajoute-t-il.
Reste à convertir l’essai. « Objectif Teahupo’o » est entré dans sa phase de commercialisation : quelque 500 exemplaires ont été commandés et devraient être mis en vente à Odyssey et au Wonderland, avec qui François a déjà pris contact pour un événement accompagnant le lancement, que rien ne saurait perturber. Sauf, peut-être, des conditions de surf exceptionnelles à Teahupo’o dans la vraie vie. « C’est bien beau de surfer en jeu de société, mais le mieux, c’est quand même d’aller surfer sur les spots, et peut-être même espérer aller à Teahupo’o. Donc Objectif Teahupo’o ! » , conclut François.
« Objectif Teahupoo » sera bientôt disponible à la vente, pour 7 000 francs.
Plus d’infos à venir sur les points de distribution sur la page Objectif Teahupo’o – le jeu de société