Le premier conseil des ministres de l’Histoire tenu à Rapa, c’est une volonté politique de désenclaver l’île. Mais les habitants ne le souhaitent pas toujours. Sur le tourisme par exemple, ils veulent limiter les visites de l’Aranui, qui en souhaiterait au moins une par mois avec son futur navire.
« Avec l’arrivée de l’Aranoa et 200 passagers, et le Na Hiro e Pae qui va arriver en même temps, en 2026, qui double sa capacité de transport de passagers, j’ai peur que l’on soit envahi avec les fréquences annoncées, de 6 à 22 voyages par an », souffle le maire de Rapa, Tuanainai Narii.
L’édile s’inquiète aussi pour la santé de ses administrés. Lui-même a été le premier évasané par hélicoptère Super Puma. Il craint le départ de l’Armée et, faute de piste, il voudrait consacrer un hydravion aux évacuations sanitaires. Il le verrait bien se poser dans la tranquille baie de l’île. Les évasans par hélicoptères restent coûteuses et très longues.
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« Il y a un délai entre le déclenchement et l’arrivée de l’hélicoptère, puisqu’il part de Tahiti, puis va refaire le plein de carburant, principalement à Raivavae, et il arrive ensuite à Rapa. Là, il fait à nouveau le plein pendant que le médecin fait le bilan du patient », explique l’infirmière de l’île, Blandine Paccallet.
La jeune femme est la seule infirmière de Rapa. Et il n’y a pas de médecin, sauf deux semaines tous les six mois. Mais la dernière mission a été annulée. Les patients voient donc un docteur pour la première fois depuis un an.
« On a des patients diabétiques, d’autres hypertendus. Des consultations de cardiologie et d’endocrinologie sont nécessaires, voire aussi des consultations de pédopsychiatrie », estime le docteur Naomi Fano.
Les femmes vont accoucher à Tahiti, comme dans la plupart des îles. Mais l’isolement de Rapa les contraint à quitter leur famille pour longtemps. « Je reviens en décembre, puis je repars en janvier jusqu’à ce que j’accouche au mois de mars. Après, je serai encore obligée de rester un mois avant de revenir », témoigne Vaimareva Temaihaga. « Ce n’est pas facile pour la vie de famille. Je dois laisser mon fils. Quand je suis à Tahiti, je pense à ma petite famille. Je ne sais pas s’ils vont bien », ajoute-t-elle.
Les enfants, eux, quittent leurs parents dès le collège pour être scolarisés à Tubuai. Beaucoup ne reviennent jamais. La proportion des moins de 30 ans a été divisée par deux en quinze ans. Ceux qui retournent sur leur île doivent se réadapter, notamment à une vie sans le haut débit.
« A Tahiti, on a la 4G. C’est plus rapide. Ici, on n’a pas ça. Il y a beaucoup de bugs. Des fois, tu t’énerves, car c’est très long », sourit Kauti, 18 ans.
Le Président Brotherson a promis un meilleur débit pour bientôt, via Starlink ou Oneweb. Mais cette vie communautaire, loin des écrans, a aussi ses avantages : elle laisse du temps libre pour échanger avec les anciens et conserver les savoirs d’autrefois. Tout ce que le Conseil des Sages de Rapa souhaite protéger.