Chaque année, 67% des dépenses de santé de la Caisse de Prévoyance Sociale, soit 43 milliards de francs, sont dédiées aux longues maladies. Et depuis plus d’un an, la CPS octroie moins de carnets rouges aux malades, car elle est désormais plus regardante sur les critères d’attribution. Les patients, et certains personnels du corps médical, s’interrogent sur les motifs des ces non-renouvellements ou des refus d’attribution.
« Il y a un grand questionnement des patients. Est-ce qu’on veut me soigner ou est-ce qu’on veut me laisser mourir ? Quels sont leurs objectifs, est-ce que c’est réduire le coût des longues maladies ou est-ce que c’est vraiment prendre soin des patients pour diminuer le nombre de maladies ? », s’interroge Mireille Duval, la secrétaire générale du syndicat du personnel du centre hospitalier du Taaone.
Et celle-ci d’ajouter : « Il y a toujours un coût, mais mettre en péril la vie de quelqu’un, je pense que ce n’est pas la meilleure décision à prendre. Les patients qui n’ont plus de prise en charge en longues maladies reviennent vers nous, vers l’hôpital, parce qu’ils bénéficient du tiers payant, ou bien d’une couverture temporaire en longue maladie, dans l’attente d’une réponse ».
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Le coût élevé des médicaments et des consultations dissuade de nombreux patients de se soigner. Depuis plusieurs années, le carnet rouge joue un rôle de relai social malgré lui en permettant, aux personnes nécessiteuses, une prise en charge à 100% des prestations de santé. Il était toutefois essentiel d’être plus vigilant sur leur attribution selon les médecins conseils de la CPS.
« La rigueur qui a été mise en place est essentiellement dans les critères d’inclusion, c’est sûr qu’on demande beaucoup plus de précisions aux médecins qui font les demandes ou les prolongations. C’est pour cela qu’on a peut-être le sentiment qu’il y a une baisse de demandes des longues maladies. Il y a le cas typique de celui qui a fait un AVC. Au bout de 3 ans, ils font une demande de renouvellement et ils font ‘AVC il y a 3 ans, point’. » On leur dit oui, mais au bout de 3 ans comment est-il ? Est-il paralysé ? Va-t-il mieux ? N’a-t-il plus de séquelles ? Nous, on a un besoin de précisions, on ne peut pas tout deviner », fait valoir le docteur Heimana Trouche, médecin conseil de la CPS.
Ce cas de figure serait pourtant exceptionnel selon d’autres médecins. Depuis 2018, plusieurs rencontres ont eu lieu sous l’égide de l’ARASS avec la CPS, le gouvernement et les professionnels de santé. Des discussions qui doivent se poursuivre en urgence, selon le syndicat des médecins libéraux de Polynésie française.
« On avait déjà convenu avec la ‘médecine-conseil’ de la CPS que tous ceux qui bénéficiaient de la longue maladie, à l’époque où il y a eu le changement, devaient continuer d’en bénéficier. Ce n’est pas toujours le cas, on l’a bien constaté », souligne Didier Bondoux, président du syndicat des médecins libéraux de Polynésie française.
« Deuxièmement, je pense qu’il faut prévoir un système de prise en charge social de notre population qui est nécessiteuse, qui ne passe pas par la longue maladie. A nos politiques de trouver le système adéquat pour le faire. On comprend bien qu’en parallèle, et par la suite, on pourra mettre en place une longue maladie un peu plus stricte sur les raisons médicales de son octroi. Mais beaucoup de choses sont à faire et on se rend bien compte qu’au niveau de l’accès aux soins, beaucoup de gens n’y ont plus accès, façon si simple que ça pouvait l’être », regrette-t-il.
Contacté, le ministère de la Santé n’a pas souhaité réagir. Une proposition de loi de Pays visant à modifier certaines dispositions relatives à la prise en charge des longues maladies a été adoptée à l’unanimité le 22 juillet au CESEC.
Le gouvernement devrait la présenter à l’assemblée ce jeudi. À noter que le CESEC, tout comme les médecins, attend avec impatience l’arrêté d’application qui doit fixer la nouvelle liste des longues maladies.