« Nous étions là ! » : c’est avec ces mots que le président Fritch a rappelé que la Polynésie n’était pas un désert au commencement des essais nucléaires en 1966.
Le professeur d’histoire à l’université de Haute-Alsace, Renaud Meltz, rappelle grâce à l’étude des archives, que plusieurs sites géographiques comme la Corse avaient été considérés par le Général de Gaulle pour réaliser les essais nucléaires. Étant trop proche de l’hexagone, cette idée sera vite abandonnée. Ce ne sera pas non plus dans le désert algérien que les essais continueront après 1966 pour des raisons diplomatiques. L’État français se tournera finalement vers ce qu’il considère à l’époque comme le désert maritime du Pacifique : la Polynésie. « C’est aussi une représentation de continentaux, c’est-à-dire qu’après avoir fait des essais en Algérie dans le désert, les Français comprennent mal la spécificité maritime du grand océan. Ils voient des îles isolées, séparées, avec plus ou moins une population, mais ils ne comprennent pas qu’il y a un écosystème global, des circulations, des courants, des poissons, du plancton… et que ce qui est contaminé localement est en fait contaminé globalement » explique le professeur Meltz.
Selon Jean-Marc Regnault, professeur d’histoire à l’université de Polynésie française, si les essais nucléaires ont eu lieu en Polynésie c’est grâce à la stratégie de séduction du Général de Gaulle. Une stratégie basée sur des promesses de dynamisme économique et de développement des îles que le Général n’aurait pas manqué de mettre en avant : « On va transformer le pays avec des aéroports, des ports, des équipements… de l’argent va arriver en abondance, du travail pour les entreprises, du travail pour les Polynésiens qui vivent un peu d’autosubsistance etc. Et c’est ce qui a été réussi finalement par le Général de Gaulle ».
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En plus de l’impact sur la biodiversité dans les atolls, l’ingénieur de recherche à l’université de Haute-Alsace, Benjamin Furtz, souligne après ses études que l’activité humaine et économique générée par les essais nucléaires ont eux aussi eu un impact écologique à Papeete : « Il y a des choses qui ne sont pas directement liées au CEP mais au développement de Tahiti à la suite de l’arrivée du CEP, et plus généralement de l’entrée de la Polynésie dans la société de consommation post Seconde Guerre mondiale, avec des versements d’eaux usées par exemple, ou de l’hypersédimentation parce que qui dit activité humaine dit érosion des sols qui se retrouvent dans les rivières et vont se jeter dans le lagon ».
Malgré tous les griefs relevés lors de leurs études, une nuance est apportée par le professeur d’histoire à l’université de Pau et du Pays de l’Adour, Alexis Vrignon. C’est après son approche de terrain qu’il peut remarquer que le CEP a eu un impact au niveau social : « Quand on prend la peine de discuter longuement avec les témoins, notamment les plus anciens qui ont connu le nucléaire sur une longue période, les représentations sont plus ambivalentes, parce que ça représente aussi une période d’opportunité économique, de connexion au monde, de rencontres avec d’autres personnes, et sans que cela n’enlève la partie critique, eh bien cela rajoute de la nuance à tout cela ».
Dominique Sorain, invité du journal, sur le fait nucléaire en Polynésie :
Le traitement des archives rendues accessible en juillet dernier par l’État français devrait apporter encore plus de précisions sur les circonstances exactes de ce que certains appellent encore « les Trente Glorieuses » de la Polynésie française : « Les Polynésiens ont le droit de savoir ce qu’il s’est passé. Et comme dans d’autres domaines, le président de la République a pris l’engagement de déclassifier ces archives pour qu’elles soient plus accessibles, notamment aux chercheurs, pour qu’ils puissent avoir la documentation nécessaire pour leurs travaux et que cela puisse bénéficier après à tout le monde » a précisé Dominique Sorain, haut-commissaire de la République en Polynésie française.