Fils du scientifique américain Michael Poole, et d’une maman polynésienne passionnée de danse, Temoana s’est toujours senti l’âme d’un artiste. Il grandit entouré de nature, et se passionne très tôt pour l’image. « Depuis petit, papa commande des magazines National Geographic. Tous les mois, on les reçoit. Je vois ces images depuis petit, des animaux, des endroits naturels dans le monde. Et puis papa, il a cette vision aussi d’ailleurs. »
C’est à 11 ans que Temoana reçoit de son père, son premier appareil photo, un argentique. Très vite, l’enfant de Moorea se met à capturer les paysages de son ile.
Après le bac, il prend une année pour réfléchir et décide finalement de partir étudier aux États-Unis durant deux ans. Là-bas, il prend des cours de sculpture, de voile, de musique… Mais ce voyage est surtout l’occasion de lui ouvrir les yeux sur les différences avec son fenua. « Là-bas, ils n’ont pas du tout accès à la nature. Tous les terrains sont clôturés, tout est fermé, explique-t-il. Les animaux ne peuvent même plus bouger. Et si tu veux te nourrir, tu es obligé d’aller au magasin. Tu n’as pas de manguiers, de tumu uru, tu n’as pas des poissons juste là. Aux États-Unis, pour pêcher, il faut payer un permis. »
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Lorsqu’il revient à Moorea, c’est un nouveau regard qu’il pose sur les vallées, le lagon… Il se saisit à nouveau de son appareil et la photographie devient pour lui une lutte silencieuse contre l’urbanisation. « C’est capturer la beauté d’un moment (…). Ce qui me plait, c’est de capturer les plus beaux endroits de chez moi et les partager, surtout quand je vois qu’aujourd’hui tous ces endroits commencent à disparaître un peu plus. »
À la même époque, il aide à fonder l’association de préservation des récifs coraliens Coral Garderners dont il deviendra le premier photographe.
Investi en mer, comme sur terre, Temoana monte ensuite sa propre association, Keep Moorea Wild. L’objectif : racheter les terres pour les préserver. « À force de voir l’île changer, tous ces endroits que depuis petit, je respecte, où on va cueillir des fruits, où on va s’amuser, où on va se recueillir, se faire détruire, bétonnés, transformés en parkings. Je me suis demandé, à mon échelle, ce que je pouvais faire, parce que j’ai l’impression qu’il n’y a rien en place pour préserver nos terres. (…) Ce qu’on fait, c’est qu’on va rencontrer des familles qui veulent vendre leurs terres et on va proposer aux entreprises, aux personnes, de sponsoriser un mètre carré de terre à la fois pour préserver ces terres comme ça, les locaux ont une alternative, au lieu de vendre peu aux promoteurs, ils peuvent vendre à l’association. (…) La terre continue à donner de la vie et les animaux continuent à avoir un refuge. Par exemple, là, on a une terre à Vaiare où on a un marae. On va restaurer le marae. Tous les arbres fruitiers vont être gardés pour continuer à donner à manger à la population et aux animaux. En gros, ce qu’on veut, c’est avoir des sanctuaires terrestres un peu partout sur l’île pour qu’on ait des terres qui restent authentiques. »
Sessions de pêche, découverte du autera’a par son neveu, chants et danses, nage avec les baleines… le jeune trentenaire partage aussi son quotidien sur les réseaux sociaux. Devenu créateur de contenu, Temoana compte près de 40 000 abonnés sur TikTok, 12 000 sur Instagram, 27 000 sur Facebook. Pour lui, les réseaux sociaux sont un autre moyen de préserver son fenua, sa culture. « Je trouve que les réseaux sociaux, c’est l’outil le plus puissant qu’on a aujourd’hui pour être acteur du changement. (…) C’est important de partager notre manière de vivre pour nos enfants, parce qu’aujourd’hui, on leur met devant les yeux toute cette modernité, toute cette façon de penser étrangère, toute cette manière de vivre étrangère. À l’école, on ne présente pas notre culture, notre façon de penser. Pour moi, le fait de partager ces vidéos, cette façon de voir les choses, c’est une manière de préserver un peu notre héritage profond, notre manière d’être. »
Pour gagner sa vie, Temoana partage aussi aux touristes ses connaissances sur l’histoire du fenua, et sur l’île sœur. Il est aussi régulièrement invité à bord de bateaux de croisière. Véritable ambassadeur de la culture, il a l’intention de poursuivre ses actions, toujours plus loin.