Sous-effectifs et afflux de patients graves : sursaturation alarmante au CHPF

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180% de taux d’occupation en oncologie, 117% en pneumologie, 106% en cardiologie : le CHPF est confronté à un afflux sans précédent de patients graves, à laquelle s’ajoute une importante pénurie d’infirmiers spécialisés. L’hôpital est ainsi contraint de tourner avec 4 à 6 blocs contre 8 en temps normal. En attendant l’arrivée de personnel qualifié attendu pour fin janvier, la pression monte sur les effectifs.

Publié le 15/11/2022 à 17:05 - Mise à jour le 16/11/2022 à 9:59

180% de taux d’occupation en oncologie, 117% en pneumologie, 106% en cardiologie : le CHPF est confronté à un afflux sans précédent de patients graves, à laquelle s’ajoute une importante pénurie d’infirmiers spécialisés. L’hôpital est ainsi contraint de tourner avec 4 à 6 blocs contre 8 en temps normal. En attendant l’arrivée de personnel qualifié attendu pour fin janvier, la pression monte sur les effectifs.

Confrontés à une progression sans précédent de son activité depuis le début de l’année, les effectifs du CHPF sont en apnée. Si l’établissement s’attendait à une vague post-Covid, c’est un « phénomène nouveau », que constate la direction. « Le rebond que l’on pensait être lié à des retards de prise en charge post confinement et post covid, se chronicise, il ne faiblit pas« , révèle la directrice de l’hôpital, Claude Panero.  

En témoignent les taux d’occupation sans commune mesure avec l’aire pré-Covid. Plus de 100% dans les secteurs de médecine chirurgie (180% en oncologie, 117% en pneumologie, 106% en cardiologie). C’est encore plus vrai aux urgences, où l’afflux de patients P1 (priorité 1, soit les patients les plus graves avec complexité de diagnostic) a bondi de plus de 33%. Pire encore pour les patients de niveau P2, qui affichent 66% de progression. Des prises en charge qui nécessitent des hospitalisations lourdes. « Le serpent se mord la queue, les délais d’attente se rallongent selon la hiérarchie des urgences, le risque vital bien sûr passe en priorité, mais les autres patients attendent« , reconnaît le président de la commission médicale d’établissement, Philippe Dupire.

Quand sur l’hexagone, un hôpital franchit un taux d’occupation de 85%, les structures de soin périphériques lui laissent une certaine marge de manœuvre. « Nous si on dépasse 85%, on se retrouve tout de suite en zone périlleuse parce que nous n’avons pas de structure de décharge », alerte Philippe Dupire. Et si les cliniques sont mobilisées pour prendre le relais, ça ne suffit pas.

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Prise en charge dégradée des patients

Un effet « pernicieux » selon la direction qui pèse forcément sur le moral des troupes encore présentes. Car qui dit progression des activités, dit tensions des effectifs. Or, le CHPF est confronté depuis avril à une pénurie d’Ibode (Infirmier de bloc opératoire diplômé d’Etat). Du personnel spécialisé qui nécessite 22 mois de formation comme prévu par le diplôme national. « On arrive normalement à les former en 4 à 5 mois, mais pour cela, il faut tutorer et pour tutorer il faut des Ibode, et comme ce personnel est en nombre restreint, ils n’ont pas le temps », poursuit Philippe Dupire. 10% des effectifs de l’hôpital sont concernés selon la direction. « C’est colossal pour un établissement comme le nôtre » reconnaît Claude Panero.

Résultat : L’établissement est contraint de fonctionner avec 4 à 6 salles d’opération contre 8 en temps normal. Par ricochet, la prise en charge dégradée des patients génère non seulement une insatisfaction de la population mais aussi des contrariétés du côté des soignants. Si le CHPF assure avoir activé « tous les leviers de recrutement », en Polynésie, en Calédonie et à l’échelle nationale, la situation ne devrait pas se lisser avant au moins fin janvier.

Mais le CHPF est également confronté à une vague de départs, comme celui de neuf professionnels de santé, aujourd’hui en parti remplacés. En parallèle, le taux d’absentéisme explose : +37% d’arrêt maladie, soit plus 40% de jour d’arrêt de travail par rapport à 2019. « On est sur un phénomène de fond », résume la directrice. « On est sur une conjonction d’événements et quels que soient les leviers qu’on active, nous n’avons aucune résonnance de retour sur les appels à candidature y compris à l’appel national ».

Marc Levy, président du syndicat des praticiens hospitaliers du CHPF. Crédit photo TNTV

Des effectifs « proches du burn out »

Du côté du syndicat des praticiens hospitaliers, on reproche justement à la direction un manque d’anticipation dans un contexte de pénurie globale d’Ibode. « Ça fait des mois qu’on sait que certains professionnels seront en fin de contrat et il y a eu clairement un manque de réactivité de la direction qui n’a fait que des annonces de recrutement local avant de faire très récemment des recrutements à l’échelle nationale« , dénonce Marc Levy, président du syndicat. « On ne peut pas opérer sans ce personnel et par conséquent, on est obligé d’appeler les patients pour annuler leur intervention quand ce n’est pas urgent, ils peuvent donc attendre parfois plusieurs mois. Et dans les urgences qui se présentent à l’hôpital ils sont obligés d’attendre 24 à 48 heures avant d’être opérés ». Même écho du côté du syndicat CSTP/FO, qui rapporte de nombreux arrêts de travail et des effectifs « proches du burn out », tenus de faire des efforts exceptionnels pour compenser ce manque de personnel.

« On subit la gestion strictement administrative et comptable de la direction », assène à nouveau le président du syndicat des praticiens hospitaliers. « Qu’on nous donne les moyens de faire fonctionner dans de bonnes conditions ».

Le statut de la fonction publique pointé du doigt

C’est selon le syndicat des praticiens hospitaliser un élément qui pèse sur l’attractivité des postes en Polynésie : le statut de la fonction publique qui régit les conditions de recrutement et d’indemnisation du personnel de la filière médicale. Un statut qualifié d’obsolète comparé à celui de la métropole, et qui présente un circuit administratif chronophage. Si une telle réforme nécessiterait au moins quelques années de chantier, elle ne changerait rien au mode de financement explique-t-on du côté des autorités sanitaires. Celui-ci étant pris en charge à hauteur de 60% par la dotation globale de fonctionnement de la CPS et par des subventions du Pays.

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