Thorel quitte son poste de Procureur de la République : sa dernière interview

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Publié le 31/07/2016 à 10:35 - Mise à jour le 31/07/2016 à 10:35

Nuutania reste une prison surpeuplée avec des conditions de vie difficiles. Pourtant, en Polynésie, la délinquance est plus faible qu’en métropole. Est-ce que la politique pénale ne doit pas proposer plus d’aménagements de peine plutôt que de continuer à remplir les prisons ?
« Tout à fait. C’est une des directives de politique pénale nationale que de privilégier soit les alternatives aux poursuites, ce que nous faisons ici avec des stages de sensibilisation aux dangers de la drogue ou de la route, soit en privilégiant le travail d’intérêt général qui est un substitut à l’emprisonnement. Mais aussi pour les personnes qui doivent subir une peine d’emprisonnement, en essayant au maximum d’aménager ces peines sous la forme du bracelet électronique que nous utilisons de manière importante en Polynésie, la semi-liberté, le placement en chantier extérieur… Toute une série de mesures qui permettent d’aérer la surpopulation de Nuutania (…) Les perspectives sont là. Papeari 2017 devrait nous permettre d’avoir des taux d’occupation beaucoup plus dans les normes »

Après 7 ans à diriger le Parquet, quelles sont vos principales satisfactions ?
« Aujourd’hui (vendredi 29 juillet, NDLR), c’est mon dernier jour et ce n’est pas sans un pincement au coeur que je vais quitter la tête du Parquet de Papeete. J’y ai travaillé pendant 7 ans, je vais regretté cette équipe qui était très soudée autour de moi : mes collègues collaborateurs, magistrats, vice-procureur, substitut, greffiers, secrétaires… J’ai pu, grâce à ce travail d’équipe et aussi avec la collaboration des services de gendarmerie, de police, de la pénitentiaire, mettre en place toute une série de politiques pénales qui essaient de réguler les dysfonctionnements qui peuvent apparaître spécifiquement en Polynésie. Je pense à la délinquance routière qui est un gros problème, mais aussi la consommation, le trafic de produits stupéfiants qui pose des problèmes de sécurité et de santé publique, aussi la lutte contre la nuisance sonore que j’ai essayé de privilégier… Toute une série de chantiers qui ont pu aboutir et qui me donnent beaucoup de satisfaction au moment de quitter ce poste. »

Durant ces 7 ans de mandats, est-ce qu’il y a une affaire qui vous a particulièrement marquée ?
« Plusieurs affaires criminelles complexes. Je pense à la disparition de ce touriste allemand, tragique, aux îles Marquises, qu’on a pu élucider rapidement. Je pense aussi au rapt et au viol de cette jeune, gamine de 14 ans qui avait été battue à mort et violée. 23 ans après, grâce au travail de police technique, nous avons pu élucider cette affaire. C’est ce type de dossiers qui vraiment donne le sentiment du travail accompli. »

Revenons sur les délits routiers. Malgré une baisse des accidents et des blessés, on observe une hausse des décès sur la route cette année. Que peut faire de plus la justice pour endiguer la tendance ?
« Un double travail. D’abord un travail de prévention et notamment prévention de la récidive. A la fois par des actions de formation, de sensibilisation -je vous parlait des stages alternatifs aux poursuites qui sont mis en place en collaboration avec l’association de prévention routière locale-, mais aussi un travail de répression renforcée notamment par le développement de la comparution immédiate, qui permet d’avoir des réponses pénales immédiates, rapides, juste après la garde à vue, par exemple contre les multirécidivistes de la conduite sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants, qui deviennent de véritables dangers, de véritables criminels au volant. »

On vous a vu beaucoup batailler contre Gaston Flosse avec des polémiques souvent dures. Quel regard portez-vous sur cet homme contre qui vous avez souvent requis ? 
« Il n’appartient pas au Procureur de la République de porter des jugements de valeur sur telle ou telle qualité humaine des personnes prévenues. Pour moi, il s’agissait d’abord de décliner en Polynésie française des priorités de politiques pénales nationales posées par le Garde des sceaux, qui étaient de renforcer la lutte contre la corruption, contre le favoritisme, contre le trafic d’influence et surtout contre le détournement de fonds publics. Il s’est trouvé que certains responsables politiques, Gaston Flosse n’a pas été le seul, ont multiplié les délits dans ce domaine. Et donc il ne faut pas s’tonner qu’ils aient fait l’objet de multiples poursuites. J’en veux pour preuve aujourd’hui -et ça n’émane pas du Parquet de Papeete- une saisine du Procureur de Paris, très récente, à la suite du contrôle du bilan du patrimoine de fin de mandat. »

Par rapport à Gaston Flosse. Est-ce que vous quittez votre mandat avec le sentiment du travail accompli ?
« Oui envers lui comme envers d’autres. Je considère que le Procureur de la République a pour charge de mener l’accusation, de veiller à ce que la loi soit appliquée et parfois avec rigueur. Je pense l’avoir fait »

Dernière question. En quoi vont consister vos nouvelles fonctions de substitut général au Parquet de Papeete ? 
« Le substitut général est un magistrat de la Cour d’appel, du Parquet de la Cour d’appel. Donc je serais au côté de monsieur le Procureur général, un de ses collaborateurs, et j’aurais pour mission notamment de soutenir l’accusation, mais cette fois-ci en Cours d’appel »

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