Sorti il y a plus d’un mois sur le réseau social TikTok, le filtre « Bold Glamour » continue d’impressionner. Et pour cause : si la plus part des filtres s’effacent lorsqu’on passe les mains devant l’écran, Bold Glamour ne bouge pas, et s’adapte parfaitement au visage de son utilisateur.
Hyper réaliste, il est difficile à détecter sur une video, prend en compte la couleur de peau de son utilisateur, affine le nez, dessine les sourcils, donne une bouche pulpeuse… De quoi coller aux standards de beauté déjà largement véhiculés par les réseaux sociaux.
@alvaroo_gl Probando el filtro de tiktok en mi clase #probandofiltros #filtrosdetiktok #boldglamour ♬ TQG – KAROL G & Shakira
Contacté par plusieurs médias notamment The Verge, TikTok refuse d’expliquer la technologie derrière ce filtre. Selon Hany Farid, professeur d’informatique à l’Université de Berckley (et ancien membre du conseil consultatif sur le contenu de TikTok), interrogé par le Washington Post, le réseau social se servirait de l’intelligence artificielle générative.
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L’intelligence artificielle pour des filtres toujours plus réalistes
En février, Tik Tok a en effet annoncé sur sa plateforme dédiée à la création d’effets, Effect House, la possibilité d’utiliser des GAN, Generative Adversarial Network (réseau antagoniste génératif). Les GAN permettent de rendre les effets beaucoup plus réalistes et adaptés.
L’utilisation de filtres de plus en plus réalistes inquiète. En Polynésie où TikTok est en majorité utilisé par un jeune public, cette modification virtuelle de l’apparence pourrait dans certains cas s’avérer néfaste. « À l’adolescence, l’image du corps et l’image de soi est en pleine transformation, souligne Nathalie Colin-Fagotin, psychologue fondatrice de Familipsy. Elle est souvent un peu difficile à accepter pour beaucoup de nos adolescents donc changer l’image de soi et gommer les petits défauts, c’est quelque chose dont les adolescents vont être friands. (…) Pour un certain nombre d’entre eux, il y a un vrai souci de travailler leur image et de donner à voir aux autres une image qui correspond à leurs critères de beauté, socialement acceptés par leurs pairs. »
La psychologue prévient : Avec certains adolescents, « on peut glisser vers quelque chose de problématique, (…) puisqu’on peut se retrouver un peu prisonniers d’une image de soi, comme d’un avatar qu’on construirait et qui serait notre apparence mais virtuelle, retravaillée donc pas réaliste et qui servirait de façade par rapport aux autres (…) C’est vraiment un phénomène sur lequel il faut rester vigilant parce que cela peut devenir un vrai problème. »
Mais les adultes sont eux aussi concernés. En Europe, une étude datée de 2021 de la Cité universitaire de Londres, montre que 90% des jeunes femmes utilisent un filtre avant publier une photo.
@gabunion #DovePartner I am turning my back on the Bold Glamour Filter. I am enough! Join me and #TurnYourBack #BoldGlamour #LetsChangeBeauty ♬ original sound – Gab Union
Utiliser des filtres systématiquement et vouloir coller à une image lisse et parfaite de la beauté, mais surtout virtuelle, amène inévitablement à des complexes. Le filtre Bold Glamour efface tout défaut, jusqu’aux pores de la peau. Et le décalage avec la réalité est si brutal que certains utilisateurs en arrivent à se trouver moins beau sans le filtre.
Bold Glamour rappelle la technologie du deepfake, qui permet de remplacer un visage par un autre de manière très réaliste et de changer les propos d’une personne. Un pas de plus vers un avenir où il sera de plus en plus compliqué de faire la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas sur Internet…