« On fait face à une épidémie qui est explosive. Je souhaiterais que la population en prenne bien conscience », a martelé le docteur Henri-Pierre Mallet, épidémiologiste de la plateforme covid, allant jusqu’à dire que « la situation est catastrophique », en mentionnant la saturation des services de soins.
En Polynésie, le taux d’incidence a dépassé les 1 500 cas par semaine pour 100 000 habitants. Henri-Pierre Mallet rappelle cependant que « la grande majorité des cas sont des formes relativement bégnines ».
Alors que les personnes âgées étaient les premières touchées par la covid lors de la première vague, ce sont davantage les 20-59 ans qui semblent être concernés par cette seconde vague. Un fait qui s’explique selon l’épidémiologiste par la vaccination massive des matahiapo depuis le début de la campagne de vaccination, mais pas que.
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Si l’âge moyen des personnes hospitalisées est de 57 ans, Henri-Pierre Mallet explique que 85% d’entre elles ne sont pas vaccinées. Il a tenu à souligner le rôle du vaccin comme frein à la mortalité des patients covidés.
Quant aux patients décédés, ils étaient en moyenne âgés de 73 ans, les plus jeunes ayant 55-60 ans. Il a été précisé que tous étaient au moins porteur d’une comorbidité. 75% d’entre eux n’étaient d’ailleurs pas vaccinés. Face aux 25% restants, le taote a indiqué que « les vaccins ne protègent pas contre les pathologies sévères », dont les patients décédés étaient déjà atteints.
Augmenter la couverture vaccinale
Pour freiner la transmission, pas de secret : Henri-Pierre Mallet et Daniel Ponia, responsable de la mobilisation communautaire de la plateforme covid, ont été unanimes : il faut que la population continue d’appliquer les gestes barrières et augmenter la couverture vaccinale.
« La vaccination sert à se protéger contre les formes graves de la maladie. Beaucoup de gens n’ont pas compris ce message-là », a déclaré Daniel Ponia. « Nous sommes persuadés que c’est le seul moyen d’obtenir l’immunité collective ».
Il reste toutefois lucide sur les risques de transmission de la covid malgré un schéma vaccinal complet : « ce n’est pas parce que nous sommes vaccinés qu’il faut arrêter les mesures barrières ».
À ce jour, 38% de la population a aujourd’hui reçu au moins une dose et 29% possède un schéma vaccinal complet. Les matahiapo sont les mieux protégés avec 78,65% d’entre eux vaccinés. Les chiffres baissent chez les 60-74 ans avec 56,80% et 42,33% chez les 18-59 ans.
Face à un regain des demandes, d’autres sites de vaccination ont été ouverts, notamment dans les dispensaires : à Papeete, Paea, Mataiea et Arue. Dans les établissements scolaires également, la campagne devrait s’accélérer. « Nous allons commencer à vacciner les étudiants dès 16 ans », a indiqué Daniel Ponia. Les lycées, l’université mais également les internats seront concernés pour les jeunes qui souhaiteraient se faire vacciner dans leur école.
Les pharmacies ont également la possibilité de vendre des autotests. Si Henri-Pierre Mallet indique qu’ils ne sont pas aussi efficaces que les tests PC-R, il rajoute que ces autotests peuvent s’avérer utiles pour les personnes régulièrement exposées. Autre disposition envisagée dans les jours à venir : la mise à disposition d’autotests auprès des professionnels de santé. Ils pourraient ainsi, s’ils le souhaitent, superviser les patients qui en feraient usage.
Pour les personnes ayant déjà contracté le virus, il leur est demandé d’attendre 2 mois avant de se présenter en centre de vaccination afin de recevoir leur première dose.
Consulter la carte des centres de dépistage en cliquant ICI et retrouvez la liste des centres de vaccination LA.
Situation préoccupante dans les îles
« On commence à avoir des feux rouges un peu partout, en même temps, sur toute la Polynésie française », a déclaré la directrice de la santé, Merehau Mervin.
Sur tous le territoire, 24 îles sont en effet touchées par la covid. Les cinq archipels sont concernés, avec une augmentation des cas à Rurutu et une situation « très inquiétante sur Huahine », a annoncé Merehau Mervin. Sur Uturoa également, les chiffres préoccupent, avec une hausse des hospitalisations.
Même s’ils ne concernent que les îliens atteints de formes graves, des EVASAN ont bien lieu depuis les îles vers le CHPF, s’élevant au nombre de 10 la semaine dernière. Mais l’hôpital du Taaone est déjà submergé et voit les limites de ses capacités d’accueil repoussées au maximum. L’établissement saturé, les évacuations sanitaires depuis les archipels ne pourront pas être maintenus ainsi sur le long terme, a indiqué le directrice de la santé.
Le CHPF saturé : bientôt un tri à faire parmi les patients ?
Le personnel du CHPF ne cesse de le répéter depuis plusieurs jours : face à une saturation des capacités de l’hôpital, il faudra bientôt faire un tri parmi les patients. Une éventualité d’ailleurs confirmée par Henri-Pierre Mallet : « il est clair qu’il y a des discussions entre les médecins pour prioriser des patients », avec des « conséquences pas seulement chez les patients covid ».
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Les îles n’échappent pas à ce risque. « Si on a des populations qui sont touchées par le covid dans des iles éloignées, on va devoir faire des choix difficiles », craint Merehau Mervin. « On espère ne pas avoir recours à cela dans les îles. On a prédisposé énormément de matériel mais on le sait, tous les moyens sont limités », a-t-elle ajouté.
Interrogé sur la responsabilité d’une telle prise de décision, Henri-Pierre Mallet a indiqué mettre « la priorité selon les chances qu’on a de soigner le patient le plus efficacement possible ».
Le confinement général déconseillé
Une allocution du haut-commissaire est attendue ce mercredi en fin de journée. Si la question du confinement reste encore en suspens, le docteur Henri-Pierre Mallet a confié ses doutes : « Je ne suis pas certain qu’un confinement soit la solution. […] Peut-être qu’il est déjà trop tard ».
« Tout dépend à quel moment elles sont faites et comment elles sont faites ». L’épidémiologiste recommande davantage « des mesures de confinement partiels » sur certaines îles et districts, pointant l’efficacité plus probable de mesures nuancées plutôt que générale, en raison des conséquences psycho-sociales et économiques « trop importantes » que causerait un second confinement de toute la population.
Pour rappel, la Polynésie est officiellement en état d’urgence et un couvre-feu est instauré en Polynésie à partir de ce mercredi minuit, de 21 heures à 4 heures, ainsi qu’un confinement le dimanche.